Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Perplexe 2

    Suite de la note précédente : Sur le site de l’éditeur, se trouvent 56 pages de larges extraits du livre, de l’intéressante  préface d’Arnaud Blin, aux différentes « leçons », allant de l’attitude à avoir au moment de l’achat d’une arme, aux secrets de l’utilisation de l’encre sympathique (la seule chose qui semble l’être dans ce livre, d’ailleurs), en passant par le self-control nécessaire de l’assassin au moment de son exaction, ou bien s’il est lui-même capturé et qu’il subit un interrogatoire « musclé »…

    Extraits de l’avant-propos et de la préface : « Il ne s’agit pas d’un texte philosophique qui poserait les fondements idéologiques du combat mené par les dirigeants d’Al-Qaida. De tels textes existent et ils sont bien connus. Il s’agit au contraire d’un manuel pratique écrit par les dirigeants et les cadres d’Al-Qaida et destiné aux hommes chargés de la mise en œuvre des exactions. »

    « Il s’agit d’un manuel de tactique plutôt que d’un traité de stratégie ou un texte de propagande. »

    « Le Manuel pratique du terroriste est un texte redoutable dont le but n’est ni plus ni moins que d’inciter et de pousser des jeunes hommes –même de très jeunes hommes- à aller perpétrer des attentats et commettre des assassinats contre des innocents un peu partout dans le monde. Ceci avec la caution morale d’une organisation se réclamant d’Allah… »

    « Nous avons pris le soin de supprimer les passages qui expliquent dans le détail comment frapper mortellement un individu, produire des poisons ou fabriquer des explosifs. »

    Je demeure perplexe...

  • Perplexe


    alqaidamanuelweb.jpgJe ne sais que penser de ce livre (je ne l'ai pas encore eu en mains) qui paraît chez André Versaille

    Al-Qaida : Manuel pratique du terroriste

    Présentation de l'éditeur :

    Voici Al-Qaida elle-même, dans sa parole la plus secrète : voilà comment les jihadistes de la Base parlent et se parlent. Dans leur violence la plus crue. Ce manuel rédigé par Al-Qaida explique comment doit se comporter le parfait terroriste. Il détaille, en 18 leçons, comment échapper aux poursuites, recruter, recueillir de l’information, fabriquer de faux papiers, détruire, commettre des attentats, fabriquer des poisons, assassiner, résister aux interrogatoires, s’évader, le tout au nom du Jihad “contre les régimes athées et apostats” peuplés “d’infidèles”…

    Nous avons décidé de le mettre à la disposition du public au nom du principe qui veut qu’on ne se défende efficacement contre un péril que si l’on en comprend la nature.

    Votre avis sur l'idée de publier un tel manuel m'intéresse (hors considérations économiques sur un possible coup éditorial).

    Car cela me rappelle les dégâts réels que fit la publication, au début des années 80, d'un livre intitulé Suicide mode d'emploi, et à côté desquels la vague de suicides romantiques qui suivit la publication, en Allemagne, des Souffrances du jeune Werther, de Goethe, relève de la dérive poétique...

    Car enfin, comment croire au principe douteux (souligné par moi ci-dessus) de l'éditeur, lequel semble vouloir se dédouaner par avance?

    Que m'apporte de connaître, de manière technique, la façon d'agir aveuglément (comme aucun animal n'agit jamais car l'instinct est davantage "guidé" que dans ce cas humain) d'un terroriste animé par l'acte de tuer aveuglément un maxium d'innocents (André Breton et son acte surréaliste pur : descendre dans la rue et tirer dans la foule au hasard, sont -heureusement- restés au stade du fantasme, de la geste esthétique douteuse, bref, de la provocation. Les terroristes, eux, passent à l'acte), pour mieux comprendre les ressorts de sa démarche? Rien, a priori. Tout au plus une satisfaction voyeuriste désintéressée et acquise par effraction. Mais c'est trop mortifère pour me procurer du plaisir comme je l'entends et l'apprécie depuis toujours. Et pour vous?..

    Je pense tout à trac à ces ados de Columbine, et de tant d'autres collèges américains où pénétrer armé n'est même pas une formalité, je pense aux effets d'identification funestes du film Scream, je pense à la dérive profondément abyssale des milliers d'ados qui s'emmerdent à longueur de journée en France. Je frissonne de me voir si frileux, si réac. Mais il m'apparaît que l'idée (éditoriale) n'est pas bonne, parce que je fais de moins en moins confiance en la nature humaine, surtout par temps de crise, favorable, nous le savons, à l'émergence, à l'éclosion, à la renaissance instantanée de la Barbarie la plus horrible. Mais bon...

