Exaspération (le billet dominical)
« La pub tuera Internet, si cela ne change pas », me disait Solene, une de mes anciennes – et brillantes - étudiantes en journalisme, lors d’un déjeuner. L’agressivité, la façon brutale que la publicité adopte pour s’imposer sur nos écrans dès que nous effectuons la moindre recherche, non seulement empêche, retarde, mais exaspère. La pub sur l’Internet, c'est comme ces gens qui montent dans les transports en commun sans attendre que vous en descendiez, en vous bousculant. Bien sûr, il existe des pare-feu plus ou moins efficaces. Bien sûr, nous avons acquis des réflexes, par soumission : lire le temps restant de la pub, couper le son, détourner le regard, soupirer et faire autre chose, ou bien, s’il ne s’agit pas de vidéo, attendre que le visuel disparaisse. Subir. Sans capituler… Au résultat, nul n’a envie d’être sympa avec ces buffles numérisés, quoi qu’ils veuillent nous vendre. La pub, tyrannique, ne semble pas le comprendre. Cela ressemble étrangement à l’atmosphère ambiante : terrorisante, sans altérité ni écoute, ni bienveillance - en un mot, dictatoriale : je n’aime pas la viande, alors je stigmatise le carnivore en affichant un véganisme hystérique. Je n’aime pas la chasse, alors je réclame la mort d’un dentiste chasseur de gros. Je n’aime pas la bagnole, alors je raye toutes les carrosseries, depuis mon vélo. Je n’aime pas ta religion, alors je vais t'en ôter le goût. L’époque, délinquante et déliquescente, liberticide et intolérante, semble sous tension maximale : si tu me frôles encore, j'explose, et ça explose. Take care, Solene… L.M.
Photo : Extrait d'un visuel de campagne de la RATP.