Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • cadeauésie

    images.jpegLe coffret est arrivé par coursier et quand je l'ai ouvert, je me suis exclamé de bonheur. Il y a des jours comme ça où vous pensez que c'est votre fête, mais non -ou bien oui. 

    Poésie/Gallimard (André Velter) et Télérama (Fabienne Pascaud) se sont associés pour proposer une Petite Bibliothèque de Poésie (30€) composée de douze volumes d'un format agréable, plus petit que l'habituel de la collection Poésie, minces (48 pages dont 40 de poèmes), essentiels, qui sont donc eux-mêmes des mini-anthologies de poètes emblématiques, intemporels ayant bousculé le langage et innové en leur temps respectif. Ce Coffret des Douze marquera.

    En voici l'éclectique composition : François Villon, Frères humains qui après nous vivez. Charles d'Orléans, En la forêt de longue attente. Maurice Scève, Plutôt seront Rhône et Saône déjoints. Pierre de Ronsard, Afin qu'à tout jamais de siècle en siècle vive. Théophile de Viau, Après m'avoir fait tant mourir. Jean de La Fontaine, Un savetier chantait du matin jusqu'au soir. Marceline Desbordes-Valmore, Qui me rendra ces jours où la vie a des ailes. Victor Hugo, Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant. Gérard de Nerval, Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée. Charles Baudelaire, Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat. Paul Verlaine, Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant. Arthur Rimbaud, J'étais soucieux de tous les équipages. On se lassera de ces compagnons avec difficulté et c'est heureux. Ce coffret de chevet est un cadeau poétique majeur; un viatique. La véritable  marque de l'arrivée du printemps.

    En offrande, ce sonnet de Théophile de Viau :

    Je songeais que Phyllis des enfers revenue,
    Belle comme elle était à la clarté du jour,
    Voulait que son fantôme encore fît l’amour
    Et que comme Ixion j’embrassasse une nue.
     
    Son ombre dans mon lit se glissa toute nue
    Et me dit : « Cher Thyrsis, me voici de retour,
    Je n’ai fait qu’embellir en ce triste séjour
    Où depuis ton départ le sort m’a retenue.
     
    « Je viens pour rebaiser le plus beau des amants,
    Je viens pour remourir dans tes embrassements. »
    Alors, quand cette idole eut abusé ma flamme,
     
    Elle me dit : « Adieu, je m’en vais chez les morts,
    Comme tu t’es vanté d’avoir foutu mon corps,
    Tu te pourras vanter d’avoir foutu mon âme ! »

  • Mort d'un grand éditeur

    images.jpeg

    Jean-Marc Roberts vient de capituler face au cancer. Il luttait depuis longtemps. Il avait trouvé la force et l'élégance de donner un dernier livre de souvenirs et de dialogue avec sa maladie, Deux vies valent mieux qu'une (Flammarion), car c'était aussi un écrivain raffiné; au talent précoce : romancier à dix-huit ans, prix Renaudot à vingt-cinq pour Affaires étrangères. Il présidait les éditions Stock avec sa grande personnalité, son flair, un talent qu'il avait exercé longtemps au Seuil (où je fis sa connaissance dans les années 1982-84. Il ressemblait alors à cette photo de ©Sophie Bassouls), puis chez Fayard avant de lancer la fameuse collection Bleue chez Stock. Certains de mes amis étaient, sont ses auteurs sous casaque bleue : Christian Authier, Simonetta Greggio, Jean-Marc Parisis. C'est à eux que je pense aussi, ce soir.

     

  • lire7

    Quelques unes de mes chroniques parues récemment dans Télé7jours.images.jpeg


    Chronique d’hiver, par Paul Auster

    À l’âge de 64 ans, un grand écrivain américain se penche sur son passé à la deuxième personne. En se parlant à lui-même, il nous tutoie. Un homme est entré dans l’hiver de sa vie et se souvient. Ce premier volume de mémoires (le second aura trait au travail d’écriture) saisit l’auteur à l’âge de 3,5 ans lorsqu’une glissade lui fait frôler la mort. Avec une sincère lucidité, Paul Auster revisite les moments saillants –et anodins, donc universels-, d’une existence traversée depuis 30 ans par l’amour total -pour et- d’une seule femme, l’écrivain Siri Hustvedt. On y croise leur fille Sophie, des êtres qui comptent et surtout une multitude de faits quotidiens, consignés ici parce qu’ils devaient frapper la porte de l’esprit. Crépusculaire, grave et beau, c’est le livre le plus touchant d’Auster. L.M.

    Mémoires, Actes Sud, 252 pages, 22,50€


    images (1).jpeg

    Bérénice 34-44, par Isabelle Stibbe

    Son prénom la prédestinait. Sa vocation sûre de comédienne la fera entrer au Conservatoire, puis à la Comédie-Française en 1937 contre l’avis de son père, le fourreur parisien Maurice Capel, né Moïshe Kapelouchnik. C’est la consécration à 18 ans pour Bérénice de Lignères (son nom d’artiste). Mais la seconde guerre éclate et la barbarie nazie n’épargne pas la Maison de Molière, où nous croisons notamment Louis Jouvet. Ce premier roman à l’écriture enveloppante conte le destin d’une femme courageuse dont les origines juives seront dénoncées, dans un Paris occupé admirablement décrit. L.M.