    A une époque, il y eut le manuel du savoir-vivre. Voici celui du savoir mourir. En tuant. Signe des temps.

  • Si peu de bruit

    Tandis que les jurys livrent leur listes ressérées de candidats aux grands prix littéraires d'automne, et bien que je ne puisse m'empêcher de faire mes propres pronos, comme chacun, j'ai plaisir à lire des livres dont on parle peu, qui ne font de bruit que celui des pages que l'on tourne et qui possèdent pourtant des qualités immenses et insoupçonnées du grand public; ce que je regrette. Et la fureur ne s'est pas encore tue, d'Aharon Appelfeld, par exemple (à l'Olivier), nouveau livre du grand humaniste hanté par les camps, n'est pas un larmoiement à la Elie Wiesel, mais plutôt un hymne à la fraternité, un éloge de la dignité humaine, qui rapproche Appelfeld de Primo Lévi. L'horreur innommable nous est ici décrite calmement, sans haine, car toujours percent le courage et l'espoir à la surface de l'Enfer. C'est d'un grand message d'humanité et d'humilité qu'il s'agit, avec, au bout d'une interminable errance dans la neige et la forêt -avec la peur du nazi, la faim, le froid, les loups, après une évasion d'un camp, le cadre d'un chateau dans la ville de Naples pour havre, ouvert aux survivants, avant le chemin du Retour, si existent encore pour chacun, et ce chemin et des Lieux. Le bonheur de lecture ne vient pas à l'improviste, avec les livres d'Appelfeld, mais il surgit doucement à la faveur d'une sorte de petit miracle : je pense à l'allégorie de la musique de Bach ou Brahms jouée par un trio, et à la lecture du Livre, qui parviennent à transfigurer les visages des réfugiés. Ainsi reviennent-ils à la vie, s'échappent-ils un instant de l'horreur qui les hante et les hantera tout leur vie... Le narrateur au moignon ajoute alors : Tout ce qui n'est pas compréhensible n'est pas forcément étrange.

  • Libérez l'arbitre

    L'homme libre, pour Spinoza, n'est pas l'homme qui ne suit que son bon vouloir, c'est au contraire l'homme qui agit en connaissance de cause, l'homme qui se connaît lui-même, l'homme raisonnable. L'ignorance empêche l'homme d'être libre, et lui fait croire en l'existence du bien et du mal.

    Balthasar Thomass, Etre heureux avec Spinoza (Eyrolles).

    La musique est bonne pour le mélancolique, mauvaise pour le désespéré, et ni bonne ni mauvaise pour le sourd.

    Spinoza, Ethique, IV, préface.

    La béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu même.

    Spinoza, Ethique, V, Prop. XLII

  • Du grille-pain

    Ce matin, il y a deux choses que je ne parviens pas à m’expliquer : pourquoi le grille-pain, et lui seul, fait tout disjoncter chez moi ? Et : comment peuvent bien se supporter ceux qui se savent antipathiques ? S’agissant du grille-pain, je devrais trouver rapidement une explication. Pour la seconde, vous avez sans doute remarqué comme moi, que les gens qui s'estiment supérieurs (mais nous sommes tous > à et < à) utilisaient les outils modernes pour se donner de l'importance à bon compte. Par exemple, en ne répondant plus aux mails que les gens qu'il jugent inférieurs leur adressent. Le phénomène est relativement nouveau dans la « culture d’entreprise ». Ce nouvel habitus (dirait Bourdieu) m’afflige. L’impolitesse du silence, si elle frise parfois l’élémentaire manque de rigueur professionnelle, ne vaut ni approbation ni contestation, mais seulement mépris. C’est humiliant, donc grave;  intolérable. Que se passe-t-il lorsque l’on vient légitimement « aux nouvelles » : d'aucuns –encore jeunots, voire humains, prétendent ne pas avoir reçu le message. D'autres (les faux-culs, qui sont légion) anguillent en disant qu'ils n'ont pas (eu) le temps de vous répondre. Les vrais pros de la suffisance restent murés dans l’inox de leur silence sovietsuprêmiste. Cette attitude, sans doute inspirée d’un manuel de management croquemortel rédigé par un robocop du serrage de vis avec harcèlement indécelable sous carbone 14 prud’hommal, me fait rire. Sauf que je frissonne pour mes enfants, à la réflexion. Lorsqu’ils entreront dans la vie active, l’attirail, le fourbis, le carquois de ces manifestations de jeux de pouvoir (qui ne sont pas en voie de disparition), leur sautera dessus en faisceau. Et à l’idée d'avoir à les blinder, j’oppose dès aujourd’hui un devoir de résistance, voire de renversement de la méthode. Leur proposer de lire Sun Tzu, tiens ! « L’Art de la guerre ». Ainsi que « Les 36 stratagèmes. Traité secret de stratégie chinoise ». Puisque je veux leur paix, je dois les aider à préparer leurs combats.

