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Brautigan, en mémoire de Christian Bourgois

Nous le savions si malade. Christian Bourgois apparaissait encore, rarement, terriblement amaigri, mais vêtu d'une impeccable dignité. Sans faux-pli. Hasard ou pas, hier matin, j'ai acheté la presse et, dans la foulée, "Mémoires sauvées du vent", de Richard Brautigan (10/18), un grand auteur parmi tant d'autres, offerts au lecteur français par Christian Bourgois*. Ce n'est qu'après avoir découvert l'extraordinaire première page de ce livre que j'ai appris la disparition de Bourgois, en lisant dans Libé et dans Le  Monde, les deux beaux papiers qui étaient consacrés à l'un des derniers grands éditeurs français. Je me suis souvenu du jour où il m'avait amicalement offert les "Aventures d'un gourmand vagabond" de Big Jim (Harrison). Nous avions déjeuné et parlé abondamment de gastronomie et de littérature. Il avait été l'éditeur du tout premier Guide GaultMillau, paru chez Julliard à l'époque (lors de ce déjeuner, en 2002 ou 3, je pilotais alors la machine GM). Ce grand découvreur, ce "passeur" comme le souligne Libé, aura tant fait pour notre bonheur. Donc, Brautigan, qu'il publia et rencontra peu avant son suicide. Je suis émerveillé par le début de ces "mémoires" si célèbres et que je suis si heureux de découvrir aujourd'hui seulement. Voici donc leur première page:

"J'ignorais, cet après-midi-là, que la terre attendît de se changer à nouveau en tombe quelques brèves journées plus tard. Dommage que je n'aie pu arrêter la balle dans sa course et la remettre dans le canon de la 22 long rifle pour qu'elle reparcoure en sens inverse la spirale, réintègre le chargeur et se resolidarise avec la douille, se conduise enfin comme si on ne l'avait jamais tirée ni même chargée dans la carabine.
Je voudrais bien que cette balle rejoigne dans sa boîte ses quarante-neuf autres frères et soeurs de balles, que la boîte soit de nouveau en sécurité sur l'étagère de l'armurerie, et m'être contenter de passer devant la boutique en cet après-midi pluvieux de février sans jamais y pénétrer.
Je voudrais bien avoir eu envie d'un hamburger au lieu de balles. Il y avait un restaurant tout à côté de l'armurerie. On y faisait de très bons hamburgers, mais je n'avais pas faim."

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*merci à Benoît Jeantet de m'avoir donné envie de lire ce livre, culte pour lui, je crois. 

Commentaires

  • culte en effet, et encore le mot est faible...c'est par hasard et grâce à certain ami régisseur de cinéma, le genre de régisseur aujourd'hui dir prod qui aime les livres d'une façon incroyablement charnelle, un peu comme vous. Brautigan, j'éprouvais un peu de éticence à son endroit. quelque idiot fan des post modernes ( quand c'est Dustan ok; quand c'est le beig et ses 99 merdes) avait du me prevenir contre cette soit disant littérature de feu rouge. Il parlait il me semble de "la pêche à la truite en amérique et de "sucre de pastèque" ( peu importe aujourd'hui nous ommes fâchés...pour de faux, ça fait plus péremptoirre, le type qui mégote pas avec la littérature tout ça) "Sucre de pastéque "que je relis depuis un mois ( peux pas me défaire des livres de Brautigan, sale période de doute où l'on régresse vers les livres amis;, ceux-là même qui vous réconfortent et par bien des façons, vous paralysent tout autant) mais je perds le fil... ah oui, Certain ami régisseur de cinéma et dir prod aujourd'ui qui eut fait and so on and so on, me confie un étrange paquet " tiens lis-ça et à al semaine prochaine" ça se passe toujours ainsi entre nous, un régiseur de ciné c'est toujours pressé. Et dans le paquet, aussi bien on dirait package, je tombais sur un privé à Babylone" , 1er leçon, soit l'art pasticher le polar par Brautigan, élevé en art majeur, Tokyo montana express, regorgeant d'un tas de nouvelles-haikus, merveille de poésie et de cocasse, et puis Mémoires sauvées du vent où le ton change du tout au tout, un ton et un style faussement enfantin, le tout au service d'une poésie au fond pas si minimaliste puisque à chaque page jaillisse un flot d'images d'une force évocatrice...tu sais quoi, en le relisant à tout coup, ça ne manque jamais, je pleure...

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