    Roman, Serge Safran éditeur,  320 pages, 18€


    images (2).jpeg

    La Campagne de France, de Jean-Claude Lalumière 

    Installés à Biarritz, Alexandre et Otto donnent dans le voyage culturel. Forcés de revoir leurs ambitions à la baisse, ils inscrivent Bergues (Bienvenue chez les Ch’tis) à leur programme, via quand même la Gironde de François Mauriac, Oradour-sur-Glane et le Limousin de Jean Giraudoux. Leur « Cultibus » embarque douze retraités Luziens forts en gueule et aux préoccupations terre-à-terre. Cela donne une comédie désopilante et burlesque fleurie d’une kyrielle d’aventures rocambolesques. L’équipée est gratinée et l’auteur excelle dans la satire raffinée. L.M.

    Roman, le dilettante,  288 pages,  17,50€


    images (3).jpeg

    La montée des cendres, par Pierre Patrolin

    Dans ce roman singulier, il pleut sur Paris. Beaucoup. Et puis il neige. Et la Seine grossit. Un homme, qui vient d’emménager au cœur de la capitale, a trouvé un briquet laissé à côté de sa cheminée. Dès lors, alors que la ville se noie, ce Robinson urbain se sent investi d’une mission : entretenir la flamme fragile que, par réflexe, il a allumée en s’installant chez lui. Mettre la main sur tout ce qui brûle, dans les rues, les jardins, devient son obsession… Où cela peut-il le conduire ? Une fable poétique, dans la veine de La Route, de McCarthy. L.M.

    Roman. P.O.L., 188 p., 16 €


  • flacons frais

    images.jpgPour escorter un Saint-Félicien bien fait, le Château de France, pessac-leognan blanc (2011), 80% sauvignon, 20% sémillon, avec son nez gourmand d'agrumes et de fruits exotiques et sa bouche délicatement épicée, est un régal. 4 ha sur les 40 que compte cette propriété sont consacrés à l'élaboration de ce blanc raffiné et résolument de garde. A peine 15000 bouteilles (21€) sont produites. Rappelons que l'AOC Pessac-Leognan produit sans conteste les meilleurs mages.jpgblancs de toute la région de Bordeaux.

    Le champagne Brut Réserve de Charles Heidsieck est un multi millésime remarquable. Sa bulle est fine et le cordon élégant. Le nez est brioché et de fruits exotiques et de fruits secs. En bouche, cette sélection de vins de réserve ayant jusqu'à dix ans lui donne de la profondeur et une onctuosité charnue. Un beau flacon (40€) pour accompagner un foie gras au torchon par exemple.

    iges.jpgSaint André de Figuière, de la famille Combard à Londe les Maures (près de Toulon), célèbre pour ses rosés tranquilles, produit Atmosphère, un extra-brut rosé (2011) -un vin "méthode traditionnelle" issu de cinsault et de grenache vinifiés séparément, qui subissent une première fermentation en cuve et une seconde en bouteille (la prise de mousse, par addition de moût de raisin, ou liqueur de tirage). Cet effervescent provençal a tout pour plaire. Beau nez tendre et friand de baies rouges fraîches, bulle assez fine, notes toastées en bouche, finale fraîche et ronde (17,50€). Et je m'interdis d'écrire qu'il s'agit d'un vin féminin!

  • Salon du Livre

    chasses-furtives.jpgSpécial autopromo... Je suis invité à signer Chasses furtives sur le stand des éditions Passiflore (U65 - T77) http://www.editions-passiflore.com/collection-itineraire-roman/35-chasses-furtives.html  samedi prochain 23 mars à partir de 16h au Salon du livre de Paris.

    Comme je me suis laissé dire qu'il se trouvait encore quelques rares citoyens qui ne possédaient curieusement pas ce livre, ce message leur est particulièrement adressé. Il n'y aura donc pas foule devant la table du singe. 

    http://bit.ly/X048l7

  • Villa Blanche

     

    inex.jpg


    C'est un grand chardonnay d'une belle complexité,  droit, minéral, acide ce qu'il faut, à l'attaque vive et puissante, à la fois aromatique et gras donc élégant et doté d'une belle longueur en bouche. Elaboré avec autant d'amour que de savoir-faire, semble-t-il, c'est un vin signé Calmel + J.Joseph, soit un grand vin du Languedoc-Roussillon (IGP Pays d'Oc, 2012) et sur la contre-étiquette de cette cuvée rare appelée Villa Blanche, nous lisons avec plaisir un concentré de la philosophie de ces vignerons scrupuleux : Transparence pour des vins libres. J'adore! La bouteille est équipée d'un bouchon à vis. J'aime de plus en plus cela. Pas vous? Voilà un grand blanc de confiance parmi des vins de respect et surtout un chardonnay exceptionnel (7€).