  • Char inédit

    arton15191-cd4fb.jpg21 ans après sa disparition, voici un nouvel inédit de René Char. Oh, il s'agit de peu, mais Le Trousseau de Moulin Premier, qui paraît ce mois-ci à La Table Ronde, est un ravissant petit livre-objet sous emboîtage, une sorte de fac-similé d'un carnet de cartes postales anciennes de l'Isle-sur-la-Sorgue (point d'ancrage dans le monde durant toute la vie du poète), rehaussé d'une poignée de vers aphoristiques, d'amorces de poèmes  (tous manuscrits) publiés l'année d'avant (le recueil Moulin Premier paraît en 1936) : Fais cortège à tes sources, lit-on par exemple au bas d'une vue du Bassin du village (cet éclat de vers se retrouve dans le fameux poème Commune Présence, II). Char rédigea ce "troussseau" en 1937 donc, au sortir d'une grave septicémie dans laquelle le poète verra la métaphore du Mal en marche (le nazisme ici, la guerre d'Espagne là), et dont il sortira fortifié, accru par la brûlure de phosphore de la poésie. Char offrit ce "trousseau" à Gréta Knutson-Tzara en novembre 1937. Il s'agit bien d'un objet personnel (publié d'ailleurs avec l'autorisation de la Bibliothèque Jacques Doucet, et grâce, encore et toujours, à Marie-Claude Char). D'une pierre de plus à l'édifice qui se construit calmement depuis 1988, et qui donne forme à l'arrière-histoire d'une oeuvre capitale et toujours en marche.

     

  • poésie de la douleur

    Définitions de la douleur : "La douleur lancinante est une douleur proche de la douleur exquise c'est-à-dire comportant des épisodes de lancement survenant par paroxysmes. La douleur fulgurante est une douleur dont l'intensité est particulièrement vive et qui survient de manière spontanée. Les patients la comparent d'ailleurs à des coups de poignard ou à des éclairs. Ce genre de douleur survient au cours de la dégénérescence nerveuse (neuropathie) comme celle apparaissant pendant les complications neurologiques du diabète entre autres. La douleur exquise est une douleur localisée dans des zones bien limitées et qui survient par acmé c'est-à-dire par épisodes pendant lesquelles elle est plus intense. Cette douleur est caractéristique entre autres de l'appendicite ou encore de l'hyperuricémie (goutte). La douleur térébrante est une douleur profonde semblant correspondre à la pénétration d'un corps susceptible de causer une infraction dans l'organisme (vulnérant). La douleur pulsative se caractérise par des élancements sous forme de battements douloureux qui sont perçus dans les zones présentant une inflammation entre autres. La douleur pongitive est une douleur comparable à celle obtenue après pénétration profonde d'un objet contondant . Ce type de douleur est celle de la pleurésie entre autres. La douleur tensive est une douleur s'accompagnant d'une sensation de distension. Cette douleur est celle de l'abcès, de l'inflammation d'une muqueuse digestive ou respiratoire entre autres. La douleur erratique est une douleur labile, qui n'est pas fixe, changeant souvent de place. Cette douleur est caractéristique des rhumatismes. La douleur tormineuse correspond à une atteinte du gros intestin, ou plus généralement d'un viscère abdominal quel qu'il soit (voie digestive, voies urinaires, ...) et correspondant à la colique. Ce type de douleur survient sous forme d'accès. La douleur ostéocope appelée également ostéodynie est une douleur profonde de type aiguë. La caractéristique majeure de ce type de douleur est l'absence de coïncidence avec un symptôme extérieur. La douleur gravative est une douleur qui s'accompagne d'une impression de pesanteur."

