Vin jaune et pata negra
L’initiative revient à Septième Goût, le site gourmand que Jean Dusaussoy copilote avec Sébastien Ripari. L’idée d’associer des jambons ibériques de cochons de grande qualité, car nourris aux glands (bellotas), comme la palombe en migration s'abattant sur les chênaies du Sud-Ouest, avec des vins du Jura pourvu de cet accent andalou qui rappelle le fino, n’est somme toute pas si insolite. Cela se passait à la boucherie La Belle Epoque, dans le 17ème arrondissement parisien, tenue par un Patrick à la forte personnalité, et avec Vincent Grenelé (photo), un spécialiste, directeur de la maison Roble (le chêne), qui proposait à la dégustation quatre appellations d’origine qu'il importe : Extremadura, Huelva, Salamanca (Guijuelo) et Cordoba (Valle de Los Pedroches). Complice fournisseur des flacons de belle extraction et provenant du Comité interprofessionnel des Vins du Jura, puisqu’il s’agissait d’Arbois, de Château-Chalon, de Côtes du Jura et de L’Etoile : l’agence lyonnaise Rouge Granit. Une poignée d’invités aux papilles exercées, et zou ! Rappelons que seulement 10% des cochons ibériques sont nourris en plein air aux glands qui tombent des chênes de leur environnement, et d’herbe. 90% ne peuvent donc prétendre au complément sésame « de bellota », puisque ceux-là sont nourris en plein air « de cebo campo» (glands et fourrage), ou bien « de cebo » (fourrage, cochons parqués). Roble pratique un affinage long, de 18 à 40 mois et plus. L’Iberico Pata Negra jouit d’une DOP (dénomination d’origine contrôlée), mais il faut savoir que ce n’est pas forcément la couleur noire de la patte qui fait l’excellent jambon. J’en ai connu qui montraient patte blanche et qui vous envoyaient des saveurs de compétition, avec le gras idéal, l’onctuosité parfaite, le persillé de rêve, la subtilité extrême. Les vins jaunes, élevés sous voile (les levures en suspension) comme il se doit, issus exclusivement de cépage savagnin, passent du temps dans les fûts, et offrent ce goût particulier de fruits secs, surtout la noix, et la noisette aussi, et des flaveurs de sous-bois à l’automne, qui appellent d’ordinaire à la rescousse le comté de 30 mois, le mont-d’or a gusto, la noix fraîche et la poularde à la crème avec force morilles... Mais là, avec la bande des quatre ibericos de bellota, ce fut stupéfiant en termes d’accords idoines. La sécheresse qui flirte avec une austérité souriante, fut en partage, du côté du jamon de Salamanque et du vin des Côtes du Jura (domaine Pécheur 2008). Arbois (Henri Maire 2008) et Cordoue firent également la paire. La finesse, l’aromatique explosif, le gras distingué de l’un et de l’autre, une expression dédoublée en bouche fut révélatrice des alliances possibles entre un vin « oxydatif » et un jambon raffiné et « viandé », délicat et pourvu d’un fondant inouï. Le summum fut atteint avec le Huelva, fiancé à L’Etoile (domaine Philippe Vandelle 2007). De quoi vous propulser là-haut, afin de mieux contempler la Péninsule et la Franche-Comté. Et c’est ainsi que les jaunes sont de garde et les noirs bien gardés. L.M.
Notez qu’une boucherie 100% bio, une première à Paris, niche au creux du marché couvert de Batignolles (17ème arrondissement). Elle se nomme Dandelion, et elle a été créé par le même Vincent Gergelé, associé à Michel Vidalie.