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les faits boomerang

 Surprise... Comme je souhaite offrir à un ami mon livre Je l'aime encore, qu'il est épuisé chez l'éditeur et que je n'en ai plus qu'un seul, que je me garde, j'ai cherché un exemplaire d'occasion à vendre sur un site en ligne, et je l'ai trouvé. J'ai donc passé commande il y a trois jours et ce matin tôt, un livreur m'a porté le petit colis jusqu'à ma porte. Et quelle fut ma surprise, en ouvrant l'enveloppe, de découvrir l'exemplaire que j'avais dédicacé et adressé, à sa parution il y a plus de quinze ans, à feu mon ami Jean-Jacques Brochier, alors rédacteur en chef du Magazine Littéraire (nota : je me fous royalement du cheminement de ce livre, depuis le décès de Jean-Jacques il y a six ans, jusqu'à moi ce matin). J'étais encore entre deux cafés matinaux, je me suis assis et j'ai relu mon envoi amical. Puis, j'ai feuilleté le bouquin, et j'ai repensé au moment précis où j'avais signé ce livre pour lui, chez l'éditeur. J'ai revécu le petit bout d'émission de télé qu'il avait consacrée à ce petit texte sur la chaîne Seasons (à laquelle je collaborais également) -émission au cours de laquelle il avait à son habitude allumé Gitane sur Gitane, et où il m'arriva de griller un havane : c'était autorisé à l'époque (Jean-Pierre Fleury, notre boss, se contentait de pester après le courrier ulcéré de certains téléspectateurs). Jean-Jacques avait -à son habitude encore-, sifflé, hors champ, à lampées furtives, deux ou trois verres de Johnny Walker (planqué sous la table), lorsqu'il sacrifia à un éloge spécial copinage, mais sincère, car Jean-Jacques était un homme d'une sincérité en voie de disparition.

Et je me suis dit : la vie est courte et c'est un boomerang. Alors j'ai pensé au boomerang de Julien Gracq, un objet dont la perte, enfant, le mina. Il l'avait évoqué, lors de notre première rencontre en janvier 1999, à Saint-Florent-le-Vieil. Et c'est au point que je réfléchis, depuis la disparition de mon monstre littéraire préféré, à écrire quelque chose sur les effets de la perte de ce boomerang sur la vie de Gracq. (Voir Lettrines, page 23). Mais, ici ce soir, je n'en dirai pas davantage sur le motif, car c'est le livre de feu mon copain de quelques chasses et agapes Jean-Jacques Brochier, que je regarde. Et je pense à sa voix métallique et profonde, à sa barbiche, à son regard derrière des lunettes rondelettes, à son amour immodéré pour Maupassant, à ses pamphlets décapants contre les anti-chasse, les anti-tabac, à ses éditos du Magazine Littéraire parfois trop gentils, ou bien tellement raccord avec ses affinités du moment (Besson, Lanoux, Adler) ou intemporelles (Lowry, Sartre...). Nous nous sommes un jour accrochés à propos de Camus, que je défendais bec et ongles face à l'auteur de Camus, philosophe pour classes terminales. Rien n'y fit. Même lorsque je le taquinais sur sa bienveillance à l'égard de la maison Grasset : "forcément, m'objectait-il : ils font vivre mon magazine!". Il était franc et il disait vrai...

Jean-Jacques, où que tu sois ce soir, je te remercie de cette visite imprévue. Et prends un armagnac avant de te recoucher, s'il te plaît.


Commentaires

  • Superbe cette idée de retour de livre et d'amitié...
    Il ne te reste plus qu'à offrir ton ultime et à conserver précieusement le sien.

    Comme une sorte de cadeau post mortem, je trouve ça trop fort...

  • quelle étrange et belle histoire qui me laisse songeuse. Très émouvant. Merci Léon

  • Merci les amis, car vous m'obligez, en me dédouanant : j'ai hésité à partager cette anecdote personnelle, survenue hier à l'aube. Et vous me donnez même envie de raconter comment je suis déjà mort -c'est anecdotique, aussi.

  • votre blog est un vrai plaisir, comme on se balade au soleil le samedi (ce qui fut le cas aujourd'hui, mais ça pourrait se passer la nuit aussi, enfin). je pensais être dépositaire d'une annecdote drôle "comme un boomerang" et rare. trainant chez les bouquinistes lors du salon du livre de Mouans-Sartoux cet automne avec un ami, il a trouvé un livre qu'il avait dédicacé (sur la couverture c'est rare!) à une éditrice qui fut la sienne un temps. il l'a acheté et le lui a offert. et tout ceci nous a fait rire et pas tant rêver comme votre billet le donne à faire.

  • => nadia roman : En effet, c'est risible.
    L'anecdote s'est représentée à moi la semaine dernière : j'ai acheté sur PriceMinister un ex. de mon roman "Chasses furtives", aujourd'hui épuisé. Et quelle ne fut pas ma surprise de recevoir l'exemplaire que j'avais dédicacé et offert à un "ami" encore, à ce moment là (en 1995)...

  • c'est ce qui m'a longtemps retenue de demander une dédicace à un auteur. d'abord certes, parce que quand on ne connait pas la personne que peut-elle écrire sur cette page de garde?! et puis, mais ça je ne le disais pas, je ne fais pas dédicacer car je n'ai pas l'intention de vendre le livre!!! et depuis j'ai des amis auteurs et j'ai écrit qq livres ; on peut finalement écrire sur la page de garde un petit mot et même un long, après avoir parlé avec le lecteur, c'est un bon moment de communication finalement. encore une histoire vraie : une très belle dédicace faite à une amie par son auteur préféré et qq années plus tard, sortie d'un nouveau livre et ... la même phrase en dédicace!!! ha, le technique, l'affect... tout ça se mélange mal en somme! bonne journée à vous

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