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  • L'âme basque

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    Tel est le titre du long papier introductif (qui suit un bel édito), du numéro spécial Pays basque que publie Pyrénées magazine pour l'été 2013, sous la houlette de Marie Grenier (actuellement en kiosque, couverture ci-dessus). J'y signe aussi Les fêtes de Mauléon, un reportage réalisé en juillet dernier. Ca me fait drôle, car j'ai été rédacteur en chef de Pyrénées magazine et je suis un peu à l'origine de Pays basque magazine. Bon, voilà le truc sur cette indéfinissable âme basque : 


    HSbasque2013_identite.pdf

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    Dans mon pays, on remercie. Ce trait lapidaire de l’immense poète provençal René Char peut s’appliquer à l’âme basque. Ici aussi, on remercie. On reconnaît. On sait reconnaître d’un coup d’œil l’authenticité, on sait distinguer le passager sincère du faisan, on décline l’invitation du bavard, on observe le taiseux, on se toise d’un regard droit comme une pelote bien frappée. La suite appartient au temps. Celui que l’on sait donner sans compter si l’autre se montre digne de. De quoi au juste. Oh, de pas grand-chose de palpable à vrai dire, mais de tellement important, de si capital à la vérité. Un truc, une complicité, un silence éloquent, un partage fort comme un frisson, un truc quoi. Le « ça ». Un je-ne-sais-quoi-de-presque-rien-du-tout, une connivenciaSans ça, tu passes pas, tu restes là, voire tu rebrousses. Tu te casses quoi. C’est ainsi. Ainsi que la mémoire n’est pas trahie par de sournois virus, que le présent n’est pas empégué par de nuisibles invasions, que l’âme peut continuer de se sculpter au fil des jours et des nuits, à la faveur des étoiles et du savoir être de ceux qui remercient. 

    Qu’on ne se méprenne cependant pas : l’excès de méfiance nuit au développement de l’âme, la chose est entendue. Le message est passé. L’esprit n’est plus crispé sur ses traditions réputées intouchables selon une vieille rengaine devenue ringarde. Evoluons, disent les jeunes. On entend, disent les vieux. L’âme épouse l’histoire, bat la mesure de son temps, regarde devant, adossée au tronc de son précieux passé. Le tronc justement. Ce tronc commun qui n’est pas si singulier qu’il en a l’air. Qui force le respect, attire la curiosité. À présent, il convient de définir les contours, de croquer cette âme au fusain à la manière d’un jardinier paysagiste. Car elle est vaste, protéiforme, complexe et d’un bloc, paradoxalement. La nature, tantôt rugueuse, tantôt clémente du Pays a forgé l’âme basque. 

    Demandons-nous s’il est nécessaire de n’être pas Basque pour définir cette essence, à l’instar des historiens subtils de la psychologie sociale des peuples, comme le Britannique Théodore Zeldin qui a su mieux que n’importe quel observateur définir les passions françaises. Mieux vaut être un brin étranger à la cause, ou du moins avoir en soi la distance nécessaire pour pouvoir évaluer un esprit, soupeser cette fameuse âme à défaut de savoir la circonscrire exactement. Toute personne en empathie physique, géographique, sentimentale, ayant des attachements –réputés bien plus forts que d’ordinaires attaches-, avec la terre du Pays basque, peut éprouver des sensations qui touchent à cet impalpable recherché, à ce quasi-indéfinissable. « La voix, c’est ce que l’on a de plus précieux, c’est presque l’âme », me chuchote souvent une amie. Il y a un peu de cela dans l’âme basque. Au-delà du silence essentiel qui en dit long sur l’acceptation de l’un par l’autre, il y a comme une voix, une parole qui chuchote à qui sait écouter, indique le chemin ; montre la voie en somme. 

    Si nous décidons de bâtir notre demeure en terre basque, si celle-ci devient la terre élue comme on le dit d’un peuple, la résidence choisie comme on le dit de l’immigration, un courant certain, fluide et franc surtout, passe. Car c’est sur cette terre à l’âpreté profondément humaine que l’on peut se sentir habiter le monde. Le Pays basque happe. Un mot de Jorge Luis Borgès l’exprime avec une infinie justesse : « J’habitais déjà ici et ensuite j’y suis né ». Grandir, évoluer en terre basque permet d’en ressentir les bonheurs de l’enracinement serein, progressif ; souple. Se frotter aux êtres comme aux éléments permet d’en éprouver leur rigueur et leur exigence. Le Pays basque est une région de confins, ouverte sur le monde avec son balcon atlantique, qui se noie quelque peu dans des cultures cousines du Sud-Ouest et s’adosse aux Pyrénées pour mieux se tenir face aux vents. Ainsi fiance-t-il avec talent paysages et caractères. Le Pays basque s’offre à l’autre en le voyant venir. La vie d’un homme dépend tellement du génie des lieux et du beau hasard des rencontres qu’il convient d’en rater le moins possible. Davantage qu’ailleurs peut-être, le Pays basque sculpte l’autre. Nous y éprouvons avec force le sens de la fidélité et celui du bonheur. Nous y apprenons chaque jour l’amour et l’amitié qui dessinent notre géographie intérieure et délimitent nos frontières affectives. Ce territoire est une aporie heureuse. La chose est rare et par conséquent à préserver. Nous y cherchons ce qui est juste et bien. La tranquillité de l’esprit. Le repos du corps vivifié. La stimulation de la parole, le courage de regarder. 

