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  • Sacrés caractères

    Capture d’écran 2018-01-22 à 11.46.55.pngLa police des caractères reste ma préférée.

    J'apprécie son autorité sur la chose jugée publiable.

    Elle met de l'ordre dans l'écriture depuis des siècles en jonglant avec vingt-six lettres.

    Lorsqu'elle est grande, elle devient lisible de loin, confortable de près, repose les yeux qui peuvent regarder ailleurs, entre deux pages...

    Ces caractères-là n'ont rien de mauvais. Que du bon, sommes-nous tentés d'ajouter...

    Il y a un an je me retrouvai pour la première fois en format de poche (avec Le Parler pied-noir qui passait de Rivages à la Petite Bibli Payot/Voyageurs).

    Voici que je me retrouve aujourd'hui en Grands Caractères, soit en corps 18 - à l'intention de ceux qui peinent à lire de plus petits : Chasses furtives (mon premier roman) existe désormais sous trois formes : en version livre classique, en version e-book, et aujourd'hui en version Grands Caractères, en compagnie d'autres titres publiés par Passiflore (*). Qu'on se le lise... L.M.

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    (*) La vie plus un chat, de Chantal Detcherry, L'Effacement, de Pascale Dewambrechies, La carapace de la tortue, de Marie-Laure Hubert Nasser, L'Enfant roman, de Fabienne Thomas.

     

    Capture d’écran 2018-01-22 à 12.09.55.pngCapture d’écran 2018-01-22 à 12.10.47.png

  • Monsieur Paul préférait son calibre 12

    Capture d’écran 2018-01-20 à 17.18.21.pngJe me souviens bien d'une poularde de Bresse, et avec davantage de précision du son que fit la croûte qu'il me fallut casser avec l'épaule d'une cuiller afin de découvrir et commencer d'absorber un petit lac circulaire : la soupe VGE à la truffe, ou plutôt le grouillant salmigondis d'une colonie de truffes en déroute, en morceaux et en soupe... Cela se passa à Bocuse-ville... Je me souviens surtout du regard gras, valisé, lippu même, mais palpitant comme un oiseau que l'on tient avec peine et délicatesse entre nos paumes juste jointes et pas serrées... Du regard - appuyé - de Monsieur Paul. Je me trouvais là plus ou moins pour GaultMillau comme on dit, dont j'assurais alors la direction des rédactions (du magazine et des guides), mais justement et délibérément sans aucune obligation, soit sans carnet de notes à noircir, décontracté du stylo; à la fraîche de surcroît... Pourvu du seul plaisir d'une errance mycologique choisie. En ouiquende, aurait écrit Roger Nimier, ou bien luxueusement en visite. Et aussi (car, même en roue libre j'ai un angle d'attaque en tête, c'est plus fort que moi) pour l'ineffable plaisir d'échanger avec la sensibilité vive et qui bouillait sous une longue toque blanche (coiffant une tête bien faite ayant toujours préféré la bonne vieille casquette en tweed qui renifle la sauvagine), à propos des sarcelles rebelles et des bécassines tellement furtives de la Dombes - oiseaux vénérés que j'ai toujours adoré décrocher du plus loin que je le pouvais avec mon léger calibre 20 et à contre vent, tandis que Monsieur Paul confessait sans ambages préférer son calibre 12, afin d'assurer, appuya-t-il de sa voix rétablissante. C'était son côté saucier. Celui que nous regretterons ce soir et à l'instar d'une épaule, au creux d'une époque light et rabougrie, pleutre et en manque de sel. L.M.

  • L'Éducation sentimentale


    Autre extrait du fameux chapitre VI de la IIIème partie
    (Frédéric s'adresse à Mme Arnoux) :

    Mon coeur, comme de la poussière, se soulevait derrière vos pas. Vous me faisiez l'effet d'un clair de lune par une nuit d'été, quand tout est parfums, ombres douces, blancheurs, infini; et les délices de la chair et de l'âme étaient contenues pour moi dans votre nom que je me répétais, en tâchant de le baiser sur mes lèvres. Je n'imaginais rien au delà.

     

     

  • Vive le passé simple!

    Capture d’écran 2018-01-17 à 13.08.50.pngExtrait de L'Education sentimentale (III, 6) de Flaubert :

    Il voyagea.
    Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues.
    Il revint.
    Il fréquenta le monde, et il eut d’autres amours, encore. Mais le souvenir continuel du premier les lui rendait insipides ; et puis la véhémence du désir, la fleur même de la sensation était perdue. Ses ambitions d’esprit avaient également diminué. Des années passèrent ; et il supportait le désœuvrement de son intelligence et l’inertie de son cœur.

