Journal amoureux, Dominique Rolin
Reprendre le « Journal amoureux » de l’inoubliable Dominique Rolin, planqué dans mes rayonnages, si mince, parmi des exégèses diverses de Proust – tiens !, et tout Georges Henein – c’est mieux. Quoique. Il y a une espèce de logique que je ne contrôle pas toujours sur ces étagères, comme si de facétieuses laminak s'amusaient à rebattre les cartes tandis que je lis dans une autre pièce...
L’éphéméride sans date – ce sont les plus beaux, de l’amour immense pour Philippe Sollers, vingt-quatre ans de moins qu’elle. Le diable au corps. Le diable par la queue... Une curieuse solitude, aussi. Ils se plaisent. N’ont rien de spécial à se dire au début. Tout à faire. Quand donc cesserai-je d’être jeune, se disent-ils. Il est de souche bordelaise, elle est enracinée en Belgique. Il commence à écrire. Elle, continue. Bons qu’à ça. Jim (son nom dans le livre – à cause de Joyce) demeure une clandestine révélation magnétique. Un homme qui sait vouloir. Ils se mangent des yeux lorsqu’ils dînent, dégustent de grands vins en silence par respect pour la musique qui passe, les enveloppe jusqu’aux draps odorants, pas loin. Écrire, c’est aimer. Écrire, c’est être aimé, dit-elle. Tellement, si crument vrai. Venise devient leur lanterne magique. Le lieu majeur de rendez-vous des corps à cœur. Là où le vin rouge les chauffe à blanc. Même lorsqu’il achève un cigare, surtout quand il en fume un peut-être, achever le livre en cours, le sien, l’autre, puisqu’ils ne cessent d’avancer en littérature, peuvent, doivent attendre. Il est pourtant, déjà, une canaille sentimentale. Elle n’en a cure puisqu’elle l’aime étrangement. Ces deux-là ont constamment faim et soif d’amour et ils s’en repaissent ou bien se goinfrent, ne se retiennent jamais ; et c’est si beau. Elle se retourne dans les draps. S’il est là, elle pose un baiser dans son cou. S’il n’est pas là, elle baise le traversin. Simple. Une fluidité si enviable. L.M.