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Quartier "Saintes-Pierres", à Bordeaux

ebc83bb9395b1c23b7f2af5fcec4b18c.jpegComment croire, lorsque la rue Dieu, dans ce quartier où j'ai vécu, est une impasse?..
Souvenirs. 
À Bordeaux comme ailleurs, la ville a les dimensions du quartier que l’on y  habite, mais chaque quartier est une île aux rivages improbables et à la géométrie variable comme le temps qu’il fait. L’imagination de l’habitant est sans limites, mais l’arbitraire en a posé cent pour délimiter l’habitat. L’un et l’autre font malgré tout bon ménage, le premier ayant choisi d’établir ses quartiers dans un seul et le second de faire fi des cadastres vagabonds.
Périlleuses pour la plupart des distraits, les limites du quartier sont des artères où un sang automobile coule sans relâche jusqu’aux cœurs. Chacun le sien. Le mien est ici, c’est-à-dire en deçà. Dans le village, car Saint-Pierre est un village, avec ses habitants et leurs habitudes. Ni vieilles, ni mauvaises ; convenues. Pas à la portée du premier venu. Saint-Pierre est bien loti en places et en voies piétonnes. Le quartier ne manque surtout pas de voitures pour recouvrir ses saintes pierres d’étoiles d’huile noire. Le long des rues étroites, faute de chiens, on peut tenir la rubrique des sacs-poubelles écrasés par les roues lentes. D’aucuns diront sans détour que la nuit, tous les sacs sont gris, avant de  mettre leur frein à main.  Cette remarque nauséabonde, inspirée par notre balade matinale quotidienne, manque singulièrement d’horizon. C’est que celui-ci est intérieur. Et pluriel. Les horizons du  quartier sont un bouquet de faisceaux qui projettent notre imaginaire par-dessus Bordeaux. Cerné par les quais et par les cours comme les yeux d’un  insomniaque récidiviste, Saint-Pierre rayonne à l’intérieur, avec son cycle propre de jours et de nuits, ses adresses et ses réseaux, ses connaissances et ses résidences. Chaque soir, par une fenêtre, un quartier de soleil évadé de l’océan vient coucher chez moi si je décline mon identité et mes intentions pacifiques : Saint-Pierre est une place au soleil, un quartier qui se gagne. Ici on tutoie vite qui l’on côtoie et j’ai même des ardoises qui me permettent de flâner les poches vides d’un bout à l’autre du village. C’est un patelin sans fastefoude ni maire où nul n’est sujet à caution. Un vif esprit de clocher habite bien sûr une poignée de gens du coin qui ont une exigence de visa permanente au fond du regard, mais le passeport de la lune n’est jamais de saison dans un quartier où, depuis sa plus belle place, on peut contempler les cheminées des paquebots à quai. Et voyager assis, en compagnie d’un verre de vin et d’un bouquin atlantique, bercé par l’eau d’une antique fontaine ; car Saint-Pierre devient aussi un port, pourvu qu’on s’y attache, ou qu’on s’en arrache. L.M.


Commentaires

  • Il faut avoir aimé cet endroit pour aussi bien décrire son âme.En fermant les yeux, assis au bord d'une terrasse, seul l'amoureux des pierres sait le rythme des marées et sent battre le coeur de cette île; Saint Pierre est un port où manifestement certains marins nostalgiques aiment s'attarder et rechercher à la chaleur des pierres les bonheurs du passé..

  • Bien vu! Je suppose que vous êtes Bordelaise, Carole. Là-bas, à la terrasse du Bar Castan, je me sens à Trieste. Sur "l'île" ou le "port" St-Pierre, à l'orée de la rue des Faussets (où j'ai vécu 6 ans), je me sens Jean de La Ville de Mirmont avec ces "grands départs inassouvis en moi", ou bien marin à quai, saisi du mal de terre, à la recherche d'un rade à putes et à bière -façon Amsterdam via Brel. J'aime Bordeaux par ses côtés-là... Merci de votre "post"

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