  • VDD

    images.jpgimags.jpgimas.jpgDom Brial (Baixas, Pyrénées-Orientales) est une grande cave qui regroupe 380 coopéateurs produisant 85000 hl de vins sur 2500 ha de vignes. C'est énorme. Cela ne l'empêche pas de bénéficier pour ses vins qui voient le jour en Languedoc-Roussillon et grâce à  un travail raisonné sur la nature effectué jour après jour depuis longtemps déjà, du label VDD, Vignerons Développement Durable, certifié par l'Institut Coopératif du Vin et qui touche une douzaine de caves identiques à celle-ci. Ces caves oeuvrent à l'utilisation et à la promotion d'énergies douces (solaire, notamment) et aux traitements alternatifs propres (comme la fertilisation naturelle). La gamme Helios de Dom Brial, déclinée dans les trois couleurs désigne des vins tranquilles très simples et au rapport qualité-prix intéressant (5€ chaque flacon). Helios rouge (carignan, grenache, syrah, mourvèdre) est puissant et possède un beau nez de baies rouges et noires bien mûres. Helios blanc (grenache blanc, malvoisie, macabeu) est frais mais on lui reprochera un léger perlant un peu gênant en bouche. Helios rosé (syrah, grenache noir) est un honnête vin de grillades printanières. Des flacons sudistes sans prétention et à qui nous ne demanderons rien d'ailleurs, pour tant de beaux jours à venir.

  • Royal palais

    Pierre au Palais-Royal à Paris (10, rue de Richelieu) est un beau restaurant bistronomique, frais et dont la clarté tranche sur les tons noir et blanc et sur cette originale décoration africaine, tendance résolument zébrée, surtout dans la seconde salle du fond. Jolie moquette lie de vin. L'accueil sympathique et le discours à la prise de commande d'Eric Sertour, son accent de Montélimar, son expertise en vins et ses conseils judicieux, notamment sur les plats du marché du jour ajoutés au formidable menu-carte, font oublier un service un peu froid par ailleurs. Superbes produits maîtrisés -qu'ils proviennent de la mer ou de la terre-, magnifiés même, audacieusement associés et dont les cuissons sont d'une précision d'horloger genevois. Les desserts sont par ailleurs dignes de ceux d'un vrai bon pâtissier. A la carte, nous sont proposés, pêle-mêle : Poêlée d'ormeaux et berniques à l'ail, salicornes (+7€ s'il est choisi au menu-carte recommandable). Sardines bretonnes cuites au citron confit et absinthe fraîche, salade de lentilles blondes, mâche et grenade. Filets de rouget barbet de l'île d'Yeu, poêlée de courgettes fleurs, girolles et amandes fraîches, beurre blanc au thym citronné. Saint-Pierre rôti, fricassée d'aubergines et piquillos, pistou à la roquette et noix (+5€). Filet de boeuf de race Normande façon Rossini (foie gras, sauce truffée) pommes de terre boulangère (+15€)... Et aussi des nèfles tièdes au miel, pain d'épices et sorbet yaourt, gingembre confit (je les ai goûtées en annexe, car devant mon hésitation avec une autre douceur, il me fut proposé gracieusement un échantillon de mon non-choix -cette marque de tact est remarquable. Cependant, le pain d'épices était sec, les nèfles fades et le sorbet bon). Mon repas du 14 juin dernier fut composé d'un risotto d'orge perlée au parmesan et cresson et premiers champignons sauvages (mousserons et petites girolles) : orge trop croquante, bon jus de viande pour relever l'ensemble, qui réclame le poivre du moulin... Puis d'un canard croisé "comme dans le XIII ème", l'aile laquée, la cuisse en raviole poêlée, sauté de langues, gombos et blettes aux cinq parfums : un pur délice! L'aile désigne ici le flanc (ou magret), mais passons. Superbes cuissons distinctes, très bons légumes, ravioles fortes en goût (y avait-il aussi le foie en elles?). Et enfin d'un millefeuille au chocolat et noix de macademia, la "crema" d'un expresso : Délicieux, infiniment délicat, très belle exécution (visuelle et gustative). Le café est bon, sans plus et servi avec deux mini financiers à la noisette excellents. Le pain est un honnête "campagne" à la bonne odeur fraîche de levain lorsqu'on plante discrètement mais profondément ses narines dans la mie. La carte des vins est judicieuse : à noter que le chef, Eric Sertour (aujourd'hui secondé par un ancien de chez Jacques Cagna, Konrad Ceglowski), est également Meilleur Sommelier de France), mais elle est très chère; sauf au verre : 6€ et quelques bons choix, notamment le rosé de Mourgues du Grès (costières-de-Nîmes), ou encore le rouge de La Célestière (un châteauneuf-du-pape déclassé en côtes-du-rhône), les deux proposés dans le millésime 2010. Il existe aussi un très intéressant menu-carte à 33€ (entrée+plat ou plat+dessert), ou bien à 39€ (dessert compris). Le plat du jour pris seul coûte 28€. Les plats de ce jour-là étaient une poêlée de girolles d'Auvergne (minuscules comme des boutons). Un sandre poché. Une caille désossée flambée à l'eau de vie, purée de patates douces. Un dernier mot sur le hall d'accueil, qui est chaleureux, ce qui n'est pas souvent le cas dans ce quartier froid qui va du Palais-Royal à l'Opéra Garner. Pierre au Palais-Royal est un resto cosy de déjeuner d'affaires et aussi une table chic pour y diner entre amis, voire en amoureux (personnellement, ce n'est pas là que j'amènerais des potes du Sud-Ouest ni ma dulcinée, mais bon). Enfin, il m'en a coûté 61€ pour ce repas avec 3 verres de vin... J'enquêtais -comme souvent- pour un célèbre guide gastronomique. Si je publie ce compte rendu de visite succinct, c'est parce que je viens de tomber dessus et que je m'aperçois tardivement qu'il est resté au marbre de l'édition 2013 dudit guide. Alors autant partager ici ; une fois n'étant pas coutume!