  • El castizo y el Quijote

    IMG_20180113_121727_resized_20180113_125351295.jpgPlus j'entends parler de la Catalogne et des Catalans, et plus j'ai envie de lire des choses sur l'Espagne et l'esprit Castillan. Ainsi ai-je repris Don Quijote de la Mancha, les aventures du chevalier à la triste figure, et lu les cinq essais que Miguel de Unamuno écrivit en 1895 sur l'esprit castizo : L'essence de l'Espagne (Gallimard, 1967). Le titre originel est Autour du casticisme. Difficile à comprendre tel quel, d'où le titre français un brin elliptique. Unamuno y est péremptoire, défend la pureté d'une race (casta) et son ambition expansionniste - au moins sur la Péninsule. L'époque nageait dans ce mood. Il convient donc de le lire avec les précautions d'usage et de distance qui s'imposent, et non en critiquant le fond à la lumière du présent (ce que notre époque, de plus en plus idiote,IMG_20180113_121547_resized_20180113_125348942.jpgIMG_20180113_121558_resized_20180113_125352059.jpg fait quotidiennement et sur tout sujet)... Ces essais, un peu lourdingues, au style ampoulé, correspondent à l'esprit bouillonnant du jeune essayiste qui donnera plus tard Le sentiment tragique de la vie, son essai majeur, mûr, philosophiquement plus argumenté, ainsi que de délicieux Contes (dont on peut lire des extraits en folio 2€ sous le titre Des yeux pour voir). Unamuno magnifie sans retenue l'esprit castillan, en le revêtant un peu arbitrairement des atours les plus remarquables de l'âme méditerranéenne en ce qu'elle a d'admirable. Pourquoi pas. Mais cela semble être une vision idéalisée relevant de la projection d'une certaine âme, davantage que d'une âme certaine : belliqueuse et indolente, elle passe de l'emportement à l'impassibilité sans tempérer l'un par l'autre : Telle est l'âme castiza : elle ignore l'héroïsme soutenu et obscur, diffus et patient, du travail véritable. (...) L'âme castillane castiza affirmait avec une égale vigueur son individualité, une en face du monde divers, et cette unité de son être projetée hors d'elle; elle affirmait deux mondes et vivait à la fois dans un réalisme esclave des sens et dans un idéalisme rivé à ses concepts. Obscur, n'est-ce pas?.. Mieux vaut par conséquent replonger dans l'idéal chevaleresque d'un dévoreur de romans aux visions hallucinatoires mais tellement drôles et si lucides à la fois, soit dans les ingénieuses et truculentes aventures de l'hidalgo et de son fidèle Sancho (dans la belle traduction dépoussiérée qu'en a donné au Seuil Aline Schulman), car se battre contre des moulins à vent vaut bien d'autres combats et bien des messes : Ayant comme on le voit, complètement perdu l'esprit, il lui vint la plus étrange pensée que jamais fou ait pu concevoir. Il crut bon et nécessaire, tant pour l'éclat de sa propre renommée que pour le service de sa patrie, de se faire chevalier errant, et d'aller par le monde avec ses armes et son cheval chercher les aventures, comme l'avaient fait avant lui ses modèles, réparant, comme eux, toutes sortes d'injustices, et s'exposant aux hasards et aux dangers, dont il sortirait vainqueur et où il gagnerait une gloire éternelle. Quichotte (1605) est, comme chacun sait, à la fois le mythe fondateur de l'Espagne contemporaine, et l'acte de IMG_20180113_124601_resized_20180113_125350490.jpgCapture d’écran 2018-01-13 à 12.39.10.pngnaissance du roman moderne. Aussi, revenons-nous toujours à Cervantes. Par plaisir autant que par besoin. L.M.

  • Cinq ans déjà

    Capture d’écran 2018-01-09 à 10.56.39.pngCinq ans après sa disparition, Pierre Veilletet c'est, encore et toujours, une oeuvre qui compte : sept livres essentiels à lire, à relire et à faire passer.
    (Cette notule au format chiche qui m''était imposé chaque semaine par cette rédaction, annonce le "Tout Veilletet" que chaque amateur de vraie littérature doit posséder. Précision : le prix Albert-Londres distingue chaque année un grand reportage. Il récompensa celui que P.V.  - qui fit toute sa carrière de journaliste à Sud-Ouest (il fut mon premier rédacteur en chef) -, effectua sur la longue agonie de Franco). L.M.

