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  • La Gascogne reloaded

    Capture d’écran 2016-10-04 à 18.12.23.pngIls sont jeunes, ils sont minces, ils sont beaux, ils sentent bon les sables fauves, leurs vins sont subtils, équilibrés, francs, purs et droits, leurs armagnacs sont à la fois profonds et aériens, sincères et sans ambages, le packaging des flacons est design et chic… Ils peuvent, oui, incarner une nouvelle génération de vignerons gascons, éloignée des clichés bedonnants et chargés de cholestérol, de terroir à béret et à toiles d’araignée dans le chai. Cyril et Julie Laudet sont à la tête d’une bien jolie propriété landaise, sise aux confins des Landes et du Gers, en Bas-Armagnac, à Parleboscq pour être précis, et Cyril représente la huitième génération de vignerons sur le domaine Laballe, dans l’ex « Grand-Bas ». Propriété d’abord dédiée à l’eau de vie gasconne, c’est sous l’impulsion de Noël Laudet qu’elle amorce un virage capital dans les années soixante-dix. Cet ancien régisseur du château Beychevelle, à Pauillac, se lance à domicile dans le vin blanc. Et le succès

    SABLES-FAUVES-BL-paint.jpgrencontré par sa gamme d’armagnacs, est aussitôt entériné par celui de ses blancs secs, puis moelleux, et des rouges landais. Cyril reprend les rênes du domaine en 2007, des mains de son grand-père Noël. Son épouse Julie, femme issue du marketing dans l’artisanat du cuir haut de gamme du côté de Carcassonne, le rejoint en 2009. Elle est le complément d’objet direct de son vigneron de mari. Le terroir, de sables fauves, caractéristique de la région (le sable landais, les dépôts argilo-limoneux chargés en oxyde de fer venus du Gers) donne une belle minéralité et une grande fraîcheur aux vins. Laballe joue avec l'IGP Landes pour sa gamme Terroirs Landais – à laquelle Cyril tient, car il pourrait classer ces vins-là en Côtes de Gascogne, mais non… Avec, par exemple, un blanc sec 2015 formidable (gros manseng, ugni blanc, colombard et sauvignon), minéral, frais, au nez d’agrumes et pourvu de franches notes exotiques et d’abricot en bouche. Il existe en rosé et en rouge, mais nous ne les avons pas encore goûtés. Laballe propose aussi un audacieux chardonnay des Landes (a probar aussi). En appellation Côtes de Gascogne, nous avons goûté Les Terres Basses en rouge (2015) équilibré, corpulent, sans doute grâce au merlot qui partage le gâteau avec le cabernet sauvignon et le tannat. C’est rond, élégant, épicé, puissant mais doucement. Davantage que Raisin Volé, rouge goûté dans le millésime 2014, en AOC Tursan, et dans lequel tannat, cabernet franc et cabernet sauvignon s’assemblent raisin-vole-clos-cazalet.jpgavec une délicatesse remarquable. Le cabernet franc parvient à dompter le tannat, sous ces latitudes  - c’est connu. Et le cabernet sauvignon est alors un suiveur galant. La Demoiselle de Laballe est un blanc doux classé en Côtes de Gascogne vif, nerveux, sans graisse, svelte et néanmoins doté d’un joli moelleux, comme on le dirait d’un édredon frais : léger et caressant. A noter que le mordant et souple Raisin Volé est élaboré par Cyril Laudet, en collaboration avec un confrère indépendant, le domaine Cazalet. Car Laballe possède une vingtaine d’hectares autour de Parleboscq pour ses armagnacs et ses vins, mais travaille aussi en collaboration - sur autant d'hectares en culture -, avec des vignobles voisins. Mention spéciale à L’Oustig 2015 (envie d’écrire loustic), un blanc sec atypique, classé en Vin de France, confidentiel (4 barriques) étonnant de franchise, de flaveurs d’abricot, de fruit de la passion, rond à souhait, avec un soupçon d’acidité posé comme des parenthèses davantage que comme des guillemets. Gros et petit manseng, et baroque (rare !) composent par tiers l’encépagement de ce « vin nature » qui n’est pas levuré, et qui est d’une pureté et d’une droiture confondantes.