  • Les poètes des jardins

    ndex.jpgLe paysagiste est un poète des jardins et cet ouvrage magnifique est pour lui et tous ceux qui poursuivent des études d'architecte-paysagiste : Carnet de travail d'un jardinier paysagiste, de Hugues Peuvergne (Ulmer, 30€), est une sorte de carnet intime des nombreuses réalisations d'un virtuose de la nature, étape par étape avec force illustrations, photos, dessins, plans, textes poétiques et nécessairement pratiques, voire techniques mais dans une langue imagée et simple. L'ouvrage présente dix-sept des plus beaux jardins mis en scène par l'auteur dont c'est le métier depuis vingt-six ans, aménagés avec subtilité, intelligence, sensibilité, à Paris, en région parisienne et au-delà. Cela ressemble à un carnet de voyages dans un espace vert et fleuri et dans un temps apaisé, rasséréné par le travail harmonieux de l'homme lorsqu'il sait écouter la nature et l'allier à notre quotidien. Vivant, ce livre l'est aussi par le récit de rencontres humaines et paysagères, par ses anecdotes et ses croquis et esquisses, de la genèse de chaque projet à sa livraison.

    Hugues Peuvergne donnera une conférence (dédicace) le 12 avril prochain au fameux Domaine de Saint-Jean-de-Beauregard, dans l'Essonne (situé à 27 km de Paris).

  • Rambaud, dernière

    index.jpgC'est le sixième et dernier volume de la chronique rédigée à la manière d'un Duc de Saint-Simon des temps modernes, du règne de Nicolas Ier, Notre Culotté Potentat qui présida le pays dans l'intérêt particulier davantage que général; ce durant cinq ans. Patrick Rambaud excelle avec cet ultime opus irrévérencieux à souhait et comme tous les autres désopilant. L'ouvrage voit également le couronnement de M. de la Corrèze et nous permet de revivre l'affaire DSK (avec M. de Washington), entre autres faits marquants de cette pitoyable fin de règne d'un Sautillant Monarque par trop autocrate. J'ai particulièrement savouré le chapitre V qui évoque sous le sous-titre : La corrida de Bayonne l'accueil particulièrement vif que les Bayonnais réservèrent à Notre Leader Furieux au cours de la campagne. Souvenez-vous comme ces moments furent délicieux...  Tombeau de Nicolas Ier et avènement de François IV, par Patrick Rambaud, Grasset 16€.

     

  • Sagesses à 2€

    images (2).jpegLe marché est encombré mais les éditeurs y vont encore : folio 2€ lance sa sous-collection, baptisée Sagesses, avec une
    images (1).jpeg dizaine de titres minces et essentiels : Cioran, Pensées étranglées (extraits du Mauvais démiurge), Ellul, Je suis sincère avec moi-même (déjà évoqué ici il y a quelques jours : "Presse Papier". Extraits de Exégèse des nouveaux lieux communs), Sénèque, De la providence (extraits de Lettres à Lucilius et de Stoïciens), Tchouang-tseu, Joie suprême, Maître Eckhart, L'amour est fort comme la mort, Saâdi, Le Jardin des Fruits, et encore Liu An, Du monde des hommes (de l'art de vivre pami ses semblables), un ouvrage01073218624.gif sur la voie du zen de Dôgen, Corps et esprit, et un extrait de La Légende dorée (vie des saintes 01074165624.gifillustres) de Voragine... Avec une collection à ce prix, ces petits livres que l'on a envie d'offrir comme on achète des chocolatines sont voués au succès. C'est le miracle du (mini) poche que de faire tenir tant d'esprit, de sagesse, de réflexions intemporelles pour la plupart, dans un bouquin aussi épaisimages.jpeg qu'une tranche de pain de mie et à peine davantage qu'une tranche de jambon coupée comme avant. La images (3).jpegforme est séduisante et les textes sont des compagnons pour le jardin, l'attente, les 01073219624.giftransports en commun. Quoi de plus stimulant en effet, tandis que l'on attend un ami quelque part, surtout pas temps de neige comme aujourd'hui, que de lire des aphorismes de Cioran, une pensée de Sénèque, des réflexions sur le bonheur d'un sage chinois, des sentences et des historiettes persanes ou encore des méditations sur la vie contemplative, le détachement, la honte, la jalousie, le pardon, le discernement... qui nous sont chuchotées par les maîtres -anciens et modernes- de la sérénité (re)trouvée? On en redemande.