  • En relisant Del Castillo

    Capture d’écran 2018-01-06 à 15.01.05.pngCapture d’écran 2018-01-06 à 15.07.17.pngPour bien parler une langue, il ne suffit pas d’en connaître le vocabulaire et la grammaire sur le bout des doigts ou plutôt des papilles. Il faut encore connaître ses mots qui sont autant de concepts singuliers, capables de définir l’âme d'un peuple. Ainsi de l’Espagnol. Quelques exemples parmi beaucoup d’autres :

    Nada. Rien, mais plus encore. Un sentiment. « Un songe éveillé, une contemplation, voire une méditation, une espèce de tristesse mêlée de terreur, une volupté amère. Une moue boudeuse » (Michel Del Castillo). Une attitude attirante. Une défense. Une métaphysique. Rien à voir avec le néant. Plutôt le vide imparfait. Quelque chose comme ça.

    Cortesía. Au-delà de la courtoisie. Plus que la politesse. Un art de vivre en commun forgé au fil des siècles.

    Quiero : Je veux. J’aime. Tout ensemble. Volonté et désir se rejoignent. Tendent vers la possession. Idem pour Esperar : à la fois attendre. Et espérer.

    Quedar bien. Faire une belle sortie. Y compris en quittant ce monde, si possible. De tous les gestes, le dernier n’est-il pas le plus important, sinon le plus émouvant… Mais c'est au quotidien, dans les petites attitudes, que l'on apprend à quedar bien.

    Castizo. Un mot évoquant la caste, la noblesse. Une certaine pureté. Et la Castille. C’est la vivacité, la grâce et l’élégance réunies. De caste, de race. Nous pouvons aussi voir dans cette attitude (Miguel de Unamuno approfondît le sujet) la vocation universaliste de la province la plus pauvre de la Péninsule. Ne parle-t-on pas le Castillan (par opposition au Catalan, au Basque)?

    Honor y honra. L’honneur est à distinguer du sens de la dignité. Subtilité.

    Aguante. Endurer, ou supporter, mais avec fierté. Maîtrise. Résister avec impassibilité et dédain. Très torerista. Pour être précis, très Manolete.

    Zarzuela. Pot-au-feu de pescados y mariscos. Ronce. Et aussi le plaisir naïf de l’abandon, propre au peuple, quand une morale bourgeoise laisse engoncé dans la retenue. Et ce n’est pas encore la vulgarité. Plutôt un lâcher-prise cathartique.

    L.M.

  • L'ouvrir

    IMG_20180105_153751_resized_20180105_033833185.jpgPar un après-midi de l'été 1980, après avoir cueilli des framboises dans le jardin dacquois des grands-parents de mon amie de l'époque, nous montâmes au grenier pour en vérifier à l'ombre les saveurs dérivées.

    A l'heure des soupirs, je tombai sur ce livre allongé sous un linceul de poussière, et l'emportai - davantage en souvenir de ce moment passé entre les boites à chapeaux et les malles chargées d'histoire, que pour la raison de sa rareté, que j'ignorai encore.

    Plus tard je l'appris, et maintins constamment l'objet à distance du Voyage au bout de la nuit (que d'ailleurs je ne pus jamais lire; pas mon truc, le verbe célinien). Me disant : un jour je verrai bien de quoi il retourne...

    Aujourd'hui, tandis que sa réédition prochaine avec celle des deux autres pamphlets antisémites de Céline pose question, je ne me suis toujours pas résolu à le lire. Pas même à l'ouvrir pour en saisir une seule phrase, car cette idée seule me répugne. Le dégoût.  L.M.

  • Perplexe

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    En découvrant l'existence (j'ai d'abord cru à un canular) d'une eau de parfum reprenant le titre du livre le plus emblématique de l'oeuvre de Julien Gracq, je suis resté coi (après une voiture nommée Picasso, voilà que..., ai-je aussitôt pensé, marri), puis je suis bien resté trois minutes devant la photo de ce flacon, hébété comme un macareux moine devant un galet rond. Ayant retrouvé mes esprits, je ne me suis pas résolu à appuyer sur le rectangle rouge (ci-dessous), malgré un fétichisme tenace. Frontière. L.M.

     

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  • Lisez Appelfeld. Tout Appelfeld

    Aharon Appelfeld est mort hier 4 janvier. Hommage.