    Le Pays basque est peuplé de femmes et d’hommes jamais blasés de leur enviable quotidien. Ils s’émerveillent sans forfanterie du pur plaisir d’exister. Cette terre enseigne le dédain du chiqué. Nos frères de joie vivent selon l’humeur des éléments : l’océan, les caprices du climat, la douceur des villages, le vent du Sud qui monte les esprits comme du lait, la montagne qui dit non. Cette façon d’être paysanne –un œil au ciel, l’autre sur la terre et cet instinct de cueilleur –saisir le bonheur, oiseau migrateur, à chaque éclaircie, apparentent l’homme d’ici à un épicurien forcé de limiter ses désirs. C’est pourquoi il est étincelant. Sa manière de vivre est une philosophie de l’instant partagé. Ce n’est pas un sage. Il sait que la parole économise l’action, mais il préfère agir, donner son pays. C’est un passeur. Ici, on s’ouvre à l’autre de manière oblative et sans se mentir à soi-même. L’âme du Pays basque est aussi une morale. Milesker. L.M.

  • boutanches hors-saison


    images.jpegBon. Ca continue. Le temps de chausser les lunettes de soleil pour pouvoir déjeuner en terrasse de choses fraîches (des huîtres et une daurade grillée), que l'orage grondait au loin. Alors, "pop!", nous avons eu juste le temps de déguster à l'apéro un Alsace épatant, le Chasselas 2012 de Paul Blanck avec quelques dés d'un Comté de Marcel Petite affiné 30 mois. Robe or pâle d'un bel effet. Nez charmeur, fort en gueule, exotique, très fruité. Bouche d'une grande fraîcheur et d'une minéralité exacte. Finale épicée (8,50€).

    Puis, re-pop (une fois les huîtres gobées et la daurade servie), nous avons découvert le Blanc de Franc de Couly-Dutheil,
    un sec de Chinon 2012  lightbox_CoulyDutheilBlancDeFrancBlancSec.jpgétonnant. Joli nez de baies sauvages et de fleurs blanches, légèrement épicé en bouche. Ce vin, 
    issu de cabernet-franc (raisin noir à jus blanc) est vinifié comme un blanc. Sa robe est d'ailleurs un chouia rosée. Il provient des premières sorties de presse. C'est un ovni blanc (6,80€).

    images (1).jpegComme il faisait à nouveau gris, froid, qu'il pleuvait jusqu'à plus soif les jours suivants, nous nous sommes risqués sur un grand flacon lourd de Rasteau 2010, ico(o)n pour escorter un gros poulet fermier à la broche qui suinta sur des patates et de l'ail en chemise. Grenache, syrah, mourvèdre composent ce vin d'une concentration et d'une complexité aromatique bluffantes. La Cave de Rasteau en a fait sa cuvée d'élite. ico(o)n est né en 2009 avec le statut de Cru (c'est en 2010 que l'INAO a approuvé le passage des vins rouges secs de Rasteau du statut de Côtes du Rhône Villages à celui de Cru). ico(o)n possède une robe noire et profonde, un nez dense de fruits rouges et noirs bien mûrs avec un accent de garrigue. La bouche est corpulente, puissante même, sans être agressive. C'est précis, compact et néanmoins charmeur. Une réussite (qui vaut quand même 42€).

     

  • Inlassablement

    images.jpeghttp://bit.ly/ La musique sensuelle et lancinante de Georges Delerue, ce générique qui signe l'amour du cinéma, le timbre de la voix de Michel Piccoli (Paul Javal), l'ingénuité légendaire de la diction de Brigitte Bardot (Camille), la mâchoire prédatrice et le regard mongol de Jack Palance, son Alfa Romeo rouge, l'escalier de la villa de Curzio Malaparte, le bleu de la Méditerranée à Capri, le texte désabusé d'Alberto Moravia, Il disprezzoFritz Lang himself, l'Odyssée, les fesses de B.B. bien sûr, les jeux de lumière de la scène culte, la tragique histoire d'un amour qui sombre et puis l'époque, mes parents, mon enfance... Inlassablement Le Mépris de Jean-Luc Godard (: un bien fou). Je t'... t..., t..., t...

