Vacqueyras blancs
L'appellation Vacqueyras -célèbre pour ses excellents vins rouges- ne produit que 3% de vins blancs, mais loin de négliger cela, elle (l'ensemble des vignerons) travaille ardemment à en faire de grands vins blancs des Côtes-du-Rhône. Et ça marche. Récemment, nous en avons dégusté sur place une vingtaine, en 2010 (grand millésime) et 2011 (élégant millésime) et force est de reconnaître que la palette est large, les personnalités saillantes, mais l'esprit, un caractère commun, une identité forte dominent aussi, qui donnent à ces vins un équilibre rare. Dans l'ensemble, la robe de tous ces blancs est d'un jaune éclatant avec des reflets verts. Leur nez est floral (acacia, genêt) avec des touches d'agrumes. En bouche, ils sont d'une grande fraîcheur, d'une belle intensité florale et fruitée (agrumes, fruits exotiques). Ils sont bien sûr plus complexes, plus puissants et plus longs (en arrière-bouche) s'ils sont élevés en fûts. Revue de détail (de ceux qui ont nettement retenu mon attention) :
2010 : Montirius -dont j'adore les rouges (en biodynamie), cuvée Minéral (grenache, roussanne, bourboulenc) est souple et plaisant (mais j'en attendais davantage), le Domaine le Sang des Cailloux (une star à Vacqueyras) est superbe de finesse, avec son léger boisé tout en délicatesse, sa fraîcheur, un léger gras et une franche minéralité qui achève de nous séduire. Six cépages le composent. Le Clos des Cazaux, Vieilles Vignes, est d'une
grande amabilité, mais il manque de suffisamment d'architecture pour être rond et... carré à la fois. Le Domaine de la Pigeade possède un bel équilibre minéralité-fruité, une belle expression en bouche, une corpulence trop légère (à mon goût). Le Couroulou (courlis, en Provençal), est doté d'un excellent équilibre acidité-minéralité et d'une grande fraîcheur désaltérante et profonde dès l'attaque en bouche. Le
Domaine de la Monardière exprime une touche bienvenue de viognier (20% décisifs, en plus des roussannes et grenaches).
2011 : Le Domaine Palon explose par son côté grillé-beurré
étonnant, mais pas forcément plaisant. Le Clos des Cazaux délivre une belle expression acide-minérale équilibrée. Le Domaine de Montvac (notre chouchou depuis sa découverte, il y a des années pour un papier paru dans L'Obs), cuvée Mélodine, semble très prometteur mais, le matin de cette dégustation, il était "recroquevillé" comme me l'a précisé la charmante Cécile Dusserre elle-même (celle qui le fait). Deux semaines après sa mise en bouteilles, il semblait faire la sieste comme un chat.
Attendons. Le Domaine La Fourmone est plaisant comme vin d'apéro ou de soif. Il a même un côté légèrement doux... agréable. Le vignoble Alain Ignace est une vraie découverte (doublée d'un excellent rapport qualité-prix : 10,50€). Minéral avec ce qu'il faut d'acidité, complexe, une attaque toute en finesse, 40% de viognier pour épauler la fraîcheur du bourboulenc et la structure donnée avec générosité par la roussanne : c'est une réussite claire. Le Domaine La Garrigue jouit d'un bel équilibre général : c'est la bouteille idéale pour découvrir (à 9€ le flacon) la typicité, le caractère, la carte d'identité des vacqueyras blancs.
Je n'évoquerai pas en détail les domaines suivants : 2010 : Les Amouriers, Domaine Les Ondines. 2011 : Montirius, Seigneur de Fontimple, le Mas des Restanques, Le Couroulou et le Vieux Clocher, parce qu'ils ne m'ont pas conquis -ce matin-là!- et que cela est peut-être dû au vin lui-même, au temps, à ce jour-là, au hasard... Par conséquent, l'humilité oblige au no comment.
Alliances : une brassée de poèmes de René Char et, au choix, un roman de Giono (Que ma joie demeure) ou un autre de Jean Carrière (L'Epervier de Maheux). Avec des grillades (agneau) aux sarments, de la caponate, une tarte aux fruits rouges et un cigare léger (robusto de Maya de Selva) pour finir, les pieds croisés, jambes allongées, en contemplant les Dentelles de Montmirail jusqu'à la nuit noire...
