-
-
La Crète
Venise en Crète est une Venise fortitifée, un cordon de traces -à Rethymnon notamment (photo).
J'ai donc cherché davantage la puissance vénitienne que la Crète, dans les villes de là-bas.
C'est absurde, j'en conviens.
Sinon, les cigales au chant assourdissant, à faire exploser notre oreille interne et au point de penser que nous ne sommes qu'acouphènes, elles, sont bien Crétoises : un peu miss-sans-gêne; envahissantes. Un trait de caractère inaperçu dans les Cyclades.
Celui qui parle le mieux de la Crète dans les profondeurs de son âme, c'est encore Jacques Lacarrière dans son indépassable (malgré son âge) Eté grec (Pocket/Terre Humaine).
-
Pandora et Les Yeux noirs
et James Mason
dans ce film indépassable.
C'est tout.
et Marcello Mastroianni
dans ce second fim indépassable.
C'est tout.
-
Bayonne 1900
Insolite réception : Smurf m'adresse cette photo de Bayonne prise en 1900. La Maison Dagourette (l'actuel Musée Basque) à gauche, côté Petit Bayonne, face au pont Pannecau, duquel j'ai plongé, une nuit d'ivresse de fêtes de Bayonne, aux sons de : (t'es pas cap') "Paquito Chocolatero"... A droite, on devine les Halles actuelles. Vu des Cyclades, cette carte sepia possède un côté singulier. Au dos, il y a juste une inscription à l'encre bleue : Mo Smurf. P.O.Box 77. Ileana City.
-
News from Paros
L'incidence de l'Histoire et de notre écume culturelle font que nous appréhendons un pays avec l'empreinte intérieure d'une non-réalité. Souvent d'un anachronisme doublé d'une idéalisation. Ainsi de la Grèce où je me trouve. Je m'attendais très stupidement à croiser Socrate dans Plaka, à proximité de l'Agora. Sur les plages de Martselo et de Malatesta, sur l'île de Paros ce matin, je me suis étonné de ne pas voir Achille pleurant Patrocle. Un remous dans l'eau et je pensais très connement à Poseidon. Je dois ces visions à des lectures matinales (mon viatique grec se compose d'une carte Visa, d'une brosse à dents, de tissus divers et de:Vidal-Naquet, Homère, Vernant, Lacarrière, Veyne, Citati). Le mérite de cette imprégnation est de devenir (presque) aveugle au tourisme qui m'entoure. Cela ne durera pas. Déjà, les voix indécentes des touristes gagnent le silence qui habitait la Baie de Parikia depuis l'aube. Les touristes ont des moeurs exactement inverses à ceux de la population locale, sous ces latitudes : ils sortent et s'exposent au grill du soleil aux heures les plus folles, lorsque le Grec se terre à l'ombre et au frais; jusqu'à l'heure exquise de l'ouzo... La non-réalité c'est que le Grec qui vit de la viande touristique, porte une casquette NY, un faux tee-shirt Von Dutch, des tongs comme vous et moi et qu'il ignore peut-être tout de la geste homérique, comme l'Espagnol de la Costa Brava connaît le Quichotte par si-dire et le franchouille de Palavas ou de Bénodet, La Recherche à travers... rien. Voyager n'est pas décevant pour autant. Ou si peu. Le regard porte loin lorsqu'on sait dépasser. La vérité est souvent dans le dépassement...