    Ces lignes sont extraites de : vulgaris-medical.com , où je me suis rendu par hasard, en googlisant pour voir, savoir, lorsque j'appris ce matin que je souffrais d'une douleur exquise... L'expression m'apparût si splendide, sur le compte rendu hospitalier, qu'elle eut presque un effet soulageant -enfin, dans l'idée que je m'en fis seulement. Tout à coup la médecine me sembla plus douce, plus sensible. En un mot, poétique oui. Ecoutez : Palpation des épineuses cervicales indolore... Pas de signe de la sonnette... Pas de systématisation radiculaire de la douleur... Douleur exquise à la palpation de l'insertion des tendons de la coiffe au niveau de l'humérus. C'est simplement beau (pour désigner une jolie tendinite calcifiée du sus-épineux). J'entends Laurent Terzieff prononcer ces mots, voire Jean Vilar les déclamer. N'était ce : au niveau de -toujours malvenu, l'extrait de cet "examen clinique initial" pourrait s'être échappé d'une page de Ponge. Magie des mots qui surgissent, comme enluminés, là où on ne les attend jamais.

  • Rempart

    Cette France moisie (l'expression est de Sollers) me dégoûte d'un cran chaque jour. Au lieu de m'affliger seulement, ou me mettre en colère, ou encore me faire rire nerveusement, le népotisme de la famille Sarkozy m'éloigne davantage du passage des oiseaux migrateurs et des principes de Jules Ferry. C'est pire. L'arrogance brutale pour carburant d'un cynisme de bulldozer ayant désormais force de loi, j'envie Marie Ndiaye et Jean-Yves Cendrey, son homme, d'avoir eu la force de quitter ce pays vérolé lorsqu'il bascula dans ce que l'on voit, avec le dernier  scrutin présidentiel. Comme paravent, cet après-midi, j'ai trouvé le court et dense roman de Jean-Marc Parisis, Les aimants (Stock). Je le brandis, à présent. La sincérité y sautant à chaque page, je me crus un instant projeté dans un autre monde que celui-ci, vu de ma fenêtre, avec ses sirènes de flics tout-puissants, poussées à leur guise. Là, chez Jean-Marc, et pour écrire -dire à peine, si cela est possible, un tel amour-, tout n'est que regard franc, sentiment cru, pudeur naturelle et rectitude élégante. Le livre refermé, des nouvelles du monde m'ont resauté à la gorge. J'ai alors envié les gnous en migration : la prédation des lions et des hyènes en embuscade ne ralentit pas leur trot.

  • Nos années Beach Boys

    DSCF4468.JPGLes hasards du surf... sur le Net m'ont fait tomber sur le site de mon club de surf dans les années 70 : le O Surf Club * : www.osurfclub.fr La Chambre d'Amour, Peyo, à l'eau toute la journée, toute l'année, sauf à marée haute...

    Ces années insouciantes, ensoleillées, me donnent un vague à l'âme aujourd'hui.

    Mais je porterai le tee-shirt du club lorsqu'il sera disponible.

    Et si les crampes aux mollets, au contact de l'Océan de novembre, me fichent la paix, je resterai à l'eau avec mon fils pendant les vacances de Toussaint, té.

    ---------

    * Je l'évoque d'ailleurs à la lettre A comme amour, Chambre d', dans Le Sud-Ouest vu par ma pomme, parti se faire imprimer en Italie et qui se posera dans toutes les bonnes libraiires le 5 novembre.

  • Méfiez-vous de votre Ponto

    images.jpgPonto est un chien tyrannique, despotique, qui absorbe John Limpley, son maître, lequel est monomaniaque : il ne peut aimer qu’un être à la fois. Il voue un amour immodéré, presque indécent, au chien. Puis Betsy, sa jeune femme, attend un enfant. Limpley délaisse donc brutalement Ponto, lequel déprime, puis couve une vengeance terrible. L’enfant naît, c’est une fille, aussitôt adulée, idolâtrée. Ponto cherche la faille : une porte entr’ouverte, un jour, et il bondit sur l’enfant, qui lui échappe de justesse, au prix d’une lutte âpre avec le maître. Sa rage une fois contenue, Limpley se sépare du chien, le confie au boucher voisin. Ponto rôde, mais nul n’y prête vraiment attention. Puis, un jour, plus tard, à la faveur d’un moment d’inattention, le temps d’un thé pris à l’étage, le landau de la petite est laissé un instant. Il dévale inexplicablement le jardin, s’abîme dans le canal proche, l’enfant se noie. Le malheur majuscule s’abat comme une chape de plomb irrémédiable. L’enquête policière ne donne rien. Le mystère a force de loi, et c’est le plus terrible. « Un soupçon légitime », titre de la nouvelle (Grasset), restera à l'état d'énigme, laissera chacun sans voix. Terrible texte très court, où le talent narratif de Stefan Zweig (photo) s’exprime une fois de plus. L’on pensait l’œuvre de l’auteur de tant de petits chefs d’œuvre, pressée comme un citron. Je confesse avoir subodoré -à tort-, le mauvais fond de tiroir en ouvrant ce tout petit livre qui, s’il n’était pas donné -inutilement- en version bilingue, comme le précédent, aurait l’épaisseur d’un chocolat After Eight. Et non. La surprise revient, cette année encore, après le si émouvant « Voyage dans le passé » (lire ici à la date du 3 novembre 2008, « Un inédit de Zweig »). Incroyable Stefan…