C'est un lumineux jeu de mots. Nous devons c
Je n'ai pas encore lu Joseph Anton, Une autobiographie, de Salman Rushdie qui paraît ces jours-ci chez Plon, mais j'ai lu avec beaucoup d'intérêt les trois pages du Monde des Livres daté d'hier consacrées à son auteur, rencontré le 12 septembre dernier à Londres. L'entretien avec Jean Birnbaum (par ailleurs responsable du meilleur supplément littéraire de la presse quotidienne nationale française), est complété d'éclairages, notamment celui de l'historienne Lucette Valensi.
l'affaire des caricatures de Mahomet et de l'incendie des locaux de Charlie-Hebdo) : Tout cela fait partie de la même histoire, du même récit fondamental, affirme Rushdie. Mais, en 1989, il était trop tôt pour comprendre de quoi il s'agissait. Personne n'a vu la fatwa comme le début d'un conflit plus large, on y percevait une anomalie farfelue. C'est comme dans Les Oiseaux, d'Hitchcock. Il y a d'abord un oiseau qui apparaît, et vous vous dites : "C'est juste un oiseau!" C'est seulement plus tard, quand le ciel est rempli d'oiseaux furieux, que vous pensez : "Ah, oui, cet oiseau annonçait quelque chose, il n'était que le premier..." Cette comparaison est omniprésente sous la plume de Rushdie, dont le livre bâtit une "onithologie de la terreur".
(...) Vers le milieu de Joseph Anton, Rushdie évoque en particulier une "mouette aux ailes mazoutées qui ne pouvait plus voler". Le mazout, ici, représente la visqueuse tolérance à l'égard de l'intolérance, l'idéologie sirupeuse du compromis et l'accusation paralysante d'"islamophobie".
C'est un Crozes-Hermitage (rouge 2011) de la Cave de Tain (sise à Tain L'Hermitage, dans la Drôme et dont je ne me lasserai pas de dire du bien). Syrah à 100%. Cuvaison courte et mise rapide afin de préserver le fruit dans sa pureté : bon point. Robe profonde, sombre comme la nuit tombante. Nez de fruits des sous-bois et des haies dont on fait des confitures ce mois-ci, suivi d'arômes plus durs de cuir et de tabac à pipe blond légèrement poivré. Bouche ravissante de fraîcheur, belle structure, longueur plus que correcte. Finale doucement épicée. J'ai accompagné ce vin issu de raisins biologiques (10€ le flacon et ça les vaut bien) et qui s'inscrit sans forfanterie mais avec une réelle conviction dans la démarche de la Cave de Tain en faveur du Développement durable, avec -ne riez pas-, d'un côté une simple pizza margharita de belle facture, rehaussée d'huile pimentée et de l'autre l'âpreté des Croquis de la Nouvelle-Orléans brossés par William Faulkner (in Coucher de soleil, folio 2€). Et bien la syrah s'en est sortie la tête haute.
Les croquis du Deep South circonscrivent en trois ou quatre phrases à peine un personnage saisi sur le vif aussi efficacement qu'un portrait exécuté par un peintre leste et sur lequel nous portons un coup d'oeil puis un regard appuyé. Tout est là, dit ou (dé)peint. Cela s'appelle le talent et Faulkner n'en manquait pas. Ses sujets d'écriture sont les humbles. Mendiants, cabossés de la vie, simples d'esprit, alcooliques, tous sont avides de reconnaissance et lancent des appels à l'autre comme on jette une bouteille à la mer. Ce crozes-hermitage n'a pas besoin de cela, car c'est lui qui envoie des signes où l'on reconnaît l'évidence de la syrah lorsqu'elle s'épanouit dans les côtes-du-rhône septentrionales, rive gauche bien sûr et qu'un travail à main d'homme a fait consciencieusement le reste; soit l'essentiel. A la manière de l'écrivain ou du peintre devant le motif. Et comme j'étais en appétit, j'ai enquillé en feuilletant les poèmes hiératiques d'Erri De Luca tout en picorant des baies de raisin noir (lire Solo andata, juste dessous). En lisant, en croquant, en prenant une gorgée par-ci, par-là, ce rouge d'une distinction franche m'a soufflé une idée : désormais, je me livrerai au jeu charmant des alliances vins-mets-livres. Parce que ça marche.
