Joseph Anton et les oiseaux
Je n'ai pas encore lu Joseph Anton, Une autobiographie, de Salman Rushdie qui paraît ces jours-ci chez Plon, mais j'ai lu avec beaucoup d'intérêt les trois pages du Monde des Livres daté d'hier consacrées à son auteur, rencontré le 12 septembre dernier à Londres. L'entretien avec Jean Birnbaum (par ailleurs responsable du meilleur supplément littéraire de la presse quotidienne nationale française), est complété d'éclairages, notamment celui de l'historienne Lucette Valensi.
Je veux juste reproduire ici quelques extraits de cet entretien et les livrer à votre réflexion :
(A propos du 11 septembre 2001, de l'assassinat du cinéaste Théo Van Gogh, de l'affaire des caricatures de Mahomet et de l'incendie des locaux de Charlie-Hebdo) : Tout cela fait partie de la même histoire, du même récit fondamental, affirme Rushdie. Mais, en 1989, il était trop tôt pour comprendre de quoi il s'agissait. Personne n'a vu la fatwa comme le début d'un conflit plus large, on y percevait une anomalie farfelue. C'est comme dans Les Oiseaux, d'Hitchcock. Il y a d'abord un oiseau qui apparaît, et vous vous dites : "C'est juste un oiseau!" C'est seulement plus tard, quand le ciel est rempli d'oiseaux furieux, que vous pensez : "Ah, oui, cet oiseau annonçait quelque chose, il n'était que le premier..." Cette comparaison est omniprésente sous la plume de Rushdie, dont le livre bâtit une "onithologie de la terreur".
(...) Vers le milieu de Joseph Anton, Rushdie évoque en particulier une "mouette aux ailes mazoutées qui ne pouvait plus voler". Le mazout, ici, représente la visqueuse tolérance à l'égard de l'intolérance, l'idéologie sirupeuse du compromis et l'accusation paralysante d'"islamophobie".
(...) Salman Rushdie : L'islamophobie, c'est un mot qui a été inventé récemment pour protéger une communauté, comme si l'Islam était une race. Mais l'Islam n'est pas une race, c'est une religion, un choix. Et dans une société ouverte, nous devons pouvoir converser librement au sujet des idées.
Lucette Valensi (à ce sujet) : Prenons l'exemple du blasphème contre le Prophète : il est
passible de la peine de mort dans les pays musulmans, mais ça ne concerne normalement pas les autres pays. Or, ce que demandent, à l'occasion du film L'Innocence des musulmans, Rached Ghannouchi, du parti Ennahda, au pouvoir en Tunisie, ou les manifestants d'Europe, c'est qu'on applique une législation musulmane dans des pays qui ne le sont pas. C'est inouï dans la tradition juridique islamique!