La bière fait son cinéma
Je publie ce papier dans STUDIO Ciné Live magazine de ce mois-ci.
Nous sommes loin de la Croisette, loin des stars, du strass et des paillettes. Le temps du Festival est derrière nous, l’été est déjà là. Passons au comptoir et dans la salle obscure, ou devant notre écran le temps de quelques films. De brasserie en brasserie, nous allons sillonner en pensée les pays de la bière, à commencer par la Belgique, la Hollande –et surtout Amsterdam, Heineken city-, en nous livrant au jeu des alliances impromptues du septième art et de la cervoise.
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C’est parti : « On va au Winchester, on boit une bonne bière en attendant que les choses se calment ». Cette réplique se trouve dans le film « Shaun Of The Dead». Une pellicule chargée de zombies un rien romantique, signé Edgar Wright, avec Simon Pegg et Nick Frost. Avec une telle toile, c’est une Pelforth brune qu’il faut, ou bien une Tiger, la bière de Singapour.
Car il existe des bières adaptées à chaque type de film : une Heineken, une 33 Export, sont des « mousses » qui conviennent particulièrement bien aux comédies légères et aux films à l’humour qui flirte parfois avec la gaudriole soft. Ce sont ces DVD que l’on regarde par un dimanche après-midi, lorsque l’on revient de la plage, comme « Dix bonnes raisons de te larguer », comédie davantage dramatique que romantique réalisée par Gil Junger (et adaptation contemporaine de « La mégère apprivoisée », de Shakespeare). Dans « Incognito », d’Eric Lavaine, avec le chanteur Bénabar et Frank Dubosc à l’affiche, il y a ce dialogue piquant : « Mais tu peux pas mettre un slip, bordel ?- Pourquoi ?- Bah, je sais pas, tu ne t'es pas dit un moment aujourd'hui, tiens je vais mettre un slip ? (…) - Pas de slip, pas de bière !.. » C’est plutôt drôle, et donc rafraîchissant comme une blonde pression.
Dans un registre voisin, le cultissime « Dîner de cons », de Francis Veber, avec Jacques Villeret et Thierry Lermitte, recèle une perle qui offre une touche gastronomique – n’oublions pas la cuisine à la bière, chère aux Flamands : « Moi mon truc, c'est de rajouter une petite goutte de bière quand j'ai battu les œufs ... - L'adresse, bordel ! » Villeret prend d’ailleurs l’accent belge à plusieurs reprises dans ce film désopilant.
Avec les westerns, il ne faut pas hésiter à déguster une Desperados ! Cela s’impose. S’agissant des films d’aventure, de cape et d’épée ou bien des films historiques qui revisitent des mythes inusables, il y a les bières fortes, un brin rustiques : Murphy’s, comme Foster’s se fiancent allègrement à cet extrait de « Robin des Bois, Prince des voleurs », interprété par un Kevin Costner magistral, dans une réalisation tonitruante que nous devons à Kevin Reynolds : « Le manger est à la portée de tous les imbéciles, mais notre seigneur, dans sa divine sagesse, a prévu une meilleure façon de le consommer. Et levons une prière de remerciement à notre créateur qui, dans sa bonté céleste, nous a donné... la bière. » C’est un hommage! Notons que choisir ici de boire une Affligen, une bière d’abbaye et de légende, serait même « raccord ». Les bières brassées par des moines sont mystérieuses. Et grâce soit rendue aux cisterciens qui inventèrent la bière trappiste. Les bières d'abbaye (bénédictines ou norbertines), sont en revanche brassées de façon « laïque », soit rarement au sein d'une abbaye.
Avec de vieux films devenus des classiques, où les scènes de beuverie abondent, comme « Un singe en hiver », d’Henri Verneuil, interprété par Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo (d’après l’inoubliable roman d’Antoine Blondin), nous pouvons nous laisser aller à choisir des bières toniques et à fort caractère, comme ces trois méditerranéennes : Cruzcampo pour l’Espagne, Moretti pour Italie, Sagres pour le Portugal, et ne pas hésiter non plus à ajouter une larme de Picon dans l’une de ces cervoises : « Le Picon-bière, ça pardonne pas. C'est de ça que mon pauvre papa est mort. Il n'y a rien de plus traître ! » Évidemment, cela reste une réplique. L’exagération est fréquemment de mise, au cinéma.
Avec des comédies déjantées, voire hallucinogènes, qui flirtent avec le genre thriller, comme le célèbre « Las Vegas Parano », il convient de pencher pour des bières rousses, comme George Killian’s et Adelscott. Cette dernière possède une touche particulière car elle est aromatisée au malt à whisky : « On avait une galaxie multicolore de remontants, sédatifs, hilarants, larmoyants, criants, en plus une bouteille de tequila, une bouteille de rhum, une caisse de bières. (…) Non qu'on ait eu besoin de tout ça pour le voyage, mais quand on démarre un plan drogue, la tendance, c'est de repousser toute limite. » Le film de Terry Gilliam n’y va pas de main morte, comme nous savons, et Benicio del Toro comme Johnny Depp y sont de vrais ambassadeurs de notre boisson de prédilection.
Dans « Un jour sans fin », de Harold Ramis avec un Bill Murray formidable et une Andy MacDowell éblouissante, nous avons cette réplique fameuse, qui va si bien à une bière pression servie directement à la maison, à l’aide un Beertender® en forme d’obus, redoutablement chic et chargé d’une blonde classique, pourquoi pas de l'Amstel : « Toute la vie c'est la même chanson, nettoie ta chambre, tiens-toi droit, essuie-toi les pieds, sois un homme, n'embête pas ta sœur , ne mélange jamais la bière et le vin, oh oui, ne conduis jamais sur la voie ferrée. »
Si nous choisissons de voir un dessin animé, une bière sans alcool comme la Buckler est toute désignée. À la rigueur, nous choisirons une Panach’.
Nous repensons alors au Fischermännele, le petit garçon Fischer des plaques émaillées de notre enfance. Il est assis sur un tonneau et vide goulûment une grande chope. Cette bière alsacienne bien houblonnée se prend à la pression et à la hussarde, sans chichis ni cacahuètes, dans la plupart des bars situés au nord du 45è parallèle. C’est la bière parfaite pour regarder un film tendre, un drame psychologique pourvu d’une happy end.
Enfin, la série culte « Dexter », dans laquelle Michael C. Hall interprète Dexter Morgan, expert en médecine légale et assassin de criminels, il y a cette sortie un brin brutale : « D'habitude, je viens ici pour balancer des corps par le fond. Pas des bouteilles de bière comme un gros dégueulasse. » Associons là d’emblée à des bières étrangères aux noms évoquant le septième art : Star, la bière du Nigeria, ou bien Stella, la bière égyptienne, et nous voici aussitôt propulsés sur la piste aux étoiles. L.M.
Pseudo : Enzo Luppolo (houblon, en Italien).