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  • La bande à Ritchie et la faute à Voltaire

    9782732441252.gifRichard Escot, qui dirige le rugby à L'Equipe, oui môssieur! a piloté un diable de bouquin magnifique (les photos ont vraiment le sentido) où les textes de l'ami Benoît Jeantet, d'Escot lui-même et aussi de Catherine Kintzler -philosophe de l'ovale, ou encore de Jacques Rivière, parmi d'autres, sont autant de bijoux taillés par des plumes qui connaissent le sujet de l'intérieur de l'intérieur. Et c'est ce qui singularise Rugby, une passion (La Martinière) de tant d'ouvrages sur le motif. L'esprit rugby est là. Et nulle part ailleurs. Solidarité, humilité, amitié, franchise intérieure, richesse des profondeurs, silences hurleurs et regards qui te toisent, tout est là. Avec style, talent, brio, claquant et classe. Tout simplement.

    Dans un tout autre genre, la correspondance choisie (78 lettres sur 2700 connues) de 9782351220665.jpgJ.J.Rousseau, nous offre un parcours intellectuel et humain, concocté par un hyper-spécialiste, Raymond Trousson. J'y ai particulièrement aimé les lettres d'amour adressées à Mme de Warens, bien sûr, ainsi que les échanges à bazookas mouchetés avec Voltaire... Le plus surprenant est d'y sentir un Rousseau pataud, voire malhabile avec la correspondance, tandis qu'il est, dans le même temps, un écrivain au style magnifique. Inhibition? Paresse? Négligence? J'accuse Rousseau de mépriser parfois son correspondant. Son attitude est volontiers hautaine, et cela nous fait réviser notre jugement sur l'humaniste plébiscité, sur l'apôtre de la Nature et des rêveries d'un promeneur -forcément solitaire... Néanmoins, cette sélection est un pur jus, un concentré de plusieurs épais volumes, et le choix établi nous apparaît -mais comment savoir?- judicieux (éd. Sulliver).

  • Vins, nouveautés en rouge et noir

    genere-miniature.aspx.gifJe signale juste la réimpression, avec une nouvelle maquette très chic, de genere-miniature.aspx.gifMon livre de cave (Le Chêne) dont je suis l'auteur (je n'ai pas encore vu/reçu le livre mais une alerte par mail m'a renvoyé sur cette photo), et la parution de Comment faire sa cave, de Philippe Faure-Brac, car j'en suis le nègre (EPA). 

  • Procida amore mio

    IMG_3332.jpgUne semaine sur l'île de Procida regonfle, donne envie de continuer d'écrire, d'écrire là-bas aussi, à défaut d'y vivre; entre deux balades en scooter d'une plage l'autre, et deux terrasses de restaurants de poissons et de fruits de mer. L'île n'est-elle pas devenue un jardin d'écriture, où Elsa Morante écrivit plusieurs de ses livres, dans la propriété Mazzella di Bosco ou hôtel Eldorado (rebaptisée ll giardino di Elsa), avec ses allées de citronniers qui poussent leur feuillage jusqu'à ce balcon merveilleux, en bord de falaise, au-dessus de la plage de Chiaia et du petit port de la IMG_3346.JPGCorricella,  avec la côte amalfitaine et Capri à l'horizon ? J'en reviens et comme à chacun de mes retours de cette île-querencia, je suis la proie d'une mélancolie tonique, que la lecture de L'isola nomade (adm editoriale, sept. 2010), recueil copertina-194x300.jpgde récits sur Procida rassemblés par Tjuna Notarbartolo, écrivain et présidente du Prix Elsa-Morante, augmente cette fois d'une joie singulière, celle qui rassérène car elle est fleurie de promesses et de bonheurs à venir, encore, bientôt ; là-bas.

    (Peinture de Luigi Nappa, photo LM, couverture du livre et peinture de Roger Chapelet, représentant le s/s Procida...).

     

     

    www.isoladiprocida.it

     

     

    procidaA.jpg

     

     


     

     

     

  • Ardi gasna

    L3816.jpgLe magazine Fromage gourmand m'a demandé un texte sur mon fromage fétiche pour leur rubrique littérature (un écrivain, un fromage) -Pourquoi pas! Le papier est paru hier, extraits :

      

    C’est un fromage de berger et d’amour, nés aux confins du Pays basque et du Béarn, entre les vallées d’Aspe, d’Ossau et de Barétous. C’est avant tout un concentré de saveurs fortes, une compacité unique. L’ardi gasna est enfin un fromage de partage et de rites initiatiques…

    D’abord il y a les courbes sensuelles des douces collines du Pays basque, comme une toile vert cru, salée de brebis qui paissent. Ce sont les Manex (Jean, en Basque) à tête noire qui donnent le meilleur lait dont on fait l’ardi gasna, ou fromage de brebis (le behi gasna désignant celui de vache).

