Callcut, vin singulier
Christian Authier, auteur Stock/La Bleue, dont J'ai Lu vient de reprendre les deux premiers romans : Enterrement de vie de garçon et Les liens défaits, publie un texte très court, une sorte de tranche de jambon -mais c'est du pata negra, piqué par deux agrafes, publié aux éditions du Sandre à Paris, intitulé Callcut. Sous-titre : Boire pour se souvenir (au lieu de l'attendu boire pour oublier). Oun biyou!
Il y est question d'une rencontre avec un vin exceptionnel, ourdi comme un complot plus que fabriqué (vinifié?) , par un taiseux poète , Eric Callcut, qui débouchait ses flacons sur un parking, à l'ombre de tout, surtout des gens du milieu. Son Picrate devint un nom de code. Entre initiés capables de s'émouvoir devant un vin au goût de raisin, un vin naturel (si cela a encore un sens), un vin vrai. Un vin comme on les aime, les guette, les traque... Authier dit que c'est un vin sauvage, irréductible, émouvant, artiste... Et le Callcut, une fois évanoui, disparu, pffuit (l'enquête continue), devient -via Authier-, un poème au déjanté qui rassemble et magnifie, une ode au je-ne-sais-quoi du presque-rien qui fait tout, le récit humble d'une rencontre presque amoureuse, le portrait dévisagé d'un rivage emblématique de l'amitié, et j'y vois aussi le goût naturel de Chrisitian Authier pour le disparu qui ne passe pas. Le garçon possède, il est vrai, le talent de dire avec justesse et délicatesse la trace, l'ombre, cette poussière qui décante au fond du coeur. L'usage de la métaphore avec ce picrate là n'en devient que plus forte.
"Seulement, le tout-venant a été piraté par les mômes.
Qu'est-ce qu'on fait? On se risque sur le bizarre?"
Michel Audiard, Les Tontons flingueurs.
Citation reprise en quatrième de couverture du petit livre.