     

    Le cinéma, disait André Bazin, substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs. Le Mépris est l'histoire de ce monde. JLG

    Le manuscrit autographe du film, 59 pages écrites de la main de Godard (tous les autres sont des tapuscrits), vient d'être vendu aux enchères pour la somme record de 144.300€ chez Artcurial le 9 juin dernier. C'est un collectionneur français qui en a fait l'acquisition.

  • Erri De Luca

    Numériser.jpgJ'apprends qu'il est presque en tête des ventes en France et qu'il continue de caracoler en Italie. Erri De Luca est devenu un auteur européen phare qui n'en finit plus de raconter les dix-huit premières années de sa vie passées à Naples et à Ischia. Il vit près de Rome depuis et a aujourd'hui la soixantaine sage et rassérénée par de nombreuses randonnées en haute montagne. J'ai lu, ou relu à la faveur de rééditions en 

    images (3).jpegimages (1).jpegimages (2).jpegfolio, pas mal de choses de lui ces derniers temps : En haut à gauche (des nouvelles précieuses sur l'enfance, la liberté, le soleil, les premiers frissons amoureux : tout De Luca est déjà là et c'est paru en 1994), Première heure (le versant mystique de l'auteur, fervent lecteur matinal des Saintes Ecritures -L'auteur publie en outre, au Mercure de France, Les Saintes du scandale : Tamàr, Rahàv, Ruth, Bethsabée, Miriam-Marie, prostituées ou adultères, elles ont transgressé et choqué durablement une chrétienté par trop pudibonde); Le jour avant le bonheur (magnifique roman napolitain qui décrit un jeune orphelin -le double de l'auteur). Et là, j'ai eu par chance à chroniquer son dernier livre au titre si fort : Les poissons ne ferment images (4).jpeg20130504_195517.jpgpas les yeux, pour Télé 7 Jours. La veine de l'enfance n'est pas tarie et rappelle parfois l'écriture d'Elsa Morante (dans l'Île d'Arturo bien sûr et au gré, dans Le monde sauvé par les gamins). L'ancrage à l'île d'Ischia du jeune Erri, incarné par un gamin d'une sensibilité extrême, est là. La sensibilité d'Erri De Luca opère par capillarité, elle est virale et chatoyante à l'intérieur de nous. Le lecteur sort par conséquent de chacun de ses livres comme galvanisé par une douce énergie faite de simplicité solaire, d'épaule salée, de regards profonds, de bonté vraie et de silences amicaux.

    images.jpegJe signale enfin un texte magnifique d'Erri De Luca, sur Les odeurs de Naples, qui paraît dans le n°4 de Long Cours, le "mook" le plus littéraire du moment et le plus subtilement dédié au grand reportage. il y est question de Naples en général et de ses parfums entêtants : les gaz d'échappement, le soufre de Pozzuoli, la bolognaise -une nécessité de produire une odeur, le dimanche; le cirage pour les chaussures et les urines torrentielles des soldats américains de la seconde guerre; le calamar mit à sécher qui servira d'appât pour la pêche, la transpiration de l'auteur mêlée au parfum d'herbe fumée de son amour napolitain enfin, cette fille qui se confondait avec la ville; avec la vie que De Luca aurait pu avoir là-bas...


  • Pourquoi ils vont voir des corridas

    images.jpegLa question méritait (enfin) d'être posée, de s'intéresser à ceux qui peuplent les gradins et non plus seulement à ceux qui jouent leur vie dans l'arène. Ce collectif d'auteurs (textes réunis par Marc Delon, éd. Atlantica) où l'on trouve notamment Francis Marmande, Florence Delay, François Zumbiehl, Guy Lagorce, Jean-Marie Magnan et de nombreux anonymes (instituteurs, kinésithérapeuthes, retraités, collégiens...), exprime les motivations de deux millions de personnes qui vont aux toros en France chaque année. Ce n'est pas rien. J'y ai apporté ma petite pierre, puisque l'éditeur m'a demandé s'il pouvait reprendre un court texte intitulé Invincible, déjà paru dans Philosophie intime du Sud-Ouest (Les Equateurs) et qui évoque ma fille. Le voici :

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  • Hier : 670/4799

    Ce sont les statistiques quotidiennes de ce blog : d'une part le nombre de visiteurs uniques pour la seule journée d'hier : 670. Et d'autre part le nombre de pages vues au cours de cette même journée du 10 juin : 4799. Alors je m'interroge : qui êtes-vous? Qu'avez-vous lu? Retenu? L'écririez-vous ici?