    Puis, il y a les mains d’ange –épaisses, du berger qui sculpte les tommes comme un potier amoureux.

    Après il y a le couteau pour gratter la croûte et respirer une poudre qui doit sentir la fraîcheur animale de la bergerie, avec sa paille souillée, ses senteurs sauvages. C’est ainsi que l’on détecte, à l’instar d’un melon par la queue, l’ardi gasna « de respect ».

    Enfin, il y a la tranche dense, compacte, de préférence sans trous, pâle et légèrement collante du fromage lui-même.

    Ardi gasna, donc. J’ai toujours envie d’aspirer un « h » devant, tant ce fromage de brebis réveille les papilles et chante en moi lorsque je le déguste. Hardi, petit !

    L’ardi gasna possède son AOC : Ossau-Iraty. C’est un peu le même en vallée d’Aspe. Question de versant, de variétés de brebis et de savoir-faire. Nous sommes toujours en pays 64 !

    Ma préférence va à celui que font les bergers reclus au cœur des vallées souletines, du côté de Larrau, à l’aplomb de l’immense hêtraie d’Iraty. Fromage à pâte mi-dure, pressée et non cuite, à croûte naturelle, au lait cru entier de brebis, l’ardi gasna se déguste de préférence en altitude, le cul sur une motte, la tête baignée par le vent du Sud, Aïce Hegoa, un opinel en main. Du pain (préférez la fougasse de Tardets, au virage de l’entrée du village), du vin d’Irouléguy ou de Navarre. Eventuellement un petit pot de confiture de cerises noires de Mayalen, à Bidarray et zou !

    Le plaisir est entier, qui doit si peu au paysage féerique, à l’atmosphère envoûtante, tant ce fromage est DSCF6095.JPGun délice. D’estive, il est plus tendre. Sec, il est fort comme la montagne à l’automne, lorsque la hêtraie fait pâlir d’envie les images du couvert canadien au cours de l’été indien. Une confrérie de l’Ardi Gasna tient chapitre chaque année à Saint-Jean-Pied-de-Port. J’y fus intronisé un matin de septembre (sans doute parce que j’étais alors rédacteur en chef de « GaultMillau »), juste avant un déjeuner d’anthologie chez Firmin Arrambide, aux « Pyrénées », et une corrida bayonnaise de la feria de l’Atlantique, dont on fit un fromage à l’heure de la tertulia, ce moment exquis où l’on refait le monde de la tauromachie, gestes à l’appui, verre de fino en main, avant d’aller dîner quelque part…

    L’ardi gasna symbolise à mes yeux le partage. C’est le fromage que l’on se passe comme un ballon de rugby.

    C’est la tranche que l’on coupe et que l’on tend du plat du couteau à l’ami, au cours d’une randonnée, ou d’une partie de pêche à la truite, d’une balade ornitho, ou bien à la plage, à l’automne, quand il n’y a plus que des surfeurs en combi dans l’eau froide.

    L’ardi gasna, c’est la promesse de l’aube dans la campagne givrée qui sent le cèpe. C’est aussi l’envie de lui choisir le meilleur pain, le meilleur vin, pour le rendre encore plus beau et lui faire davantage plaisir.

    Mon dernier grand souvenir de dégustation d’un ardi gasna par ailleurs exceptionnel, remonte à l’été dernier. In situ ! Soit sur les cols qui dominent la forêt d’Iraty. Je me trouvais à randonner avec mes deux enfants et Jey, le petit ami de ma fille. Marine, 21 ans, adore les formages depuis qu’elle sait parler et elle a longtemps composé son petit-déjeuner d’enfant de deux ou trois vrais cabécous ! C’est dire si le brebis lui parle aussi. Mon fils Robin, 18 ans, comme beaucoup de jeunes garçons, ai-je constaté (j’en fus) détestait le fromage (à l’exception de la vraie mozzarella dans la salade de tomates et du gruyère râpé maison dans les pâtes), jusqu’à ce jour béni de juillet où il consentit à mordre dans un morceau d’ardi gasna découpé par mes soins et tendu comme une offrande : « Tiens, allez ! Goûte enfin ! »

    Etait-ce le paysage –à couper le souffle comme on dit, avec le Pic d’Orhy en fond, la vallée de Larrau en contrebas, des vautours qui planaient dans le ciel bleu ? Etait-ce le crapahut (et l’excellent jambon iberico pata negra) qui avaient précédé le geste ?.. Toujours est-il qu’il découvrit ainsi le plaisir du fromage. Une photo a immortalisé le moment car, dans notre famille, on ne plaisante pas avec les bonnes choses.