  • Damiano Damiani

    l-ile-des-amours-interdites-affiche_240844_14171.jpgUn nom du cinéma italien des grandes années vient de mourir le 7 mars à l'âge de 90 ans. De Damiano Damiani, on se souvient peut-être de El Chuncho (1967), un western spaghetti dans la veine des Sergio Leone, avec la révolution mexicaine de 1910 pour cadre et Gian Maria Volonte et Klaus Kinski pour acteurs principaux. On se souvient de Pizza Connection  -à propos de la mafia (Ours d'or à Berlin en 1985), ou de La mafia fait la loi (1968, avec Claudia Cardinale; d'après un roman de Leonardo Sciascia). Pour la télévision, Damiano Damiani fut le co-auteur des premiers épisodes (on ne parlait pas encore de saisons), d'une série lancée en 1984 et qui connut un grand succès au-delà des frontières de la Botte : La Piovra (La Mafia), avec Michele Placido pour acteur principal. Mais qui se souvient de L'île des amoursth.jpg interdites, adapté de l'Isola di Arturo, L'Île d'Arturo, d'Elsa Morante, le grand roman (Prix Strega 1957 -le Goncourt italien), de "la" Morante et qui a Procida pour cadre? Le film valut à Damiani le Grand Prix du Festival de Saint-Sebastien en 1961. Damiani était le cinéaste des problèmes sociaux et il se rapproche en cela du néoréalisme italien. L'Île des amours interdites, tourné en noir et blanc, montre une Procida encore sauvage, une prison, Terra Murata, en activité (elle ne fermera qu'en 1988) et des personnages d'une sensibilité à fleur de peau. De ce film, fidèle au roman, il se dégage une poésie simple, un dépouillement; une vérité pure comme l'enfance lorsqu'elle rencontre la mélancolie et qu'elle cesse de jouer avec un chien sur la plage.

     

  • Ivre de poésie

    « Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous ! » Baudelaire.

    imges.jpegA noter, la parution d'une précieuse petite anthologie concoctée par Zéno Bianu, orfèvre en la matière : Poèmes à dire, une anthologie de poésie contemporaine francophone, publiée par Poésie/Gallimard (6,90€) à l'occasion du Printemps des Poètes 2013 (du 9 au 24 mars). De Paul Claudel à Valérie Rouzeau, de Guillaume Apollinaire à Serge Pey, de Jean Malrieu à Bernard Manciet, de Georges Ribemont-Dessaignes à Dominique Sampiero, de Paul Eluard à André Velter, voici un florilège à déclamer au lit, assis tailleur sur les draps : Ecoute, amour, écoute!.. A proposer à l'inconnu, à lire, à dire, à crier, à chanter, à téléphoner, à laisser sur un répondeur, à reproduire dans une lettre -une vraie, avec une enveloppe et un timbre choisi et son adresse écrite à la plume; à textoer (pourquoi pas!), afin de révéler le cante hondo ou jondo, ce chant profond de la poésie viscérale andalouse, flamenca et plus largement, afin de voir fleurir, s'épanouir l'émotion qui se dégage et s'impose à partir de chaque poème francophone reproduit dans ce précieux petit bouquin, lorsque chacun d'entre eux est vécu et offert avec la voix; avec la voix seulement (sans malédiction), la voix qui vient du ventre qui bouillonne, celle qui vient aussi du coeur qui gonflonne... Aux seules fins de la jubilation du partage comme me l'écrit lui-même Zéno; dans la commune présence d'une fraternité essentielle, afin de tenir en échec les puissances environnantes du monde hostile...

    Extrait au pif : 

    Dormir avec toi.

     Ecoute le tonnerre, ce bûcheron, traverser la nuit. Entends ce délire. Ah! Serre-moi dans tes jambes nues. Inonde-moi de chaleur, de lumière. L'orage monte des draps froissés. Je ne suis qu'un homme dans les bras de la nuit (...)

    Dormir avec toi.

     Je dors en toi. Je dors toujours en toi, plus profondément en toi. Je t'enlace, tu me pénètres des dents, des bras. Tu as le râle des palombes. Les yeux fermés, je vois ouverts tes yeux. Y dérivent les rivières. (...)

    Jean Malrieu, extrait, page 78.


    Un dernier pour le chemin

    La main, en écrivant

    La main est le berger de l'ombre. L'ombre des mots. L'ombre de rien. Elle rassemble. Une île entre le visible et l'invisible. C'est par là qu'elle touche les morts, qu'elle les caresse et leur parle. Ils posent leur front glacé entre nos doigts. C'est la mémoire des outils, des courbatures. Des gestes vers la terre. Et l'on se surprend à tracer dans l'air des arabesques de semailles, à abattre des arbres de verre. A détourner des rivières muettes. La main sait tout. Le mouvement du pain. Les poutres sur l'épaule. Conduire les troupeaux. Cueillir, toucher, ouvrir (...) 

    Dominique Sampiero, extrait, page 156. 

     


  • Comte-Sponville, quand même

    images.jpegBon, le gars ne m'émeut guère, j'ai lu ses principaux bouquins (tous des best-sellers comme ceux de Onfray mais je préfère Onfray et je me réjouis de toute façon tellement de ce que des livres de philo, même softs, se vendent comme des chocolatines!...), mais bon, voilà. Sauf que là, dans un avion, j'ai lu un entretien tout simple, voire simpliste, avec André Comte-Sponville à propos de la simplicité je crois; ça devait être dans une revue de compagnie aérienne, était-ce Air France mag?.. Je ne sais plus (et j'aurais aimé pouvoir citer au moins le confrère qui a réalisé l'interviouve (j'ai arraché une page du mag, mais elle est tronquée). En tout cas, voici ce qu'il fallait en retenir, car c'est bluffant ce qui suit, même si parfois le gonze enfonce des portes ouvertes à deux battants larges -mais bon, vous allez aimer j'en suis sûr, ou bien alors je me fais moine (enfin... Oupoupoup... On verra, hein).

    Citations :

    "La simplicité n'est pas de l'ordre de l'avoir, mais de l'être (...) La simplicité c'est d'abord le naturel. C'est la vie réduite à sa plus simple expression. La vie insignifiante.