    En librairie le 15 octobre.

  • Lacs et barrages

    COUVbarrage.jpgRéservez-le chez votre libraire. Lacs et barrages des Pyrénées paraît dans moins d'un mois chez Privat. Aquarelles splendides de Philippe Lhez (et mes textes). 144 pages.

    Première page :

    "Le courant passe. Au bout de trois heures de marche, au-delà du dernier « ressaut herbeux » indiqué par le topoguide, tandis qu’un couple de milans royaux plane au-dessus d’une clairière plate comme la main ouverte de Gulliver, nous ne nous sentons plus empêtrés par la sinuosité du sentier, les hésitations de la météo et cette semelle Vibram qui menace de se décoller à gauche en nous obligeant à traîner le pied depuis deux mauvais kilomètres de sentier de chèvre. Surgit le barrage. Gigantesque carlingue, longue coque, armure cuirassée de béton, il figure une muraille ne pouvant s’accoupler qu’avec le silence, dans une solitude heureuse, contemplative. Celle qui aide à poétiser la vie en ne faisant rien. Rien d’autre que s’asseoir, le cul sur une pierre à peu près plate. Oublier tout. Sauf ça. Admirer, débarrassé de toute culture, en immersion dans une nature qui tolère ce qui l’épouse avec  beauté. Car un barrage, c’est beau, en altitude. Les pieds cimentés dans l’eau, gagné à ses bordures par une végétation sauvage qui est parvenue à apprivoiser ce monstre dressé au ventre plat, ce chevalier sans tête brise l’horizon pour mieux le faire rebondir dans le regard du randonneur, au-delà du lac et sous les pins à crochets."

  • Le Sud-Ouest vu par

    COVER_SUDOUEST02.jpgRéservez-le chez votre libraire. Il paraît dans moins d'un mois chez Hugo & Cie.

    320 pages pleines de photos et de textes classés en abécédaire.

    4è de couverture :

    "De la Charente à l’Espagne, de l’Atlantique aux pics les plus hauts des Pyrénées, le Sud-Ouest est une planète aux contours souples, une carte du Tendre que chacun dessine à sa guise. Pays de cocagne –c’est entendu, espace où il fait si bon vivre que l’évoquer seulement exprime le bonheur insolent, le Sud-Ouest nous est ici raconté par un amoureux fou de son pays, n’aimant rien comme le décrire pour le faire goûter. Léon Mazzella, viscéralement ancré en Gascogne, est le chantre d’une région dont il connaît chaque couleur, parfum, musique, regard, sourire, pavé, brin d’herbe, vague, rayon de soleil, oiseau, mets. De A comme Adour, fleuve d’amour, à Z comme Zugarramurdi, village de sorcières, en passant par Armagnac, Bordeaux, Chocolatine, Jambon, Palombe, Rugby, Saint-Jean-de-Luz et Surf, voici le dictionnaire secret d’un guide-écrivain qui ouvre grand les portes de la maison Générosité. Le Sud-Ouest vu par Léon Mazzella est le bréviaire du quart le plus épicurien de l’hexagone. C’est un lexique de charme qui nous apprend, dans la joie, à parler le Sud-Ouest comme on tutoie l’art de vivre. Avec chaleur et en partage. Faites passer !"

    www.fnac.com

  • Que boire avec le jambon de Parme?