Raphaël Poulain, ex rugbyman pro du Stade Français surnommé un temps le Lomu frenchie, se confesse à fond dans Quand j'étais Superman (Robert Laffont) et c'est infiniment attendrissant. Le beau bébé de 100 kg de muscles, issu du terroir Picard (around Beauvais) aura connu (de manière par trop fulgurante) les ors, la gloire, l'argent facile, le champagne, les filles en veux-tu en voilà autant que des bagnoles décapotables et de la dope et tout ce que tu voudras. Résultat : une jolie dépression en cours de fausse-route, une décheption (déchoir, se décevoir peut-être, remettre les compteurs à Z surtout -et c'est ça qui compte aujourd'hui) : au présent et à l'avenir, Raph s'est engagé dans le métier dur, âpre, pas gagné de comédien comme on s'engouffre dans la Légion. Histoire d'oublier, de se refaire surtout -le gamin a la trentaine tout juste dépassée et un talent à revendre comme Matthias Schoenaerts
Michel Portos ouvre (enfin) son restaurant à Marseille (où il est né) le 18 septembre prochain. Malthazar, 19, rue Fortia -plein centre! (une institution locale rachetée en juillet dernier). On brûle d'envie d'y foncer (ça ne tardera pas). Nous l'avons connu au Saint-James à Bouliac (Bordeaux), où il passait après Jean-Marie Amat. A l'époque, je dirigeais les rédactions de GaultMillau, la découverte de sa cuisine (A/R spécial dans la journée au moment de son ouverture) fut un choc. A chaque plat, la sensibilité du bonhomme explosait tranquillou en bouche. Nul doute qu'avec ses formules marseillaises décontractées -a bisto de nas-, à 22€ et à 31€, augmentées de l'accent méditerranéen posé sur les versions tout brasserie et
(Vignobles Bonfils à Capestang, 
perception par une certaine gauche, le danger islamiste (admirablement décrit aussi par Sansal -tant en Algérie que dans nos "cités"), l'assimilation dangereuse entre Israël et le régime nazi et beaucoup d'autres sujets qui devraient faire davantage débat (les menaces réitérées de l'Iran d'effacer Israël de la carte du monde, par exemple) et qui, curieusement, n'émeuvent pas outre mesure les opinions française et internationale... M'est avis que ce livre fera date.
Kawabata (Albin Michel), roman inachevé et d'une grande poésie où percent l'ellipse, la cécité, la folie heureuse ou bien naïve, les beautés de la nature, l'approche sereine de la mort.
plonge! -Quel plaisir, nom d'un p'tit bonhomme... On circule dans ses pages (et dans un Marseille dont on tombe forcément amoureux) comme dans un grand Fred Vargas : L'homme à l'envers par exemple, relu avant l'été just for pleasure). Je suis d'ailleurs en immersion dans Chourmo, le second volet de la trilogie qui s'achève avec Solea, du regretté Izzo.
britannique) après la guerre, et qui commence une seconde vie déjà, au moment de bâtir Israël. L'adolescent ne trouve l'apaisement que dans le sommeil. Il semble vouloir oublier, tandis qu'il cultive inconsciemment les souvenirs. En réalité, la fuite inexorable et prégnante dans le sommeil lui permet de retrouver ses parents morts dans les profondeurs de la nuit, lui qui doit aussi désapprendre sa langue maternelle pour apprendre l'hébreu. C'est puissant et tendre à la fois, prodigieusement onirique et tendu, et à la fois accroché au réel. Un livre aussi bouleversant que l'inoubliable Histoire d'une vie, du même Appelfeld (Points).


français moderne par André Lanly. Débat :
cette adaptation (très récente, des Essais dans la collection Quarto/Gallimard -et il s'agit avec Sur l'oisiveté d'un extrait) est-elle supérieure à celle, admirable, de Claude Pinganaud (pour Arléa)? Il nous faudra comparer les deux textes (à suivre, donc). Ce petit
recueil reprend les chapîtres sur l'oisiveté, le pédantisme, la cruauté, la fénéantise et la colère.
Il y a également des petites choses intéressantes à parcourir : 



Papa Hemingway dans une jolie édition collector (folio)

château Campuget tradition 2010, un Costières-de-Nîmes à 3,60€ qui ne s’en laisse pas compter : il est puissant et rond, vif et long, épicé (poivre) et soyeux. L’autre est château Vaugelas, Cuvée Prestige 2010, un Corbières magnifique, modeste et richissime (fruits rouges et noirs, vanille, poivre, soyeux lui aussi et même velouté) qui coûte 4,5€ ! Deux vraies affaires en ces temps de Foires aux vins où les gens font du yoyo avec leur calculette entre les rayons, jusqu'à en oublier l'usage du tire-bouchon... Lisez et buvez.