    Le contraire du simple n'est pas le complexe, mais le faux. Etre simple, c'est ne pas faire attention, ne pas calculer, être sans ruser et sans secret, sans idées de derrière, sans programme, sans projet... La simplicité est oubli de soi, c'est en quoi elle est une vertu : non le contraire de l'égoïsme, comme la générosité, mais le contraire du narcissisme, de la prétention, de la suffisance. Le simple n'a rien à prouver, puisqu'il ne veut rien paraître, ni rien à chercher, puisque tout est là. Quoi de plus simple que la simplicité? Quoi de plus léger? Quoi de plus difficile? C'est la vertu des sages et la sagesse des saints.

    Quant à la sérénité, ce qu'Epicure appelait l'ataraxie, elle est peut-être le plus simple et le plus rare de nos états d'âme... (...) Les plaisirs de la promenade (exemple) : c'est le corps qui se promène. Mais c'est l'esprit qui en jouit. 

    A propos du plaisir simple et du présent : Le passé n'est pas, puisqu'il n'est plus. Ni l'avenir, puisqu'il n'est pas encore. Donc il n'y a que le présent. Mais le plus souvent, nous en sommes séparés par le regret ou la nostalgie, ou bien par l'espoir et la crainte... Nous ne sommes plus dans la simplicité de vivre, mais dans la dualité, dans la distension de l'âme, comme disait Saint-Augustin, comme écartelés entre le passé et l'avenir... Vivre simplement, c'est donc vivre au présent. C'est en quoi la simplicité nous ouvre au monde et aussi à l'éternité.

    Le présent, contrairement à ce qu'on dit souvent, ne disparaît jamais. Les événements changent : le présent demeure.

    Il ne faut pas confondre la simplicité et le bonheur. Quand vous êtes malheureux, soyez simplement malheureux. Cela vaut mieux que vouloir à tout prix le bonheur, quand le réel s'y oppose. Et quand vous n'êtes ni heureux ni malheureux, ce qui est le cas le plus ordinaire, soyez simplement dans l'entre-deux... La simplicité est une vertu. Le bonheur une chance. Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'il est difficile d'être heureux quand on ne sait pas apprécier les plaisirs simples de l'existence. Non qu'ils suffisent toujours au bonheur, hélas, mais parce que le bonheur, sans eux, n'est qu'un rêve ou un mensonge.

    Il y a de grands plaisirs (dans l'amour, l'art, la sexualité, la philosophie, la spiritualité ou l'action), qui sont plus précieux que les petits. Ils sont souvent moins simples? Soit. C'est pourquoi la simplicité est une vertu nécessaire et difficile. Etre simple, ce n'est pas chercher la petitesse. C'est refuser les fausses grandeurs."

  • 603 / 1226

    Je ne pige pas le truc. Hier, vous avez été 603 visiteurs uniques sur ce fucking blog et vous avez regardé 1226 pages d'içelui. Et combien de commentaires? -Z. Pourquoi. Je ne pige toujours pas le truc. Le truc de la participation, de l'interactivité, tout ça, cela m'échappe. Alors oui j'ai eu 2-3 mails directs. Mais bon... Je pige aussi, un peu, le truc de la conso d'un blog, en passant, je musarde -ça oui (la preuve). Mais bon, un blog c'est aussi fait pour lui donner de la vie, du sang, de la chair, des frottements, des frictions, du peps, non?.. Ou alors je me trompe...  ¡A ver!

  • viral

    IMG_8047.JPGEnseigner la philosophie, pour Nicolas Grimaldi, c'est tenter de rendre la pensée aussi contagieuse que l'émotion.


    Lorsque je jouis seul d'un paysage merveilleux, que je ne peux donc pas partager mon émotion, ce que je ressens alors est étrange : c'est comme si j'en étais privé.

    Ce qui n'est déjà plus l'ombre et pas encore la proie (André Breton, à propos du chien-et-loup).

    Etrangeté du manque. Et de l'imagination, qui tient une si grande place dans l'amour que quelquefois nous avons hâte de voir partir la personne aimée : elle nous gêne pour penser à elle.

    Photo : Pêcheur sur l'eau, Hanoi, ©L.M.

  • gloûté pour vlous

    images.jpgTrès belle prestance pour ce rouge de la région de Béziers. Roqua Blanca est un vignoble d'une trentaine d'hectares sur des sols schisteux ici et argilo-calcaire caillouteux là. Le vin s'appelle La Croix Chevalière et il est réalisé par les vignobles Laroche à Chablis. Nous avons goûté le 2009, un vin de garde assurément. Sa robe obscure, son nez un rien torréfié avec des dominantes de cassis mûr et sa bouche ample et opulente en font un rouge idéal sur une côte de boeuf (ce fut le cas). La syrah, fiancée au merlot et à la grenache, s'assouplit en conversant avec ses copines. Belle bête. 23€

    Family Reserve Hautes-Terres 2004, du château Fourcas-Dupré (Listrac) est aussi splendide mais pourvu de plus d'élégance, si l'on Image 4.pngpeut comparer les deux flacons sur la même côte de boeuf (ce qui fut fait). Vin de garde, prestigieux, il exprime le meilleur de cette propriété emblématique de l'appellation médocaine, pilotée par Patrice et Ghislain Pagès. Attaque douce, montée en puissance au nez et en bouche avec une belle longueur. Flaveurs épicées, toastées, de sous-bois, giboyeuses même, avec un rien de réglissé. Un chouia plus de cabernet-sauvignon que de merlot, un peu de cabernet-franc et un soupçon de petit verdot, un tiers de fûts neufs, une conduite raisonnée de la vigne... En bouche, cela donne une belle fraîcheur mi-poivrée, mi-chocolatée. La finesse est là et la force aussi, mais discrète, pas trapue. L'élégance, quoi. 14€