    IMG_0840.JPGVINS DE CHOIX

    L’Île de Beauté produit d’excellents vins rouges issus du cépages Niellucciu, inféodé à Patrimonio, frère jumeau du Sangiovese toscan qui donne les chianti, et du Sciaccarellu, plus présent au sud de l’île. Les vins blancs corses sont issus du cépage Vermentinu, appelé aussi la Malvoisie de Corse. Volumineux, ample, doté d’une arrière-bouche fruitée (pomme, amande), le Vermentinu est élégant et puissant, parfait sur le Parme dégusté pour lui-même. La foire aux vins annuelle de Luri (Cap Corse) permet de découvrir, au cœur de l’été, nombre de vins rouges et blancs de grande qualité, et d’extraordinaires rosés, lesquels se marient peut-être le plus naturellement du monde avec le jambon de Parme –et la charcuterie corse. Le Clos Fornelli a notre préférence. Sa cuvée Robe d’Ange, déclinée en trois couleurs, donne des vins qui allient force et finesse, nez généreux et bouche longue : une petite merveille. Nerveux et vifs, les rosés Harmonie, du domaine Pero Longo, le sont autant que ceux du Clos Alivu : 100% Niellucciu en pressurage direct. Tout comme les cuvées du Gouverneur (rouge) et Felice (blanc) du domaine Orenga et Gaffory. Citons enfin le rosé du domaine de Piana et, si l’on marie un rouge capiteux à du Parme cuisiné, le formidable Clos Capitoro, avant de quitter la Corse pour l’Italie. Le seul vin sur le territoire de Venise, réintroduit sur l’île de San Erasmo par Michel Thoulouze, s’appelle Orto et il a été élu meilleure malvoisie d’Italie. Ce blanc exceptionnel est issu de Malvasia Istriana. S’il excelle sur l’asperge, ce qui est rare, minéral et architectural, il est souverain sur l’artichaut et le jambon de Parme tel quel. Mais, à la fin, les Chianti de haut-vol, bios de surcroît, de Tenuta La Novella en Toscane, sont « instinctivement » indiqués pour escorter le jambon de Parme avec maestria. Où l’on s’aperçoit que le Parme est un jambon ouvert qui se fiance volontiers avec des vins sudistes à forte personnalité, ayant en commun le désir d’exprimer leur couple puissance-finesse.  ©L.M.

    www.closfornellli.com
    www.domaine-orengadegaffory.com
    www.perolongo.com
    www.domainedepiana.com
    www.clos-capitoro.com
    www.vinsdecorse.com
    www.ortodivenezia.com
    www.tenutalanovella.com

    Papier à retrouver en p.44 de M, mensuel du journal Le Monde paru ce soir à Paris (demain en province)

  • Avis de recherche

    Les Procidiens d'Oran

     

    par Jean-Pierre Badia. L'histoire de l'immigration des habitants de Procida vers Oran et Mers-el-Kébir, au travers d'anecdotes et de faits historiques (ouvrage paru en 1956).

    Si vous l'avez, je vous l'achète volontiers.

     

  • À bord du père fantôme

    wp31352a47_02.jpgLe second roman de Sophie Poirier règle les comptes avec ces pères, jeunes "adultes en chantier" en 68, devenus matznéviens, comme on a pu être hussard ou mao. De ces pères libertins et désinvoltes, amateurs de chair fraîche, cyniques et finalement pathétiques, que le destin –appelé justice par les médisants au regard torve-, rattrape un jour ou l’autre. Ils ont négligé les enfants qu’ils ont faits avant de mûrir, et à côté desquels ils sont passés, préférant courir, égoïstes au cœur d’artichaut sec, après des chimères pour pub Lolita de Lempicka. C’est la fille de l’un d’eux qui parle. Sans concessions. Avec la douleur en elle et au bout du stylo, comme des hameçons plantés au cœur et à la lèvre. Sophie Poirier nous avait déjà donné La libraire a aimé (lire ici à la date du 30 novembre 2008 : En lisant, en bloguant). Là, elle se lâche avec un bref roman admirablement construit, aux accents que je persiste à trouver durassiens, enrichi d’une écriture plus serrée encore, plus sûre, plus dense et sachant rebondir d’une idée l’autre ; à la manière d’un chat. Sujet : le père, encore jeune, n’en finit pas de mourir, sur sa chaise roulante. Sa fille Marianne va avoir quarante ans. En visite chez lui, elle « tombe » sur un carnet contenant une liasse de coupures de presse faisant état d’étranges disparitions de jeunes femmes. Le doute l’étreint. Elle engage un détective pour savoir, davantage que pour faire la lumière, sur une possible et innommable horreur. Stop…

