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  • Holder se lâche

    images.jpegLe nouveau recueil de nouvelles d'Eric Holder, Embrasez-moi (le dilettante) est très cul, mais avec tellement de littérature que c'est un délice priapique. Sept nouvelles d'enfilades par surprise, avec des "oh!", les voies et détours de la f(r)iction, un talent fou pour dire la chose et surtout son approche, forcent l'admiration. Car le sujet (littéraire), qui est vieux comme l'écriture ou presque, est périlleux, pour ne pas dire casse-gueule. Holder s'en sort avec maestria, précision, une armada inouïe de métaphores succulentes et une tendresse qui éloigne chaque glissement de toute vulgarité, même s'il saupoudre ses phrases d'une touche de grivoiserie bienvenue. Ses nouvelles sont de petits chefs-d'oeuvre de littérature érotique. On en redemande, après la pause pratique.   

  • Les nuits d'une demoiselle

    Je viens de tomber par hasard sur les paroles de cette chanson en musardant parmi les commentaires laissés sur le blog : http://passouline.blog.lemonde.fr/ 

    Google a vite fait (pour moi) le rapprochement entre le texte et l'existence de sa mise en musique. Voici : http://www.youtube.com/watch?v=UcW4RfhbM88.

    Ne trouvez-vous pas qu'il est touchant, ce mélange de désuétude, de retenue et de presque pudeur dans la voix et dans la diction, pour énumérer de telles choses? Celle qui chante, Colette Renard, morte à l'âge de 86 ans il y a juste un an, est la surprenante interprète, avec ces Nuits d'une demoiselle, d'un éventail de synonymes du Mont de Vénus qui laisse délicieusement coi.

    Paroles : C. Renard, Musique : G. Breton et R. Legrand © Disques Vogue 1963.

  • L'écrivain

    Didier Dagueneau, Marcel Lapierre... Lorsque de grands vignerons s'en vont, nous craignons toujours pour les millésimes à venir, car ceux qu'ils ont écrits et réalisés s'épuisent, à coups de tire-bouchon. Avec les écrivains, c'est plus commode : on peut relire, boire chaque jour. 

    A ce propos, ou presque, connaissez-vous l'écrivain?

    C'est un terme qui désigne aussi un insecte de la famille des coléoptères, qui attaque la vigne en grignotant ses feuilles (voire les baies) et, ce faisant, les découpe en fines lanières sinueuses qui figurent des caractères ; une écriture...

    La poésie de la signification de ce nom m'épate. On appelle l'écrivain le diablotin en Île-de-France, et gribouri en Bourgogne. Et aujourd’hui eumolpe.

    Sa dénomination zoologique fut Bromius vitis, puis Adoxus obscurus, ou  vitis et maintenant Bromius obscurus.

    Le cigarier (Deporaus betulae) désigne un autre insecte, un coléoptère charençon, trapu, cousin de l’écrivain. Celui-ci a le don de rouler les feuilles de vigne afin d’y pondre ses œufs à l’intérieur !

    L’écrivain de la vigne a pratiquement disparu, et avec gribouri, nous n’étions pas loin de gribouillis, d’écrits rabougris ! On combattait l’écrivain en lâchant des poules, des dindes et des pintades à ses trousses. Il est de pires poursuivants… Puis la chimie et ses batteries d’insecticides ont eu raison de lui, sans poésie aucune, dans de nombreuses régions viticoles.

    Reste les écrivains, et parmi eux les poètes, souvenez-vous, au printemps, « de ces drôles de types qui vivent de leur plume ou qui ne vivent pas, c’est selon la saison » (Léo Ferré).

    Et il existe même des « écrivins », espèce plus rare. Ces derniers se piquent d’écrire sur le motif. Parfois, leurs écrits ne sont pas vains. C’est selon leur raison…

    Olivier de Serres, vers 1600, appelait instrumenteur le cigarier, ce génie des cépages qui ne fit pas un tabac chez les vignerons, puisqu’il les mettait en pétard. Ils ont tenté de l’éradiquer parce qu’il desséchait la vigne en la roulant. Il les aura bien enfumés en voulant seulement se reproduire à l’abri...

     

  • Beaucoup de silence pour rien

    images (1).jpegJean-Michel Delacomptée livre un Petit éloge des amoureux du silence (folio 2€) qui serait seulement délicieux s'il n'était pas entâché d'un esprit chagrin qui vire ronchon au fil des pages et qui finit par une plainte primaire, doublée d'un catalogue des nuisances sonores qui polluent notre quotidien urbain et rural. Et l'on se dit, tandis que ce petit livre nous glisse des mains, que son auteur est finalement bruyant, qu'il nous casse les oreilles en énumérant ce qui amplifie nos acouphènes. C'est dommage, car le sujet est beau. Il eut fallut peut-être traiter du silence, pas du bruit...images (2).jpeg

    Dans la même collection, Petit éloge de la première fois, de Vincent Wackenheim, est autrement plus savoureux, espiègle et séduisant. Mais le sujet s'y prête davantage.

