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L'impudence

Je déjeunais seul avec un manuscrit à corriger, tranquille, d'un pied de cochon pané sauce ravigote et de brochettes de coeurs de canard, à J'Go, vers Mabillon à Paris. A côté vinrent s'atabler trois êtres bruyants qui voulaient manifestement que chacun les remarque et cesse tout de go de vivre pour les regarder. Il s'agissait d'un acteur de troisième zone et de deux vieux pages, assistants, groupies, que sais-je. Afin de me concentrer, de reprendre calmement le fil de ma relecture, un moment troublée par ces trois pachydermes impolis, je fis écran avec ma main sur le front. L'acteur, que je feignis de ne pas reconnaître (qu'en avais-je à foutre!), tandis que deux ou trois passants vinrent lui serrer la main et le congratuler pour ses prestations, fut intrigué : je fus surpris de voir combien mon indifférence -l'indifférence d'un seul-, semblait le gêner comme du poil à gratter dans la chemise. Il ne cessa de se retourner vers l'ingrat, l'ovni que j'étais à ses yeux. J'en conçus un sentiment de pitié pour ces ego surdimensionnés qui ne peuvent respirer si le monde ne les observe pas avec des yeux mouillés d'envie. La serveuse du restaurant, faussement, exagérément flattée par l'acteur, ne se sentait plus. Les deux vieux parlaient très fort, comme si tout leur était forcément dû, y compris les meilleurs égards, les meilleurs vins, les plus beaux plats de ce restaurant. Ce fut pitoyable. Je corrigeais derechef, il se retournait de temps à autre pour voir si, enfin, je le reconnaitrais. Ma vue transversale me dit tout cela sans m'empêcher de travailler, bien après avoir déjeuné. Ils partirent. Debout, vêtu d'un manteau bruyamment remis, il continua d'attendre, de s'étonner de tant d'ignorance, enfin, de la part d'un être humain... C'est décidé : je n'iirai pas voir de film avec le nom d'Edouard Baer à l'affiche. Ce mec est un cabotin.

Commentaires

  • Merde! Je suis déçu....

  • Il y a pire que lui, c'est Pierre Arditti : plus imbus, tu meurs!..

  • oui...triste comme les gens changent...fut un temps pas si lointain, oui bon, où l'énergumène buveur jovial était moins imbu et encombré de sa petite importance...au bal de l'Elysée- Montmartre, Baer avait la gentillesse presque modeste...enfin...

  • MORT DE RIRE. Il doit encore se demander qui était cet écrivain plus important que lui, puisque tu ne lui prétais pas attention, et qu'il ne connaissait pas.
    C'est une bataille de gagnée contre "ces gens là".

    J'aurais vraiment aimé être là pour voir ça.

    Dans la catégorie "loose" je poursuis, en t'annonçant que Pierre Guillaume de Roux, ex dir littéraire des éditions du Rocher (pour que tout le monde puisse suivre) vient de dégager de ce même Rocher et qu'il est en procès contre eux. La vengeance est un plat qui se mange froid mais tout vient à point à qui sait attendre!

  • Léon, peut-être te regardait-il parce qu'il te trouvait intéressant ! Si tu étais une femme, c'est ce que tu penserais, et tu serais flatté.
    Moi je t'ai vu l'autre jour à l'heure d'après le déjeuner, près du Lutétia, j'étais dans le bus j'ai tapoté la vitre mais ce passant n'a pas daigné me regarder !

    Ce que je veux te dire en fait, c'est que j'ai parlé avec une certaine Catherine Lalanne que tu connais, à qui tu as semble-t-il laissé le meilleur souvenir, en tout bien tout honneur ! et qui a adoré ta "Philosophie intime du Sud-Ouest"... Voilà, je lui ai dit que je te le répèterais, c'est fait !

  • Oh! Catherine Lalanne! Que devient-elle? Je l'ai laissée au "Chasseur français" il y a des années. Elle est toujours au "Pèlerin", je suppose. Souffles-lui de faire un immense papier sur mon bouquin, alors!...
    Je ne t'ai pas entendue tapoter contre la vitre du bus, malheureusement, sinon je t'aurais évidemment saluée -ou, mieux : j'aurais bloqué laroute pour monter t'embrasser, puis je serais redescendu, j'aurais fais signe au chauffeur qu'il pouvait reprendre son trajet et je serais remonté sur mon âne bâté, attaché rue d'Assas (derrière le Lutetia) -Et hue!
    S'agissant du cabotin, peut-être en effet (on me l'a suggéré au téléphone ce matin) que je ressemble à l'une de ses connaissances, qu'il m'a confondu avec elle, s'est étonné de mon silence, et qu'il n'est absolument pas cabotin.
    En tout cas, son aéropage était m'as-tu-vu.
    Merci de ton message, Alina, et au plaisir de te voir bientôt dans "notre" quartier.
    Je t'embrasse.

  • Quelle chance tu as, Léon ! Ah, je t'imagine, monté sur ton âne, tel Jésus entrant à Jérusalem... J'adore les ânes, bien mieux que les bus. J'en ai parlé ce dimanche à la campagne, avec mon chef de choeur, entre deux répétitions des Vêpres de la Vierge, lui aussi a un âne, et comme il ne l'a pas éduqué, rien à faire, il n'en fait qu'à sa tête ! Mais éduque-t-on un âne ? Moi-même j'adore faire l'âne.

    En tout cas, ta façon de me saluer en imagination est très chevaleresque. À +, amigo.

  • Par chance, nul n'éduque ni un âne ni Alina...
    Je m'imagine, davantage qu'en Jésus, en pâtre cheminant, caminando, sur un sentier de chèvres, badine en main, vers le soleil couchant, là-bas, au-delà des collines.
    Connais-tu les Vêpres de la Vierge, de Monteverdi, par Jordi Savall et Hesperion XX?

  • Oui, moi aussi, je suis d'humeur badine... Jésus est le pâtre par excellence, tu sais ?
    Je ne connais pas cette version des Vêpres, tu es le deuxième à m'en parler, il faut que je l'écoute... J'en suis à essayer d'apprendre la partition, magnifique, bien complexe mais parfaite pour apprendre à écrire... Donc j'écris bien, donc je suis joyeuse... et bien contente d'échanger légèrement, en passant, avec un drôle du Sud-Ouest !
    Je t'embrasse.

  • Magnifique! Tu écris bien, cela te rend joyeuse : je suis heureux pour toi.
    Le "drolle".

  • bon et sur le fond... pas très grave, pas si important cet Edouard à la grande gueule faite de gestes, regards etc... peu importe... non ?
    et ce manuscrit, que vallait il ?

  • Evidemment. Son nom était sans importance dans ma note, et celle-ci était là juste pour souligner une scène de la vie parisienne.
    Quant au manuscrit, c'est celui de mon prochain livre, un roman. Je ne le trouve pas encore assez bon, cela va de soi.

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