    Comment se construire à l’ombre d’une telle image du père, de l’homme, lorsqu’on est une fille qui porte le prénom du premier amour de papa, et que l’on est devenue femme, puis mère? Sophie Poirier a le tact de ne pas tirer sur l’ambulance. C’est un cri d’amour qu’elle pousse, mais avec une infinie pudeur, le cri d’une qui veut comprendre. C’est un long cri poignant. Car elle en est là : « Avec la peur des hommes. Un manque de confiance impossible à combattre. » Alors Marianne fout le camp à Venise. Pas pour provoquer en duel, et Byron et Casanova. Pour ne plus voir dans la glace, au creux de son visage, « ces minuscules stries, la vie d’avant (...) les rêves, les promesses, les illusions. » Elle y fera le point. Sur elle –pour s’en sortir. Et sur ces pères inachevés. Au lieu d’attendre fébrilement un seul mot d’amour, le mot gentil, la fierté qui viendra, ou pas, de la part du père, ce modèle, elle accuse une génération perdue, victime d’une certaine insouciance de vivre. « Autrefois les hommes, et la solidité des métiers, organisaient la vie de tous. Puis ils sont devenus les premiers chômeurs, les premiers divorcés, et maintenant les premiers à mourir, nos pères se désagrégeaient, incapables de montrer la route. » Il est terrible, ce roman. Et Sophie Poirier, terriblement juste.

    Mon père n’est pas mort à Venise, éditions Ana, 12€

    www.anaeditions.fr  Blog de l'auteur : http://lexperiencedudesordre.hautetfort.com/

  • Des palombes et des femmes


    Un peu de douceur dans un monde de passionnés exclusifs ? Extraits de l'enquête à lire dans la dernière livraison de Pays basque magazine.


    Les femmes qui chassent sont de plus en plus nombreuses. Elles sont plus habiles –plus fines, cela va de soi -, et plus adroites que les hommes. Leur connaissance aussi est plus solide : elles se sont préparées à entrer dans un monde de machos où elles ne sont pas sûres d’être admises. Et au lieu de se faire toutes petites, elles jouent en général la carte de l’égalité, en montrant aux hommes qu’elles n’ont rien à leur envier ni à apprendre d’eux. La chasse est avant tout une histoire de mecs. C’est le pré carré des mâles, leur réserve, leur « privilège de masculinité ». La plupart des modes de chasse interdisent de séjour les femmes, au nom d’une inconsciente méfiance, ou bien pour préserver une niche à la société des hommes entre eux. Parfois c’est au nom de superstitions oiseuses mais respectables qu’elles n’ont aucun droit de cité. Ainsi, les femmes ont-elles été longtemps interdites de palombières lorsqu’elles avaient leur « règles », au motif que ces dernières empêchaient la pose des palombes, voire leur simple passage ! Idem dans l’Est de la France et dans le Bocage, si l’on en croit les sociologues Bertrand Hell et Yvonne Verdier. En gros, la présence des femmes ferait fuir le gibier, selon des croyances que l’on retrouve dans plusieurs régions d’Europe et d’ailleurs. La chasse est une affaire d’hommes passionnés jaloux de leur chose à eux. Pourtant certaines poussent l’audace (selon des chasseurs exclusifs) jusqu’à partager leur passion propre ! Et comme eux, elles aiment attendre guetter, se lever tôt, dresser les filets des pantières des Aldudes ou partir à l’assaut des cols d’Iraty, elles savent braver la ronce et vider un oiseau à la vitesse de l’éclair, écouter la nature et tenir un fusil. Les vraies femmes de chasse expriùent la sagesse, l'adresse, la perspicacité et la modestie. Discrètes, elles savent et ne parlent pas (à l’inverse de ceux qui parlent et bien souvent ne savent pas).

    À Lepeder, la palombière des Aldudes, au Pays basque, c’est un peu spécial : Katixa Ospital, 35 ans dont une trentaine de chasse, dirige cette pantière (filets verticaux) depuis des années déjà. Propriété de sa famille, Lepeder a toujours fait participer le village à la chasse : les filets, les chatars et leurs grands draps blancs agités au bout de longs bâtons, les lanceurs de palettes sensées imitées le vol prédateur de l’autour des palombes, le bien nommé qui attaque par dessous en enserrant sa proie… « Tout le monde y met du sien. Mais depuis les années trente, ce sont des femmes qui dirigent. Et les hommes ne mouftent pas… », dit Katixa, jeune maman qui vit elle-même aux Aldudes. Au début, c’était les grandes tantes de Katixa qui menaient le bal d’une vingtaine de chasseurs. Puis d’autres femmes. Katixa dirige aussi l’association Lepedereko Usotegia (la chasse à la palombe de Lepeder), créée « pour élargir, ouvrir la chasse, trop souvent associée à la famille Ospital, au reste du village. Car Lepeder appartient réellement au patrimoine de la petite vallée des Aldudes ». Au début, le rôle des femmes se limitaient au maintien des filets. Les jeunes filles encore enfants étaient envoyées dans les postes éloignés, ceux des chatars, afin que le bruit n’effraie pas les oiseaux au moment crucial d’abattre les filets sur une volée. Volontiers matriarcale, la chasse de Lepeder vit très bien sa particularité. Les taches subalternes : tuer, plumer, vider, cuisiner, étaient traditionnellement dévolues aux filetiers pour la première et pour les autres, au personnel de maison qui se chargeait également de préparer la cuisine et d’apporter les paniers-repas à l’heure du déjeuner. Aujourd’hui, chacun apporte son casse-croûte et, eu égard aux faibles prises (de 200 à 500 oiseaux par saison !) les palombes sont partagées sur place et préparées dans chaque foyer. « Aujourd’hui, sur la chasse, dit Katixa, il y a toujours 4 ou 5 femmes, sur 13 hommes environ : c’est pas mal ! »…