    Capture d’écran 2018-01-05 à 11.17.16.pngJ'ai plaisir à lire des livres dont on parle peu, qui ne font de bruit que celui des pages que l'on tourne et qui possèdent pourtant des qualités immenses et insoupçonnées du grand public; ce que je regrette. "Et la fureur ne s'est pas encore tue", d'Aharon Appelfeld, par exemple, du grand humaniste hanté par les camps, n'est pas un larmoiement à la Elie Wiesel, mais plutôt un hymne à la fraternité, un éloge de la dignité humaine, qui rapproche Appelfeld de Primo Lévi. L'horreur innommable nous est ici décrite calmement, sans haine, car toujours percent le courage et l'espoir à la surface de l'Enfer. C'est d'un grand message d'humanité et d'humilité qu'il s'agit, avec, au bout d'une interminable errance dans la neige et la forêt -avec la peur du nazi, la faim, le froid, les loups, après une évasion d'un camp, le cadre d'un chateau dans la ville de Naples pour havre, ouvert aux survivants, avant le chemin du Retour, si existent encore pour chacun, et ce chemin et des Lieux. Le bonheur de lecture ne vient pas à l'improviste, avec les livres d'Appelfeld, mais il surgit doucement à la faveur d'une sorte de petit miracle : je pense à l'allégorie de la musique de Bach ou Brahms jouée par un trio, et à la lecture du Livre, qui parviennent à transfigurer les visages des réfugiés. Ainsi reviennent-ils à la vie, s'échappent-ils un instant de l'horreur qui les hante et les hantera tout leur vie... Le narrateur au moignon ajoute alors : Tout ce qui n'est pas compréhensible n'est pas forcément étrange.

    Capture d’écran 2018-01-05 à 11.17.51.pngDans "Le garçon qui voulait dormir", Aharon Appelfeld s'autodécrit à travers les traits du jeune Erwin, 17 ans, recueilli en Palestine (encore sous mandat après la guerre), et qui commence une seconde vie déjà, au moment de bâtir Israël. L'adolescent ne trouve l'apaisement que dans le sommeil. Il semble vouloir oublier, tandis qu'il cultive inconsciemment les souvenirs. En réalité, la fuite inexorable et prégnante dans le sommeil lui permet de retrouver ses parents morts dans les profondeurs de la nuit, lui qui doit aussi désapprendre sa langue maternelle pour apprendre l'hébreu. C'est puissant et tendre à la fois, prodigieusement onirique et tendu, et à la fois accroché au réel. Un livre aussi bouleversant que l'inoubliable "Histoire d'une vie", du même auteur disparu hier, et dont voici deux extraits :

     

    Capture d’écran 2018-01-05 à 11.18.27.png"C'était l'enclos (Keffer) des chiens-loups utilisés pour monter la garde, pour la chasse, et principalement pour les chasses des hommes (...) Un jour arriva un convoi dans lequel se trouvaient des petits enfants. Le commandant du camp ordonna de les déshabiller et de les pousser dans l'enclos. Les enfants furent dévorés aussitôt, apparemment, car nous n'entendîmes pas de cris. Et cela devint une habitude..."

    "Nous avons l'habitude d'entourer les grandes catastrophes de mots afin de nous en protéger. Les premiers mots de ma main furent des appels désespérés pour trouver le silence qui m'avait entouré pendant la guerre et pour le faire revenir vers moi. Avec le même sens que celui des aveugles, j'ai compris que dans ce silence était cachée mon âme et que, si je parvenais à le ressusciter, peut-être que la parole juste me reviendrait".

    L.M.

    C'est à lire en Points (Seuil).

  • Séville et les oiseaux

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    Merveilleuse Séville qui prend le soin de réaliser un assemblage d'azulejos pour inviter - en termes choisis - les élèves du collège San Isidro à ne pas déranger les oiseaux qui vivent et nichent dans l'enceinte de celui-ci. Cela peut se lire depuis la rue, à l'entrée de l'établissement, et c'est empreint de délicatesse ferme. Le tact, et l'expression du respect fondamental. Soit l'élégance. La marque andalouse.

    De même, flâner dans les rues de cette ville splendide, c'est retrouver le chant du moineau domestique (passer domesticus) que l'on oublie, dans les grandes villes françaises où ce passereau se raréfie, mais jadis si courant que nul ne prêtait attention aux piafs. Ils sont nombreux à piailler, à venir jusqu'à vos pieds recueillir quelque miette, aux terrasses des plazas comme celle de Doña Elvira. Et entendre simplement  une conversation de moineaux (avant de les apercevoir) augmente le plaisir esthétique du voyage. L.M.

  • Gorgez-vous avec Gorgias

    Capture d’écran 2018-01-03 à 13.22.07.pngC'est l'un des plus beaux dialogues platoniciens. Socrate y est au plus haut de sa forme, pour exprimer l'art de la réthorique, la tempérance, la bienveillance, la justice (et son mal suprême corollaire : celui de n'être pas puni pour l'injustice que l'on commet); la domination des désirs et donc le bonheur (aux accents épicuriens) : Qui veut être heureux doit se vouer à la poursuite de la tempérance et doit la pratiquer...