    Le gagnant (sur la côte de boeuf) fut Coin Caché, cuvée très concentrée et issue de vieilles vignes - 85% grenache et le reste en syrah, du mas de la dame, un rouge en appellation Les Baux de Provence 2008 capiteux, riche, à la robe noire, au nez franchement expressif de fruits rouges mûrs en soupe (fraises) ou même à l'eau de vie (cerises) et d'épices douces. La parcelle qui le produit est la plus ancienne de ce domaine conduit en bio (Qualité France). Simone de Beauvoir évoque les vins du mas de la dame dans La Force de l'âge; ceci pour l'anecdote. Ce sont cependant deux femmesimmmages.jpg ex-journalistes, Anne Poniatowski et Caroline Missoffe qui pilotent le mas bien nommé : elles ont repris la propriété familiale il y a bientôt vingt ans et se sont entourées des conseils de Jean-Luc Colombo (dont les Cornas sont légendaires). Néanmoins, Coin Caché n'a rien d'un vin féminin -qualificatif ridicule à la vérité, chacun en convient aujourd'hui. Sauf que cette cuvée, qui titre d'ailleurs 14,5°, possède vraiment du poil aux pattes. Dominent ce nez de fruits macérés et surtout cette bouche charnue, ample, avec une longueur remarquable et d'une puissance à faire trembler la daube de sanglier la plus sauvage. Env. 20€

    image1.jpgTrès intéressante gamme d'Ackerman (Saumur) : Secret des Vignes. Le blanc, un Saumur (2010) 100% chenin, est d'une grande fraîcheur et pourvu d'une belle matière. Nez explosif de fleurs blanches et légèrement miellé, voire exotique. Bouche structurée, fruitée, épicée légèrement et d'une remarquable persistance. Parfait pour un poisson blanc à la crème ou bien une viande blanche grillée. 8,90€

    Le rouge de la gamme, un Saumur Champigny 2010, est surprenant de force. Ce 100% cabernet-franc (sélection de vieilles vignes à faibles rendements), exprime une concentration, un soyeux, une structure franchement notables. Très beau nez de fruits rouges et noirs mûrs, bouche épicée. Bien sur un jamon pata negra avec juste du pain aux céréales. 9,90€

    A noter, le Pinot Gris 2010 Ancestrum, de la Cave des vignerons de index.jpgPfaffenheim. Ce diamant jaune d'Alsace possède un joli nez d'agrumes confits, de poivre blanc et de raisin pas tout à fait sec. Bouche vive, épicée et longue. Un plateau de fromages de chèvre lui imaes.jpgva bien. Le Gewurztraminer 2011, de la même cave, est très floral avec des notes complexes de fruits à chair blanche et jaune. Belle minéralité en bouche, concentration appuyée, longueur remarquable. Bien sur un fromage à pâte persillée un peu gras (gorgonzola) ou bien une tarte à la pâte d'amande, de type galette des rois. 16€ chaque flacon.

    idex.jpgBelle surprise, enfin, que cette Mondeuse (Savoie) 2011 de La Cave du Prieuré (Barlet Raymond & Fils) à Jongieux. Ce rouge d'une grande franchise surprend par sa puissance, son équilibre remarquable et sa complexité, assez peu courants pour l'appellation (et le cépage mondeuse), en tous cas dans nos souvenirs. Remarquable. 7,20€

     

  • L'avantage, avec Spinoza...

    ... C'est que, ouvrir au hasard l'Ethique produit le même effet que celui d'ouvrir au hasard le Journal de Jules Renard : à chaque page ou mieux : à chaque tombée des yeux sur un passage -aussi maigre soit-il, il se produit une petite décharge électrique, une lumière, une satisfaction intellectuelle immédiate, confondante, transmissible, irradiante. Exemple : il y a une minute, j'ai ouvert Ethique, je suis tombé sur la page 425 de l'édition bilingue en Points et j'ai lu ceci :

    Proposition LIV :

    Le Repentir n'est pas une vertu, autrement dit, ne naît pas de la raison ;  mais qui se repent de ce qu'il a fait est deux fois malheureux, autrement dit impuissant.

    Question : la psychanalyse a-t-elle envisagée l'impuissance à la suite de la double peine?.. (Merci Baruch!).

  • Presse papier

    imagesA.jpegIgnacio Ramonet (Le Monde diplomatique) livre une histoire synthétique de la presse écrite française et surtout des crises qu'elle traverse, dans son précieux essai intitulé L'explosion du journalisme. Des médias de masse à la masse des médias (folio actuel). La révolution numérique, les réseaux sociaux qui font de n'importe qui un producteur d'informations capable de s'improviser journaliste et qui sacralisent ainsi l'amateurisme; le phénomène Wikileaks (un journalisme sans journalistes), la crise grave bien sûr qui rend le lecteur de presse papier rétif à l'achat d'un contenu qu'il prend l'habitude de lire désormais sur sa tablette, son ordi, son téléphone -et aussi en raison d'une perte de crédibilité aiguë de la presse en général; la pub qui déserte les supports traditionnels, la fermeture des kiosques, Presstalis, principal acteur chargé d'acheminer notre canard préféré dans lesdits kiosques qui licencie 50% de son personnel, faute de taff, les charrettes dans les rédac invitant à passer au guichet en zappant l'étape caisse, etc. De Sud-Ouest à El Pais en passant par tant de confrères, nous en connaissons hélas la musique... Le tableau est noir mais dopant, à la réflexion, car Gutenberg n'est pas mort, même si on annonce sa disparition depuis plus d'un siècle; la presse n'ayant pas encore vécu son Age d'or.

