Hugo, quand même, hein...
À Ol.
O poëte! je vais dans ton âme blessée
Remuer jusqu’au fond ta profonde pensée.
Tu ne l’avais pas vue encor, ce fut un soir,
A l’heure où dans le ciel les astres se font voir,
Qu’elle apparut soudain à tes yeux, fraîche et belle,
Dans un lieu radieux qui rayonnait moins qu’elle.
Ses cheveux pétillaient de mille diamants.
Un orchestre tremblait à tous ses mouvements
Tandis qu’elle enivrait la foule haletante,
Blanche avec des yeux noirs, jeune, grande, éclatante.
Tout en elle était feu qui brille, ardeur qui rit.
La parole parfois tombait de son esprit
Comme un épi doré du sac de la glaneuse,
Ou sortait de sa bouche en vapeur lumineuse.
Chacun se récriait, admirant tour à tour
Son front plein de pensée éclose avant l’amour,
Son sourire entr’ouvert comme une vive aurore,
Et son ardente épaule, et, plus ardents encore,
Comme les soupiraux d’un centre étincelant,
Ses yeux où l’on voyait luire son cœur brûlant.
Elle allait et passait comme un oiseau de flamme,
Mettant sans le savoir le feu dans plus d’une âme,
Et dans les yeux fixés sur tous ses pas charmants
Jetant de toutes parts des éblouissements !
Toi, tu la contemplais n’osant approcher d’elle,
Car le baril de poudre a peur de l’étincelle.
Victor Hugo (Les Voix intérieures, 1837).