  • BU : Grignan-les-Adhémar

    BT GLA Laurine 2010.jpgVous aimez le viognier, sa belle minéralité, ses arômes indirects (via le terroir, le climat, le sol, le sous-sol, l'assemblage, la vinification, bref : le travail de l'homme associé à celui, magistral de la Nature) de pêche blanche, de poire, d'amande douce, de fleur d'acacia, de jasmin, la robe claire et brillante qu'il donne aux vins blancs, la bonne garde qu'il promet et sait tenir? Goûtez-le -même assemblé avec d'autres cépages "accompagnateurs" qui seront là pour le flatter, dans l'appellation Grignan-les-Adhémar (Drôme). Cette petite appellation déjà provençale, où la lavande le dispute à la truffe et à la vigne et où la Marquise deLA DIGNERETTE.jpg Sévigné écrivit tant de lettres (j'ajoute que Grignan est un village associé pour moi au grand poète Philippe Jaccottet, car il y vit et que je le lis et relis sans cesse, avec une émotion égale, depuis l'été 1976), s'appelait jusqu'en 2010 Côteaux-du-Tricastin. Or, la confusion avec la centrale nucléaire éponyme commençait à nuire aux vignerons. Le nom fut changé : voilà les bons vins de Grignan-les-Adhémar. Les blancs sont frais, parfaits sur la charcuterie et les fromages de chèvre. Citons le remarquable Domaine Saint-Luc, cuvée Laurine en 2010, élaboré par les couples Hémard et Cook à La Baume de Transit. Mêmes qualités aromatiques retrouvées au nez et en bouche avec Fleur de vigne 2010, une cuvée des Alyssas, de Laurent Bes, à Clansayes (avec une bouteille étrange et reconnaissable à l'horizon). L'air de famille du terroir est là, même si cette cuvée est composée pour moitié de viognier et de grenache, tandis que Laurine comprend 85% de viognier et 15% de bourboulenc.

    Côté rosés de Grignan-les-Adhémar (là, on est sur des grenache + cinsault et un chouia de syrah, et encore, pas toujours), il n'est pas trop tard pour se régaler -l'été indien arrive! Juillet cumuleDomaine de Grangeneuve - Le Rosé, 2010.jpg avec septembre, cette année!-, voyez du côté du croquant et gourmand vin du Domaine de Montine, cuvée Gourmandises 2010 (70% grenache noir, 20% MAS THEO.jpgsyrah, 10% cinsault) : beaux arômes de fruits rouges frais, une longueur confortable et une fraîcheur persistante, surtout, qui convient aux grillades, aux poissons à la plancha et au jamon serrano. Idem (pour les accords simples au fond du jardin avec les copains, à la tombée du jour) : Domaine du Serre des Vignes, cuvée La Dignerette 2010 : arômes de fruits rouges frais (groseille, notamment), un rosé à tenter sur l'épicé des cuisines thaï, japonaise, ou bien italienne versus all'arrabiata. Enfin, le Mas Théo, cuvée TO 2010, très marqué grenache, idéal sur des salades composées comme on veut, à la fortune du pot, le soir au fond du frigo. Et pour finir le Domaine de Grangeneuve, Le Rosé 2010, élégant et délicatement fruité. Idéal sur un risotto aux chipirons et gambas, une dorade grillée avec un filet d'huile d'olive et de l'ail grillé, et enfin une pannacotta...

    Les blancs n'excèdent pas 10€ et les rosés oscillent à 6€. C'est pas la ruine, l'appellation se refait une virginité, et les jeunes vignerons qui y bossent ont un gniac formidable. Alors allez-y voir. Zou!

  • Rentrée littéraire, suite

    J'ignore vraiment pourquoi je me sens impressionné par la forme (la quantité de pages) davantage que par le fond (les thèmes sont costauds, pour la plupart) de certains livres de cette rentrée : le Reinhardt qui mélange les genres et qui m'attire par son côté sexuel, le Carrère sur le nauséabond et border-line Limonov, qui affichait il y a peu un portrait de Mussolini dans son bureau..., le Grossmann (que je lirai quand même car il semble que ce soit un livre majeur sur l'histoire d'Israel, au delà du sujet extrême du livre : la perte du fils à la guerre et le refus de la mère d'accepter cela -l'ensemble raconté par le père lui-même), le Schneider -je le lirai sans doute, moins à cause du thème du frère perdu, suicidé il y a trente-cinq ans, que pour la prose de l'auteur de "Marilyn, dernières séances", et de "Maman" -sur la mère de Proust. Tous ces livres, et bien d'autres encore, me rebutent un peu.