    Côté armagnacs, la gamme est somptueuse, qui fait la part belle aux millésimes, aux assemblages bien sûr, et à des flacons issus de monocépage : baco, ugni blanc, comme ce splendide 1991, 100% Baco, à la robe caramel luisant, miracle d’équilibre et de force contenue, avec son neztrio02.jpg agréable -oui- de térébenthine furtive, et une bouche opulente où les fruits confits et les épices douces dominent avec une ténacité souple. Finesse, rondeur, charnu, longueur respectable, sont les termes qui définissent ordinairement les armagnacs racés de Laballe dans leur ensemble. Et, la tendance étant devenue structurelle, la volonté de développer la consommation de l’armagnac dilué en cocktail, est une carte que Laballe joue à fond. Pour ce faire, la gamme « 3 (Ice) -12 (Rich) -21 (Gold) », au look très moderne, est étalonnée, et elle fait un carton dans les bars dédiés.

    Une dégustation d'un large éventail de la maison (vins et eaux de vie), se tenait d’ailleurs ce 4 octobre dans un bar (restaurant) à cocktails parisien de haut-vol : Gravity Bar. Ouvert il y a un an et des poussières par Marc Longa (ancien journaliste), avec un associé, et un chef de talent, Frédérick Boucher, ce lieu freestyle à mort, au look très sports de glisse donc, mais classieux : épuré, boisé façon surf scandinave, connaît un succès mérité. La recette ? -Un mélange de mixologie (l’art de faire des cocktails) de grande qualité, et de restauration franchement gastro, et au petit point. Témoin, ce déjeuner, donc, en parfaite harmonie mets-vins de Laballe, qui proposa des huîtres bretonnes, bouillon d’anguille, mini concombre et pomelo avec le Sables Fauves blanc 2015 précité : un mariage presque trop raccord! Un délicieux foie gras au torchon audacieusement escorté d’une betterave au goût parfait, ni terreux, ni sucré, riz sauvage soufflé bien croustillant (en écho salutaire au moelleux total du reste) et pourvu d'une pointe de grillé idoine : idéal avec L’Oustig. Un cube de poitrine de cochon laquée à se damner, avec une purée d’aubergines fumée formidable, champignons de Paris marinés, oignon croquant et sésame – sur le Raisin Volé et le Terres Basses, afin d’éprouver le crescendo des deux rouges. Enfin, la poire pochée au vin blanc, faisselle de chèvre (un peu trop épais, pouf-pouf, pas assez chantilly, le chèvre), miel et noisettes correctement torréfiées – avec la Demoiselle de Laballe, à la vivacité de jeune fille espiègle s’échappant à la fraîche dans la pinède… L.M.

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    Domaine Laballe, à Parleboscq 40310.  

    Gravity Bar, 44, rue des Vinaigriers, Paris 10ème 

    Photos de Julie et Cyril Laudet, et des bouteilles : D.R. 

    ALLIANCES :

    téléchargement.jpegQue lire avec tout ça? Le Vieux Saltimbanque, ultime roman de Jim Harrison (disparu en mars dernier), sorte d'autobiographie à la troisième personne d'un immense gourmand de la vie, amateur invétéré de grands vins de Bordeaux, de chasse, de pêche à la mouche, de poésie, et de (sa) femme(s). Flammarion - qui donne9782221192795.jpg envie de reprendre illico son inoubliable Dalva et ses Légendes d'automne (10/18). Et Les lois de l'apogée, de Jean Le Gall (Robert Laffont), roman élégant et fulgurant, incisif et mordant, subtil et délicat, qui dépeint ces trente dernières années, en France, à travers les déambulations littéraro-politico-sensuelles d'un trio infernal. 

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