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Jean-Luc Coatalem

  • Le dernier roi d'Angkor

    images.jpgJean-Luc Coatalem apparaît comme l'un des écrivains français dont la prose chaloupée, dense, précieuse sans être emphatique, est l'une des plus somptueuses d'aujourd'hui. Son dernier roman, Le dernier roi d'Angkor (Grasset) est un bonheur d'écriture. Coatalem écrit avec tact et avec coeur. Sa phrase, racée, musclée, est féline dans sa retenue et dans sa précision. Ses images fortes comme du rhum le matin, cinglent l'idée de leur caresse. Comme certains vins, son style est droit et bouleversant à la fois. L'histoire, ample et profonde, est celle de la quête de soi à travers celle d'un presque frère, surnommé Bouk, Cambodgien énigmatique, orphelin peut-être, prince? Un être de mystères en tout cas, qui partagea la vie d'une famille française (flanquée d'un chien nommé Mozart) avant de s'évanouir dans l'espace et puis dans le temps. Le narrateur, hanté par la présence-absence de cet ami d'enfance si taiseux, partira sur ses traces, comme un Tintin reporter, de Viroflay aux ruines khmers. Afin de tenter d'en finir avec une évidente fascination mêlée de crainte. Coatalem nous conte au passage quelques aventures amoureuses avec la dextérité d'un Roger Nimier ourlé de la prose poétique d'un Paul Théroux. Il a le talent pour ça. Voir Il faut se quitter déjà (lire ici, à la date du 22 décembre 2007). La rencontre avec Bouk aura lieu, mais nous tairons bien sûr de quelle manière. Et nous voulons croire que ce fut peut-être une rencontre du narrateur avec son jumeau astral...  Coatalem n'abat-il pas une carte maîtresse en citant Victor Segalen, en exergue de ce beau roman : On fit comme toujours un voyage au loin de ce qui n'était qu'un voyage au fond de soi.

  • Coatalem via Segalen

    Reçu ce matin le nouveau roman d'un auteur que j'aime vraiment : Jean-Luc Coatalem (Le dernier roi d'Angkor, Grasset).

    Avant d'y entrer, je trouve ceci en exergue, qui m'évoque un mot fameux de Montaigne : Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages, que je sais bien ce que je fuis et non pas ce que je cherche.

    Tout semble concentré, et dit, ou presque, dans cette phrase de Segalen :

    On fit comme toujours un voyage au loin de ce qui n'était qu'un voyage au fond de soi. Victor Segalen

    Je reviendrai parler du Dernier roi d'Angkor.

  • Le nouveau Coatalem

    Le nouveau Coatalem* est une ode à l’amour imprévu, intense, physique et sans lendemain possible. JLC ne nous avait pas prévenu. Sa Thilde, ma Thilde, tilde, ~, une nouvelle de La Môle (qu’en savons-nous !) est là. Face à lui, le menteur inscrit au sein nourricier et maritime d’une carte postale pliée et écornée de Montevideo. Il lui fait l’amour. Où l’on apprend que Coatalem a des taches de rousseur comme des étoiles noires sur le torse, lui que nous identifions déjà comme un mélange -physique aussi, de Vialatte et de Morand (selon l’ami Frébourg dans son magnifique Homme à la mer, Folio)… Coatalem donc. Son nouveau et bref roman du Parana, exhale le parcours d’abord difficile, puis facile, dans la jungle des mots et des sentiments, d’un explorateur de l’âme et des cœurs. Reporter missionné, baroudeur ravalé au rang servile d’amoureux appointé ou apponté, lâche circonflexe à l’occasion, nomade échoué –jusqu’aux seins de Mathilde, jusqu’à ses bois flottés, son estuaire, sa dulce de leche et j’en passe… L’Inca, le tigre, Mathieu, vit comme on descend un fleuve rebelle (façon Yang-tsé-kiang par Blondin dans Un singe en hiver). Celui que l’on remonte, précisément. En conjurant ses humeurs à coups de rame et d’audace. De regards et de mots détournés. La prose est opulente et sèche à la fois, lisse et riche, foisonnante et pudique. Mais pourquoi les touffes d’herbe rayent ici le ciel, et les mots mensongers le visage d’une icône en devenir ? La diva de ce Mathieu-là est solitaire dans la houle, craquante comme des nouilles chinoises… Installé confortablement, calé avec le bagage invisible de sa lâcheté, le narrateur devise sur la sincérité de la nuisette de sa Thilde, depuis sa tanière parisienne retrouvée. Ou bien depuis une chambre d’hôtel à la Cossery, mendiante mais orgueilleuse, où le faux ermite apprendra à ses dépens la puissance de l’amour, qui est de mettre à nu des personnages comme ceux-là : des qui-n’attendent-que-cela. Coatalem signe là un roman audacieux. Il dit le sexe, il dit le sentiment amoureux, il dit elle... Et bien sûr il ne tient pas l’aussière ou le Cap. Il lâche prise, il reprend sa liberté. Littéraire et structurante. Ce écrivain de haute trempe nous semble décidément fait pour des sujets plus vastes que les amourettes de voyage. Il est taillé pour des virées australes, des portraits de légende (voir son Gauguin : Je suis dans les mers du Sud), des textes d’une portée segalienne et conradienne. Reste que cette histoire d’amour entre Thilde et ce tigre-ci est sacrément  capable de nous clouer tous. LM
     
    *Jean-Luc Coatalem, Il faut se quitter déjà, Grasset.