    Le vrai journalisme : de terrain, de reportage, d'investigation, a du plomb dans l'aile car il est devenu coûteux, voire jugé inutile (par certaines rédactions qui sont tombées sur la tête!) dans un monde en pleine mutation technologique et où l'accès instantané à une overdose d'informations planétaire, mondialisée permet de faire l'économie du terrain... Et donc de la qualité (qui dit reportage dit automatiquement terrain et un papier fait sans terrain est un papier sans saveurs, voire sans consistance; de toute façon sans grand intérêt). Mais cette forme de journalisme, rigoureux par essence (et cela devrait être un pléonasme), reste justement le dernier rempart contre la médiocrité de la course à l'info (la dictature de l'urgence, voire du sensationnel seulement), qui néglige jusqu'à la vérification élémentaire de la véracité et propage la rumeur à l'occasion, entretenant ainsi une diminution de l'exigence d'un lecteur saoulé, eu égard à la faiblesse neuronale d'une certaine offre éditoriale. Car le terrain est gage de qualité s'il est assorti du travail normal de décryptage, d'analyse, de mise à distance du sujet : le B.A BA. 

    Et cela, seule la presse écrite -de qualité- peut encore l'offrir à un lecteur conscient images (4).jpegde la valeur du travail correctement fait ; car il en reste, de ces lecteurs. Ramonet dresse par ailleurs un tableau complet de l'univers de l'information reloaded : le Web, les sites d'info gratuits, les payants (aucun n'ayant encore trouvé un modèle économique qui pourrait être suivi), les pure players, le pari fait par certains groupes de presse sur la tablette comme outil miraculeux et garant de l'avenir de la presse "écrite", etc.  

    L'essai vivifiant quant au fond, d'Ignacio Ramonet est à rapprocher du passionnant Manifeste (une plaquette de vingt pages) que le mook XXI offre avec son n°21 : Un autre journalisme est possible, disent ses rédacteurs (Patrick de St-Exupéry et Laurent Beccaria), car parier aveuglément sur la révolution numérique est peut-être un leurre, que des journaux sans publicité sont possibles, et qu'un journalisme utile a un bel avenir devant lui, pour peu qu'il revienne un peu aux "fondamentaux" : le temps, le terrain, le rôle capital de l'image, la cohérence; l'indépendance, l'audace, le désir de refonder une presse pour un lecteur et non pas pour des annonceurs. Cette plaquette aura beaucoup fait parler d'elle dans le Landerneau et au-delà heureusement -preuve qu'un certain nombre de lecteurs s'interrogent sérieusement à propos des dérives d'une certaine presse sans qualités et qui pourrait devenir une nouvelle norme si l'on n'y prend pas garde.

    En cela, le rôle du journaliste éclairé rejoint celui du images (3).jpegphilosophe dans la cité. C'est à lui que revient le rôle d'éveilleur des esprits lorsque ceux-ci sont atteints des syndrômes du laisser-faire, de la banalité du mal (cher à Hannah Arendt); bref lorsqu'ils sont sous anesthésie sociale. L'aiguillon, la mouche du coche, l'empêcheur de penser en rond, c'est autant ce grain de sable qui dérange (le journaliste selon Edwy Plenel), que le philosophe. Socrate n'a-t-il pas un peu inventé une certaine forme de journalisme de qualité, avec la fameuse ironie qui images (2).jpegcaractérise sa réthorique (lorsqu'il s'adressait aux Sophistes ou aux simples citoyens d'Athènes et qui séduisit tant le Camus journaliste*), et même l'art de conduire un reportage, avec la maïeutique, ou l'art d'accoucher les esprits?

    Ce sont autant de (re)lectures passionnantes, auxquelles il conviendra d'ajouter une réédition d'un livre de Jacques Ellul : "Je suis sincère avec moi-même" et autres lieux communs (folio 2€) : extraits d'Exégèse des nouveaux lieux communs, et la publication éclairante de Hériter d'Ellul (actes des conférences du 12 mai dernier à l'occasion du centenaire de sa naissance), qui contient notamment les contributions précieuses de Simon Charbonneau, Sébastien Morillon et Jean-Luc Porquet (la collection La Petite Vermillon, de La Table ronde, poursuit -et c'est admirable-, la publication de l'oeuvre capitale d'Ellul : 13 titres sont déjà parus). Ellul, qui répétait à l'envi dans son cours sur La pensée marxiste à Sciences-Po Bordeaux (j'en ai le vif souvenir) : Exister c'est résister, Ellul pour finir, donc, cité dans le Manifeste XXI : Ce qui nous menace ce n'est pas l'excès d'information, mais l'excès d'insignifiance. Dont acte.

    *Lire Les devoirs du journaliste, d'Albert Camus, dans Le Monde daté du 17 mars 2012