    Tout Socrate y est résumé, jusqu'à la métaphore de l'épisode de la ciguë. L'art de la politique, le rôle du citoyen dans la Cité, la définition du pilote, la vile incapacité pour un homme à se défendre... Bon, évidemment, Platon sépare l'âme et le corps au moment de la mort, et semble curieusement faire l'éloge de la sophistique au détour d'une tirade à l'adresse de Calllicalès. (N'est pas Spinoza qui veut).

    Gorgias ou la lumière sur les sentiments et les comportements. Le relire, c'est prendre un bain de jouvence, plonger dans un jacuzzi électrique. C'est faire le plein de sourire. L.M.

  • Haro sur les passions tristes

    Capture d’écran 2018-01-03 à 12.57.27.pngL'Ethique, oeuvre de Baruch Spinoza, s'impose de jour en jour comme le livre essentiel. Signe : je le range à côté des Essais de Montaigne et de Socrate pêle-mêle (les dialogues divers de Platon). Gilles Deleuze, dont le Spinoza Philosophie pratique (Minuit) constitue, à mes yeux, un complément d'objet direct précieux de cette oeuvre, résume clairement la question des passions tristes, qui polluent la vie de l'être humain, quelle que soit sa confession, ou obédiance, soumission, adhésion... Depuis la naissance du premier monothéisme. Depuis l'invention du Politique. Depuis que le pouvoir existe. Depuis trop longtemps...

    Quid de la méthode géométrique selon Spinoza  : la satire, écrit le génial philosophe de la joie, du désir et de la puissance d'exister, c'est tout ce qui prend plaisir à l'impuissance et à la peine des hommes, tout ce qui exprime le mépris et la moquerie, tout ce qui se nourrit d'accusations, de malveillances, de dépréciations, d'interprétations basses, tout ce qui brise les âmes (le tyran a besoin d'âmes brisées, comme les âmes brisées, d'un tyran).

    Car Spinoza, souligne Deleuze, ne cesse de dénoncer dans toute son oeuvre trois sortes de personnages : l'homme aux passions tristes; l'homme qui exploite ces passions tristes, qui a besoin d'elles pour asseoir son pouvoir; enfin, l'homme qui s'attriste sur la condition humaine et les passions de l'homme en général. L'esclave, le tyran et le prêtre...

    Traité théologico-politique (car, en effet, il n'y a pas que L'Ethique dans l'oeuvre de S.), préface, extrait : Le grand secret du régime monarchique et son intérêt profond consistent à tromper les hommes, en travestissant du nom de religion la crainte dont on veut les tenir en bride; de sorte qu'ils combattent pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur salut.

    Deleuze : Le tyran a besoin de la tristesse des âmes pour réussir, tout comme les âmes tristes ont besoin d'un tyran pour subvenir et propager. Ce qui les unit, de toute manière, c'est la haine de la vie, le ressentiment contre la vie.

    Au rang des passions tristes, Spinoza compte - énumère, même, dans cet ordre : la  tristesse, la haine, l'aversion, la moquerie, la crainte, le désespoir, le morsus conscientae, la pitié, l'indignation, l'envie, l'humilité, le repentir, l'abjection, la honte, le regret, la colère, la vengeance, la cruauté. (Ethique, III).

    Spinoza oppose à cela la vraie cité, qui propose au citoyen l'amour de la liberté plutôt que l'espoir des récompenses ou même la sécurité des biens. Car, c'est aux esclaves, non aux hommes libres, qu'on donne des récompenses pour leur bonne conduite.

    Donc, foin des passions tristes! Car, en écoutant Spinoza, et Nietzsche après lui (et les éclairages qu'en a donné Deleuze), il convient de dénoncer toutes ces falsifications de la vie, toutes ces valeurs au nom desquelles nous déprécions la vie : nous ne vivons pas, nous ne menons qu'un semblant de vie, nous ne songeons qu'à éviter de mourir, et toute notre vie est un culte de la mort...

    L.M.

    Note que je rédigeai il y a neuf ans sur ce blog, et sur laquelle je retombai à l'instant. 

     

  • sédimenter

    IMG_20180103_121144_resized_20180103_121423846.jpgJeune, je demandais aux êtres plus qu'ils ne pouvaient donner : une amitié continuelle, une émotion permanente. Je sais leur demander maintenant moins qu'ils peuvent donner : une compagnie sans phrases. Et leurs émotions, leur amitié, leurs gestes nobles gardent à mes yeux leur valeur entière de miracle : un entier effet de la grâce.

    Albert Camus, Le premier homme