Relire régulièrement René Guy Cadou
... Poésie la vie entière (Seghers), comme on descend chercher une bouteille dans la pénombre, pour se faire du bien avec un ami de passage, soupirer d'aise tandis que le jour s'efface; et le concours d'une épaule qui ne fuit pas...
CELUI QUI ENTRE PAR HASARD
Celui qui entre par hasard dans la demeure d'un poète
Ne sait pas que les meubles ont pouvoir sur lui
Que chaque nœud du bois renferme davantage
De cris d'oiseaux que tout le cœur de la forêt
II suffit qu'une lampe pose son cou de femme
A la tombée du soir contre un angle verni
Pour délivrer soudain mille peuples d'abeilles
Et l'odeur de pain frais des cerisiers fleuris
Car tel est le bonheur de cette solitude
Qu'une caresse toute plate de la main
Redonne à ces grands meubles noirs et taciturnes
La légèreté d'un arbre dans le matin.
REFUGE POUR LES OISEAUX
Entrez n'hésitez pas c'est ici ma poitrine
Beaux oiseaux vous êtes la verroterie fine
De mon sang je vous veux sur mes mains
Logés dans mes poumons parmi l'odeur du thym
Dressés sur le perchoir délicat de mes lèvres
Ou bien encor pris dans la glu d'un rêve
Ainsi qu'une araignée dans les fils du matin
La douleur et la chaux ont blanchi mon épaule
Vous dormirez contre ma joue les têtes folles
Pourront bien s'enivrer des raisins de mon coeur
Maintenant que vous êtes là je n'ai plus peur
De manquer au devoir sacré de la parole
C'est à travers vos chants que je parle de moi
Vous me glissez des bouts de ciel entre les doigts
Le soleil le grand vent la neige me pénétrent
Je suis debout dans l'air ainsi qu'une fenêtre
Ouverte et je vois loin
Le Christ est devenu mon plus proche voisin
Vous savez qu'il y a du bleu dans mes prunelles
Et vous le gaspillez un peu dans tous les yeux
Refermez les forêts sur moi c'est merveilleux
Cet astre qui ressemble tant à mon visage
Un jour vous écrirez mon nom en pleine page
D'un vol très simple et doux
Et vous direz alors c'est René Guy Cadou
Il monte au ciel avec pour unique équipage
La caille la perdrix et le canard sauvage
Commentaires
l'éternité par ces gestes simples pour ce poète mort si jeune. L'école a figé son écriture dans l'odeur des pluies et des pommes à couteau mais l'expérience de la guerre et la maladie ont assombri sa palette de mots. Quelques vers pour approcher cette assonance :
"C'est l'écorce de l'eau qui m'emprisonne
Toutes ses clés rouillées qui ferment ma gorge
Tous ses goémons sur le cœur
Pour me sauver
Je retranche mon enfance de ma vie
mes premiers pas brodés d'herbe
Mes jeux dociles
je vis avec lenteur"
bonsoir,
je découvre cet auteur. Superbe. Merci pour ce partage.
De rien, chère Carole. Cadou est un poète essentiel.