BinouZe
Ce que je préfère dans la bière, c’est la moustache blanche qu’elle laisse sur ta bouche lorsque tu bois à mon verre et que tu ris d’aise, coquine au regard de voleuse de cerises. Ce n’est ni une kriek, ni une mort subite, mais une blonde à l’amertume bouleversante venue des contrées de Hamlet, le Danemark. To beer or not to beer ?... Nous dînons sur les Champs, ce n’est pas un déjeuner sur l’herbe, pourtant l’aneth embaume la table, le saumon porte un nom de baiser, de chanteur -Bécaud ; et je t’embrasse. J’absorbe l’écume de basse mer sur le liseré de ta lèvre supérieure. Cette Carlsberg ne va pas sans Aquaviit, l’alcool blanc que tu me fis découvrir à Copenhague ; ta ville. C’était juste avant que tu me pousses à visiter Aalborg. Nous avions déjà sillonné la Belgique des Abbayes comme des moines trappistes : de brasserie en brasserie.
Blondes, ambrées, rouges, gueuzes à la bulle fine comme le meilleur champagne, bulle grosse comme ça de certains lambics, miellées, acides, grasses, kirschées, cidrées, maltées à mort, épicées, nous avons découvert ensemble l’alcool de ta passion. J’ai suivi. Sans coup férir. Moi le buveur de bordeaux. L’enivrement fut à la hauteur de mon émerveillement. Certains soirs, entre chienne et louve puis aux alentours de minuit, lorsque notre identité ignore les frontières, nous entrions dans une toile de Brueghel le Vieux. Je tenais ma chope aussi sûrement que tes hanches.
Tu invoquais Gambrinus, le roi légendaire et laïc, protecteur de la bière. Je pensais au meilleur café du monde que l’on boit au bar éponyme de Naples. Sous tes longs cheveux blonds, tu précisais en pointant un index que dans l’Egypte ancienne, la bière, d’origine divine, était placée sous haute et double protection : celle d’Isis, déesse de l’orge et celle d’Osiris, le patron des brasseurs. Boisson d’offrande religieuse, la bière fut d’abord liée au culte des morts. D’après « le livre des rêves », un rêve de bière est un présage favorable. Patron, remettez-nous ça!..
Blondes, ambrées, rouges, gueuzes à la bulle fine comme le meilleur champagne, bulle grosse comme ça de certains lambics, miellées, acides, grasses, kirschées, cidrées, maltées à mort, épicées, nous avons découvert ensemble l’alcool de ta passion. J’ai suivi. Sans coup férir. Moi le buveur de bordeaux. L’enivrement fut à la hauteur de mon émerveillement. Certains soirs, entre chienne et louve puis aux alentours de minuit, lorsque notre identité ignore les frontières, nous entrions dans une toile de Brueghel le Vieux. Je tenais ma chope aussi sûrement que tes hanches.
Tu invoquais Gambrinus, le roi légendaire et laïc, protecteur de la bière. Je pensais au meilleur café du monde que l’on boit au bar éponyme de Naples. Sous tes longs cheveux blonds, tu précisais en pointant un index que dans l’Egypte ancienne, la bière, d’origine divine, était placée sous haute et double protection : celle d’Isis, déesse de l’orge et celle d’Osiris, le patron des brasseurs. Boisson d’offrande religieuse, la bière fut d’abord liée au culte des morts. D’après « le livre des rêves », un rêve de bière est un présage favorable. Patron, remettez-nous ça!..
(début d'un long papier que j'ai publié dans Senso il y a deux ou trois ans, pour un n° spécial Nord!...)
Commentaires
moi qui pensais que lorsque le rouge de la passion était mis, deux êtres risquaient d'achopper pour quelque futile mise en bière...