-
Hot-Coldplay
Yeux bleus, cheveux mi-longs, voix grave, jeans & pieds froids sur le seuil, il sonna, menaçant sans doute, de l'index droit. J'eus la lâcheté de ne pas répondre immédiatement. Coldplay m'enivrait. Vrai. Minuit : l'heure du scream... "Ohé, on va se calmer sur la musique, sinon dans 2 minutes, j'appelle les flics". Waasssccchhh... Vérification faite de l'oeil droit, le volume hi-fique affichait 27 (genre : thermostat 8...). Chaudlesmarrons. Dakodak. Vu que la réserve de Ricard était à moins sec depuis des plombes, il aurait été impossible d'honorer convenablement la visite d'une maréchaussée réputée sans humour (dans cet arrondissement et alentour itou) et seulement solvable -ou soluble-, dans le "Jaune". Avec ou sans glace, d'ailleurs. So... Je suis passé au thermostat 3. Genre timidousse cuisine végétarienne sans sel pour endive bouillie spécialement moulée pour plateau d'hosto calibré mince. Mince alors. Et là, j'écoute quoi, à présent? Brahms? Mozart... Mieux vaut retourner à la fenêtre et mater les taxis qui ne s'arrêtent pas devant des bras levés, timides, trop timides (les bras). Trop cons (décidément) les tacots. Et finir, vautré, sous couette, A l'ombre des jeunes filles en fleur (Marcel) et Au-delà du fleuve et sous les arbres (Hem'). Genre, toujours... -
Chérie fais ta valise!
ON VA VOIR LA MER!..
palmes belges à talons-aiguille pour l'été
-
...
Perdido en el siglo
Je reprends le Zarathoustra dans une traduction nouvelle, poétique, simplifiée, plus proche de notre réel que de celui de Nietzsche (une nouvelle traduction ne vaut que pour ça : Montaigne, le Quichotte en sont de bons exemples. Les autres : Fitzgerald, Blixen, du marketing d'éditeur. Conrad, Rulfo, d'accord...). Et Z me scotche. Comme Baruch (Spinoza) me scotche chaque matin dans les toilettes (ptin, il ne nous épargne rien!). Situation guère enviable, au demeurant, car resté scotché là, empêche. Mais bon, L'Ethique, quoi...
-
photo-vie
Une photo en noir & blanc à côté de l'ordi :moi bébé dans les bras de mon père.Il est mort il y a quelques moiset j'ai aujourd'hui le double de son âge sur la photo.C'est quoi la vie?.. -
Les manies du débitant de cigares
Le débitant de tabac a peur que le client lui abîme sa marchandise et il a raison. Le problème est que, par ses réflexes, il lui arrive de la détériorer, ou au moins de détériorer les termes de l’échange avec son client.
Oublions d’emblée ceux qui n’autorisent pas que l’on choisisse nous même –fut-ce des yeux et en désignant du doigt le cigare désiré-, et avec lesquels la discussion est impossible. Ils tournent en général le dos au client en choisissant pour lui le ou les cigares demandés (le client ne peut rien voir), referment prestement l’armoire humidifiée et annoncent avec détermination le prix en caisse sans laisser le temps au client de respirer. Là, moi, je dis tout de suite « adieu et merci ».
Il en va des havanes dans les civettes comme des Pléiades en librairie et des boîtes de crabe dans les supérettes : les secondes sont hors de portée, ou bien cachées derrière le caissier ; les premiers s’appellent « pas touche ! Lequel voulez-vous?». Normal, après tout. Mais notre ami, que nous souhaitons à chaque fois complice d’un certain amour du cigare, le débitant éclairé, avec lequel il est toujours agréable d’échanger quelques mots d’aficionados, tâte trop souvent lui-même le cigare en le pressant entre le pouce et l’index, ramollissant exagérément ses modules comme des camemberts ipso facto « bien faits », comme si je ne sais quel moelleux (ou craquant), suffisait à distinguer le bon cigare du moins bon. Parce que le choix, effectué à la place du client, se limite généralement à ce geste un rien brutal, réducteur et bien souvent inutile.
Deuxième grief : l’impatience. Il est préférable de savoir ce que l’on veut avant d’entrer dans la civette ou dans l’humidificateur géant, puis d’acheter fissa, car l’impatience du débitant –surtout si personne ne le seconde en caisse pendant le temps que dure le choix des cigares-, grève quelque peu le plaisir de balader ses yeux sur les boîtes ouvertes, tout en stressant le client que nous sommes.
Enfin, il y a le débitant qui s’offusque immédiatement lorsque nous refusons le cigare choisi par lui seul, ou bien celui que nous reposons (lorsque nous avons obtenu licence de toucher au module), pour des raisons de convenance personnelle.
