Aurore Casanova
Papier paru mercredi dans le Spécial Vins et Champagnes (juin) 2015 de L'EXPRESS. (Le sujet fait d'ailleurs la couv.)
Aux kiosques, citoyens!
LE ROSÉ DE LA BELLE AURORE
Aurore Casanova est une toute jeune vigneronne qui produit un champagne rosé de caractère sur la montagne de Reims.
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Au sein de la bannière fédératrice des “Champagnes de Vignerons” (du Syndicat général des vignerons de la Champagne), qui désigne une immense famille de plusieurs milliers de vignerons, offre tout et son contraire, le meilleur comme le pire. Cette diversité extraordinaire est à la fois une chance et un inconvénient. Saisissons-là comme l’opportunité de jouer à la loterie, ce risque douillet qui réserve de jolies surprises. Ainsi, du champagne Aurore Casanova. Le nom, déjà, invite à gober une huître dans le corsage d’une Vénitienne, à l’heure où blanchit la place Saint-Marc... Puisque c’est uniquement ainsi que le célèbre libertin lettré mangeait ses bivalves. Aurore Casanova est le patronyme d’une jeune vigneronne – elle est née en 1987 -, l’âge des chardonnays de l’hectare cinquante-deux de sa propriété. Les pinot noirs, qui représentent deux tiers de la surface, sont à peine moins jeunes, puisqu’ils ont été plantés en 1968. Après qu’elle ait suivi des études d’oenologie, ce précieux terroir lui a été confié par sa mère – son père n’étant pas intéressé par le sujet. Les premiers résultats sont enchanteurs, surtout sur la cuvée de champagne rosé (le domaine propose aussi un blanc). La robe délicatement saumonée (50% chardonnay, 35% pinot noir et 15% pinot meunier), le cordon mince de ses très fines bulles, son nez vif de fruits rouges comme la fraise fraîche et juteuse, cette touche vanillée au second nez, et puis cette bouche intense, qui possède ampleur et amplitude, et où nous devinons le travail serein du chêne, en font un rosé à boire seul, pour lui-même, d’abord. 400 bouteilles (26€) à peine sortent du domaine – autant dire que l’adjectif confidentiel n’a jamais aussi bien apposé au mot cuvée. La propriété, qui s’inscrit dans une démarche environnementale et durable – Aurore Casanova s’inspire même de certains principes de la culture en biodynamie-, est située sur le vaste et beau terroir de la Montagne de Reims. Cependant, ce flacon à l’étiquette chic, où l’on devine un masque vénitien en forme de coeur percé d’yeux, goûté sur la cuisine très (trop) élaborée du chef Akrame Benallal un soir de février dernier, sait escorter avec maestria certains mets, et il excelle sur les saveurs qui ne s’en laissent pas compter, d’ordinaire. Si le rosé d’Aurore Casanova n’aime en revanche pas se fiancer avec les champignons (on le comprend), il ne déteste pas se frotter à un poisson blanc et ferme comme la lotte, voire sur une viande rouge très saignante ) capable de révéler sa puissance. Le rosé d’Aurore Casanova possède autant de caractère que sa jeune propriétaire, ex-danseuse classique et néovigneronne qui sait ce qu’elle veut. Léon Mazzella
Photo : © Dominique Bruneau