    Ailleurs, en Gironde notamment, des enquêtes révèlent des cas de divorce pour cause de chasse à la palombe : trop long, trop important, non négociable, passion dévorante… Tout cela a raison de certains couples. Cependant, certaines femmes interrogées démontrent l'évolution des mentalités cynégétiques. Elles aiment suivre leur mari, ne se sentent pas rejetées de la palombière, cette « garçonnière cynégétique », s’y font dorloter, car les hommes deviennent, dans leur résidence secondaire de l’automne, de vraies fées du logis. Pour ces femmes, la chasse c’est la vie, « la palombe » fait partie du quotidien, nul ne songe même à contester son bien-fondé. Certaines tâches demeurent l’apanage des hommes, comme le gavage des appeaux (au bouche à bouche avec du grain mâché par l’homme, puis soufflé dans le jabot de l’oiseau). Finalement, tout est question de tact. Les femmes qui participent ou même qui chassent, n’essaient jamais de prendre toute la place traditionnellement dévolue aux hommes. Ainsi achètent-elles leur droit d’entrée. Katixa est une exception qui confirme la règle.

    © L.M.

    Lire : « Le sang noir », B. Hell, Flammarion/Champs. Et « Façons de dire, façons de faire », Y.Verdier, Gallimard/Folio essais.

    IMG_0329.JPGVoir, dans la même livraison de Pays basque magazine, un papier sur la Venta Burkaïtz, un restaurant niché au Col des Veaux, près du Pas de Roland, après Itxassou, dans la montagne basque (avant-goût) :

    Au fond du restaurant, accroché à un clou, un article élogieux paru dans un hebdo la montre à ses fourneaux. « Parfois, les clients me prennent de haut en entrant dans l’auberge, et lorsqu’ils voient l’article encadré, ils me considèrent soudain avec respect : à quoi ça tient !.. »  Marie-Agnès Riouspeyrous, d’Estérençuby, placide comme l’horizon par les fenêtres de sa venta, règne sur la Venta Burkaïtz depuis 1997 avec son mari Jean-Pierre, originaire d’Anhaux, à côté d’Irouléguy. (...) La palombe flambée au capucin est l’une des spécialités de Marie-Agnès, de la mi-octobre à début décembre. L’oiseau bleu est flambé « au gras de très bon jambon des fermes alentour : c’est capital ! », un xingar que Marie-Agnès laisse fondre donc dans un capucin rougi au-dessus des braises. La palombe cuit sur l’asador environ dix minutes et elle est servie à la goutte de sang. Accompagné de pommes de terre et de piquillos, l’oiseau est également proposé en salmis. Mais les clients accourent pour la déguster flambée. « Il faut pourtant vouloir venir ici ! », dit-elle... Les palombes sont achetées aux pantières (filets verticaux) d’Etxalar, derrière Sare. « Mais je prends seulement celles qui ont été tirées au fusil, derrière les filets, précise Marie-Agnès, car prise aux filets, la palombe est stressée et sa chair est moins tendre. » Puriste, Marie-Agnès ne plaisante pas avec les produits qu’elle cuisine et sert généreusement. Et dans sa venta, à l’heure du coup de feu, elle se sent heureuse comme une palombe en plein vol de migration. Mais elle l’est davantage lorsque, les fourneaux éteints, elle selle l’un de ses chevaux et part galoper sur les cols voisins, ou sur le circuit des contrebandiers qui relie Saint-Palais à Hendaye...    © L.M.