Le client est roi ? Il commence à le devenir lorsqu’il annonce qu’il entend acheter une boîte et pas quelques cigares à l’unité. Encore que : il arrive que nous nous heurtions à l’opposition ferme de se faire ouvrir une, voire plusieurs boîtes, comme cela se fait ordinairement dans les aéroports ou bien à l’étranger.
Dommage. L.M.
-
Quartier "Saintes-Pierres", à Bordeaux
Comment croire, lorsque la rue Dieu, dans ce quartier où j'ai vécu, est une impasse?..Souvenirs.À Bordeaux comme ailleurs, la ville a les dimensions du quartier que l’on y habite, mais chaque quartier est une île aux rivages improbables et à la géométrie variable comme le temps qu’il fait. L’imagination de l’habitant est sans limites, mais l’arbitraire en a posé cent pour délimiter l’habitat. L’un et l’autre font malgré tout bon ménage, le premier ayant choisi d’établir ses quartiers dans un seul et le second de faire fi des cadastres vagabonds.
Périlleuses pour la plupart des distraits, les limites du quartier sont des artères où un sang automobile coule sans relâche jusqu’aux cœurs. Chacun le sien. Le mien est ici, c’est-à-dire en deçà. Dans le village, car Saint-Pierre est un village, avec ses habitants et leurs habitudes. Ni vieilles, ni mauvaises ; convenues. Pas à la portée du premier venu. Saint-Pierre est bien loti en places et en voies piétonnes. Le quartier ne manque surtout pas de voitures pour recouvrir ses saintes pierres d’étoiles d’huile noire. Le long des rues étroites, faute de chiens, on peut tenir la rubrique des sacs-poubelles écrasés par les roues lentes. D’aucuns diront sans détour que la nuit, tous les sacs sont gris, avant de mettre leur frein à main. Cette remarque nauséabonde, inspirée par notre balade matinale quotidienne, manque singulièrement d’horizon. C’est que celui-ci est intérieur. Et pluriel. Les horizons du quartier sont un bouquet de faisceaux qui projettent notre imaginaire par-dessus Bordeaux. Cerné par les quais et par les cours comme les yeux d’un insomniaque récidiviste, Saint-Pierre rayonne à l’intérieur, avec son cycle propre de jours et de nuits, ses adresses et ses réseaux, ses connaissances et ses résidences. Chaque soir, par une fenêtre, un quartier de soleil évadé de l’océan vient coucher chez moi si je décline mon identité et mes intentions pacifiques : Saint-Pierre est une place au soleil, un quartier qui se gagne. Ici on tutoie vite qui l’on côtoie et j’ai même des ardoises qui me permettent de flâner les poches vides d’un bout à l’autre du village. C’est un patelin sans fastefoude ni maire où nul n’est sujet à caution. Un vif esprit de clocher habite bien sûr une poignée de gens du coin qui ont une exigence de visa permanente au fond du regard, mais le passeport de la lune n’est jamais de saison dans un quartier où, depuis sa plus belle place, on peut contempler les cheminées des paquebots à quai. Et voyager assis, en compagnie d’un verre de vin et d’un bouquin atlantique, bercé par l’eau d’une antique fontaine ; car Saint-Pierre devient aussi un port, pourvu qu’on s’y attache, ou qu’on s’en arrache. L.M.
-
Ne rien faire à Venise
Ville aimant, ville amante, ville mante, ville menteuse, fardée, ville phare, Venise est un trésor caché sous le manteau qui éclaire le pas du voyageur. Une flamme fragile. Venise brille sous une pellicule de poussière d’histoires. Venise est une vieille dame qui ne masque plus son âge et dont on devine la beauté enfuie. Lauren Bacall à la terrasse des Deux Magots, certains matins encore...Byron l’appelait « le masque de l’Italie ». Derrière le masque, je vois Vénus.
Là, rien ne presse. Quand je circule sur l’eau, il me semble que je glisse avec le temps et quand je marche, à chaque croisement de rue, surgit quelque chose de nouveau à angle droit, une rupture sensorielle, trois fois rien : un enfant accroupi près d’une rigole, une façade de marbre usée, du linge aux fenêtres, des enfants qui courent (ils sont bien les seuls à le faire dans cette ville) après les pigeons.