    L.M.

     

  • Où est-il?

    IMG_1396.jpg<== : Voici ce qu'il reste d'un torero d'une classe rarissime, aujourd'hui chaque fois plus décevant. Sebastian ne torée plus vraiment depuis deux saisons. Souhaitons qu'il réfléchisse à son retour...

    IMG_1427.JPGIMG_1389.JPGIMG_1363.jpg(Photos prises avec mon iPhone : Sebastian Castella, Mateo Julian, novillero prometteur, Dax, samedi 11. Arènes de Bayonne, samedi 4)

    José Bergamin (La solitude sonore du toreo, Verdier/poche) :  Parce qu’elle est émotion et parce qu’elle est torera, l’émotion torera est magique.

    Tout ce qui est art, jeu, fête, dans le toreo, appartient au monde magique de l’émotion. Le cercle magique des arènes l’inscrit dans l’ensemble de ses éléments. Les barrières de bois le dessinent sur le sable, la toiture le découpe dans le ciel. Et tout ce qui demeure à l’intérieur de ce rond, dans son espace déterminé, appartient au monde magique de l’émotion, horrible ou merveilleux, selon l’objet qui le motive. De telle sorte que le véritablement horrible ou merveilleux disparaît quand se rompt le cercle magique, soit, comme dirait Sartre : « Quand nous construisons sur ce monde magique des superstructures rationnelles, car ce sont elles alors qui sont éphémères et sans équilibre, elles qui laborieusement construites par la raison se défont et s’écroulent, laissant l’homme brusquement replongé dans la magie originelle.» Pour celui qui contemple le monde magique du toreo existent ces deux formes d’émotion signalées par Sartre : celle que nous construisons et celle qui nous est brusquement révélée. C’est ainsi qu’il arrive, dans le toreo comme dans la danse  – surtout la danse sacrée et cette part de sacré qu’il y a dans le flamenco –, que l’émotion magique surpasse prodigieusement ou sublime leur réalité vivante. Exemple souvent cité par moi que celui de la danse, et Sartre aussi l’évoque, je crois me souvenir, dans sa Théorie des émotions : quand le symbolisme du sexe pour la danseuse, de la mort pour le torero, transcendant son instinctive motivation, transforme ou transfigure le désir ou la peur. Dans le spectacle magique de la course, la présence de la mort est exclusivement liée au taureau tandis que les lumières de la raison irrationnelle, s’allumant et s’éteignant sur son habit, masquent d’immortalité le torero. Dès qu’un torero nous exprime volontairement ou involontairement sa vaillance ou sa peur, l’émotion magique de son art s’évanouit. Car l’émotion du toreo relève exclusivement de l’art. Le spectateur qui s’émeut d’autre chose le détruit, en lui substituant une sorte de pornographie mortelle qui le transforme lui-même en masochiste suicidaire et en assassin sadique : tendances évidemment imaginaires, ignorées de lui, qui ne sent que plaisir et douleur frustrés, comme dans un inconscient fantasme d’onanisme...

  • la grâce

    IMG_1425.JPGC'est un refrain : il faut en voir beaucoup pour... Ainsi ces derniers jours, aux arènes de Bayonne et de Dax, parfois matin et soir...

    Celles de Dax furent hier le théâtre d'une corrida vraiment exceptionnelle. Qu'importe même les 8 oreilles et la queue (il faut remonter à 99 pour en trouver une dans ce ruedo, attribuée à Ponce -là, ce fut à un Juli au faîte de sa maîtrise qu'elle fut accordée sans réserve), car il s'agissait de grâce, et surtout de toros (de Victoriano del Rio) absolument magnifiques, nobles, encastés jusqu'aux diamants et d'une alegria générale qui habita El Cid -au toreo profond, El Juli "al tope", et Morante de la Puebla, plus authentiquement torero qu'un siècle de tardes. Depuis le callejon, les cheveux caressés par Alain et Nicole Dutournier en barrera à l'aplomb, il ne manquait à notre plaisir dévastateur, qu'una copita de ce Costières de Nîmes rouge Clos des Boutes, Les Fagnes 2009, qui présente un mélange magique de boisé discret, de fruité intense, de persistance et d'élégance, avec un chocolaté subtil (entre le noir d'ayatollah de l'amer et le lacté de l'hédoniste qui sait tout du snobisme). Olé, donc.

    Photo prise avec le téléphone.