    Mais allez savoir pourquoi (je ne crains même pas de paraître ringard en écrivant ce qui suit) je n'ai pas cette appréhension devant la énième relecture d'un Dostoïevsky ou de Proust. Peut-être parce que je sais par avance qu'à chaque page une belle phrase me sautera à la gueule avec eux (comme avec le "Journal" de Jules Renard, un poème de Char, une page de Gracq ou les aphorismes de Cioran, en gros), et donc qu'un plaisir du texte me ravira et comblera, à lui seul, ma journée -et qu'avec les autres, je deviens méfiant, rétif, paysan : j'attends de voir. Je sais c'est con, mais qui puis-je! Reconnaissez que j'ose le dire, que je ne crains pas d'avouer cette étrange faiblesse, que j'associe à ma baisse d'aficion (tenez : demain, il y a un mano a mano Castella-Perera à Bayonne avec des toros de Jandilla : cartel de lujo! Eh bien je n'irai pas, c'est comme ça : pas assez le feeling. Perdu, le feeling, té!). Mais de voir quoi, donc ? Je me suis connu plus fonceur, plus découvreur -certes, lorsque c'était mon métier de me "cogner" toute la rentrée littéraire pour un hebdo (oulà, c'était y'a longtemps, ça), j'y allais, mes manches retroussées, et allez! J'en avalais deux-trois chaque jour, car à l'époque il y en avait quand même près de quatre cents au courrier, au total et dès avant l'été -et dès le petit-déjeuner, je me les bouffais tout crus. Puis je sélectionnais, et puis je rédigeais mes pages, je faisais part de mes coups de coeur et de mes coups de gueule...

    Aujourd'hui, je trouve peut-être que "la chair est triste..." Alors, "Rouler", de Christian Oster (L'olivier), me ravit bizarrement car son road-novel de Paris à Marseille ne raconte strictement rien, presque rien, mais-mais que cela produit de la littérature, de la vraie. Si, si. Je me régale avec de petites choses : "Petit éloge de la première fois", de Vincent Wackenheim, "Petit éloge des amoureux du silence", de Jean-Michel Delacomptée (folio 2€, les deux), "Petit dico des vins naturels" de Jean-Charles Botte (Le courrier du livre)  même si ce n'est pas de la littérature, "Les corrections" de Franzen, car je ne l'avais pas lu et que je veux le faire avant de prendre "Freedom" dont tout le monde ne parle plus. Ah, la dure loi de la mode, éphémère, et celle, plus sévère encore, de la vie d'un livre : pffffuuuiiittteuse. (Tu passes un an, six ans, à l'écrire et la presse en parle trois jours de rang et le public suit. Ou ne suivra jamais, sauf quand tu mourras, et alors là : pour trois jours maximum tu en prendras, mon vieux. N'espère pas plus -mais au fond tu t'en fous puisqu'alors tu seras mort...).

    Et vous savez quoi? Aujourd'hui, mon pied littéraire je l'ai pris avec l'album Rimbaud de La Pléiade, paru en 1967 et que j'ai trouvé pour le quart d'une demi poignée de cacahuètes chez un bouquiniste bayonnais qui ignorait qu'il valait plusieurs centaines d'€. C'est pas la question : je me le garde, bordel!  Mais écoutez : l'icono est vieillotte, l'odeur du papier est plus que moisie, les feuilles sont rêches, mais l'atmosphère de Charleville, du Harar, de cette putain d'indépassable "Saison en Enfer" sont là, pregnantes, épousantes. Et j'ai relu dans la foulée mes poèmes préférés d'Arthur, au premier rang desquels je place à jamais "Sensation". Et mon bonheur fut total. Après, je suis descendu à ma pharmacie, comme chaque jour (j'ai nommé ma librairie de quartier) et j'ai trouvé les couvertures pâles, les jaquettes aguichantes comme des pubs pour des bagnoles, et les gens qui passaient à la caisse avec leur Nothomb (j'ai rien contre elle, au fond, mais bon) ou leur Vargas (bon choix!), un rien pathétiques.

    Alors je suis allé m'asseoir dans le micro-jardin public du coin et j'ai lu vous savez quoi?.. "Avec mon meilleur souvenir", de Sagan. Oui! Et j'ai adoré, comme on adore une série genre les experts à miami police chose new york special six feet desesperate Dr who Grey's love truc. Vous voyez le genre? La littérature tient à peu de chose, pour peu qu'on prenne suffisament de distance avec cette satanée morue.