Dans le silence du matin, une gondole semble ouvrir l’eau du canal comme une nappe de tissu et derrière elle, l’eau ne cicatrise jamais tout à fait. Cette impression soyeuse et couturière revient sans cesse à moi. Dans la brume, lorsque l’eau coule comme du plomb fondu, la gondole apparaît comme une maquette de vaisseau fantôme et je pense à Pandora, le film. C’est avec Ava Gardner que j’aurais préféré faire l’amour à Venise. La gondole est un long cercueil de poèmes chuchotés derrière le masque de satin des soirées louches. Moins classe, mais plus agréable, le vaporetto me transporte et plus encore. L’accelerato (le plus lent, curieusement), en hiver, permet de circuler à l’aise dans une Venise prise, en partie paralysée par le letargo, cette léthargie qui donne à la cité la silhouette d’une belle allongée sur les eaux dormantes. Une évadée d'un livre de Kawabata.Le nom des îles principales évoquent un animal monstrueux : dorsoduro (rond et dur comme le dos),
Spinalunga (échine longue), cannareggio (touffes de roseaux dressés sur les eaux). L’animal fétiche de Venise, c’est le lion. Volontiers ailé place Saint-Marc, il balise la ville et certains attribuent l’origine de Pantalone à pianta leone en référence à la manie du marchand vénitien de planter des lions sur toute terre conquise, à compter des années 828.
Les pigeons vénitiens sont paresseux. Cocteau disait qu’ici, « les pigeons marchaient et les lions volaient ».
J’aime marcher jusqu’à me perdre dans le labyrinthe des rues et des fondamente cousu de ponts et de sottoportici (passages voûtés) qui composent les sestieri, les six quartiers principaux : Castello, San Piero, l’Arsenal, San Marco, Canal Grande et Canareggio. Certaines rues ont des noms étranges, comme la rue « du soleil qui mène à la cour des ordures ». D’autres finissent en cul de sac, version locale : au hasard de ces rues noires où l’on n’entend que ses propres pas et où nous ne croisons que des amoureux et des chats, il arrive de trouver un canal pour seule issue. J’aime particulièrement San Michele, l’île cimetière, parce qu’elle sent la résine, la tulipe et la terre fraîchement retournée. L’herbe caresse nonchalamment les tombes comme des anémones de mer et les cyprès, raides comme des morts debout, y figurent un orgue gigantesque et silencieux. C'est la Toscane avec le Campanile en fond.
La meilleure raison d’aller à Venise et de ne rien y faire, de se prélasser à la terrasse du Florian et d’y compter les pigeons et les canards de l’orchestre qui joue chaque soir des airs vieillots. De marcher le long du Lido, aux charmes comparables, en hiver, aux longues plages landaises et à celle de Biarritz sous les embruns, lorsque l’hôtel du Palais est fermé. Loin du centre très touristique, les Vénitiens vivent leur ville. Le silence habille le geste lent du fabricant de gondoles, le pas du chat et les mouvements de tête de la vieille veuve noire qui se chauffe sur une chaise au soleil.
Venise elle-même se laisse aller. Elle s’abandonne à son destin sous-marin, mais sans précipiter le cours des choses. Elle s’enfonce de quatre millimètres par an dans la lagune, ai-je appris. L’Acqua alta projette à période fixe ce qu’elle sera. Son matelas de bois ne la soutient plus. A Venise, les arbres sont sous les pieds du voyageur : douze millions de troncs venus des Alpes et des Balkans supportent la cité à bout de bras, et sont aujourd’hui à bout de forces. J’aimerais recouvrir Venise d’une cloche de verre pour la préserver encore, ou la piquer à je ne sais quoi pour retarder sa disparition. Au moins l’adoucir. Venise s’engloutit sans se hâter, à la manière d’un transatlantique sombrant vers une cité engloutie.
J’en aime l’idée… L.M.