Martin Eden
Les anniversaires et les commémorations sont une aubaine pour les traducteurs, car de nouvelles versions fleurissent alors, qui sont présentées comme révolutionnaires par leurs éditeurs - ces nouveaux artistes du marketing qui en oublient parfois que la littérature est d'abord affaire de sensibilité. Ainsi, au hasard, de Jack London, dont on fête le centenaire de la mort (22 novembre 1916). Je tiens là, la nouvelle traduction de son chef d'oeuvre, à mes yeux : Martin Eden, l'autobiographie qui permet de comprendre tout son oeuvre. Elle est signée (et préfacée) de et par Philippe Jaworski, et elle est disponible en folio. J'ai comparé, comme chaque fois que ce genre d'occasion se présente, avec la traduction de Claude Cendrée (10/18, qui a plus de quarante ans, et qui est ornée d'une superbe préface de Francis Lacassin). Les deux premières photos jointes sont celles de l'incipit et des phrases suivantes. Celle qui commence par Arthur est de Cendrée. Je vous laisse juger. Personnellement, je trouve l'ancienne plus littéraire, elle m'emporte davantage et m'engage illico dans le livre du grand London. L'autre me semble opportuniste, comme si elle voulait faire djeuns. Vous avez le choix. L'essentiel est de relire J.L. Construire un feu, et - pour les gamins, de les faire rêver à bloc en leur lisant le soir, et du mieux que l'on peut, L'Appel de la forêt, Croc-Blanc et autres bijoux empreints de nature sauvage...
Alors, est-il bien nécessaire de re-traduire? Parfois, c'est indispensable, parfois on pourrait s'en passer. C'est selon. Pour Dostoïevsky (reloaded par Actes Sud), on pouvait s'en passer. Pour Conrad (décapé par Autrement), c'était salutaire. Pour Le vieil homme et la mer, on brûle d'impatience de voir cette foutue traduction de Jean Dutourd, la seule autorisée en Français, naze à pleurer, passer à la trappe lorsque Papa Hem' entrera dans le Domaine public!.. Oui, c'est selon, et même au cas par cas. L.M.
Alliances :
Que boire avec ça? Chemin de Moscou, du domaine Gayda, (Pays d'Oc, 2013, en magnum), d'une grande finesse, sous ses allures bourrues. Ca va bien avec le bourguignon de joue que je viens d'éteindre et qui mijotait depuis trois ou quatre heures... ¡Me alegro!