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Deux manuels fondamentaux

Longtemps je me suis levé de bonne heure. Pour aller à la rencontre de l'aube. Et de la nature la plus sauvage possible. Pour être en contact avec ce qui subsiste de nature animale au fond de moi et qui fait battre mon coeur plus fort qu'à n'importe quel autre moment de la vie (à une exception près, que chacun vient de deviner). Croiser le regard d'un grand mammifère, tutoyer les oiseaux, approcher, toujours, me fondre, déjouer les ruses, devenir soi-même animal au point de pouvoir reléguer le Sioux au rayon Folklore, tenter de toucher un gros animal de la main -ce que je suis parvenu à faire, tout cela a toujours constitué l'une des plus grandes joies de mon existence, depuis l'âge de dix ans et des poussières. Pour parfaire mes connaissances, notamment celle des oiseaux, que je voulais sans faille, j'avais toujours avec moi un exemplaire en poche, puis dans la boîte à gants de la voiture et un autre au pied de mon lit, du "Peterson". J'ai nommé Le Guide des oiseaux de France et d'Europe, de R. Peterson, G. Mountfort, P.A.D. Hollom et P. Géroudet (éd. Delachaux et Niestlé). Ma bible (avec la poésie de Char dans le registre du mot et la prose de Gracq dans celui de la phrase). Puis, vers l'âge de quarante ans, j'ai commencé à m'intéresser de près à la psychologie de mes congénères directs, les êtres humains. Et au-delà des rencontres quotidiennes que nous faisons tous lorsque nous ne vivons pas sur le Mont Athos, rencontres devenues plus récurrentes car le cours de ma vie m'obligea à fréquenter avec moins d'assiduité que je l'eus voulu, et le monde animal et le Sauvage dans son entier, j'ai trouvé un manuel à mes yeux indépassable de la psychologie humaine : A la recherche du temps perdu. Car tout est dans Proust, s'agissant des sentiments. Absolument tout. La magie opère chaque fois que j'ouvre n'importe lequel des trois volumes, déjà usés, de ma Recherche en Pléiade, par bonheur dispensés du roboratif attirail critique dont les éditions postérieures à la mienne ont été plombées jusqu'au grotesque. (Je ne redirai jamais assez que l'Université a partie liée avec la chirurgie et son manque singulier, voire affligeant, de poésie). Ainsi, d'une page l'autre, toujours au hasard -à l'instar du feuilletage qui convient au Journal de Jules Renard, j'affine chaque jour davantage ma connaissance de ce drôle d'oiseau qu'est l'homme lorsqu'il est en société, en picorant seulement Proust à la manière d'une poule (suivant en cela un précepte de lecture indiqué par Montaigne). Et si le Peterson ne m'a pas quitté, je ne l'ouvre plus guère car je pense le connaître par coeur, sans forfanterie. Le second manuel cité m'est un bréviaire, un viatique, une source de plaisir aussi précieuse à mes yeux de néophyte du sujet, encore, que peuvent l'être le blanc du givre et le bleu du ciel, un matin de novembre, afin qu'une aube devienne un chef d'oeuvre, pour peu qu'un bouquet d'oiseaux ou un sanglier solitaire jaillissent devant moi, surpris.

Commentaires

  • comme c'est bien votre pensée ! Leo a eu bien raison de vous mettre dans ses liens. J'aime beaucoup ces trois livres. Oui les oiseaux, les oiseaux, les oiseaux. Itou pour les deux autres. Merci Léon.

  • Merci. Mais qui est Leo?

  • c'est Leo Nemo-... Annaorlova.... Un roman de l'éternité...
    Les livres , à gauche, c'est vous qui les avez 2crits ? Lequel est le plus important pour vous ?

  • Oui, c'est moi. Il y en a plusieurs, car ils correspondent à des genres différents. "Flamenca" pour le roman, "Les bonheurs de l'aube" pour les nouvelles, "Femmes de soie" pour la poésie, "Je l'aime encore" pour le récit, "Philosophie intime du Sud-Ouest" pour l'essai.

  • Merci. J'ai bien envie de tenter la traversée des nouvelles pour m'habituer à votre façon d'écrire, le rythme de vos phrases, l'ambiance de votre imaginaire. Donc je vais commander les bonheurs de l'aube. J'aime ce moment incroyable où la nuit s'efface devant le jour. Il semble que vos aubes aient fait bien des voyages... Et puis je vous dirai.
    amicalement

  • Vous me donnerez votre sentiment, après avoir lu mes petits et grands bonheurs matinaux...

  • J'ai beaucoup aimé "Les bonheurs de l'aube". Nombreuses sont les nouvelles construites autour d'une attente, d'une rencontre et d'un effacement dans l'éblouissement. Les bêtes y sont magnifiques, fières, puissantes, dotées d'un pouvoir de divination de la pensée de l'homme. La nature grandiose, sauvage, inviolée. Une belle traversée pour une lectrice.

  • Merci, encore merci... L'idée, c'est de retrouver en moi la part animale enfouie. J'y suis parvenu, à pas mal de reprises, en me frottant au plus près de la vraie vie sauvage. Ce sont là les plus grands bonheurs de ma vie, avec l'Amour (d'une femme, des enfants).

  • Quand je descends dans la mémoire de votre blog je me sens Alice. Je tombe très lentement car c'est un voyage qui n'a pas de fin....

  • Quelle lectrice archiviste vous faites! Merci, en bloc, pour tous ces commentaires sur des notes passées, chère Christiane. Ainsi que pour votre assiduité à KallyVasco -qui m'honore singulièrement.

  • C'est ma façon d'être ! D'abord, j'ai échangé avec vous sur les billets du jour puis, ayant trouvé goût à notre dialogue, j'ai multiplié et allongé mes commentaires. Cer derniers temps votre parole se contracte et la coquille de votre écriture se ferme un peu comme un qui a besoin de silence. Aussi, je me sens libre et curieuse comme Alice pour explorer ce terrier où est passé un lapin qui a peur d'être en retard mais s'arrête quand même pour regarder sa montre.
    Et là, dans mes haltes je découvre un ami qui n'est pas seulement l'auteur des quelques billets (percutants) que j'avais lus mais aussi un homme de profonde réflexion qu'il faut lire sans hâte, sans divaguer dans dans de longs commentaires ; juste garder le gouvernail de la barque bien en main et suivre le courant où se laisser aller à l'improvisation du hasard.
    Densité et rareté, voilà ce que pense Alice.

  • e viens de lire (tardivement) cette très belle page.
    Merci.
    (Voir ce que dit François Fédier à propos du terme "voir" dans son excellent "Regarder, voir").
    Une famille de pensée à laquelle vous appartenez et qui, enfin, commence à se faire (ré)entendre.
    DS

  • Fédier! Oui. Bien sûr. Pas assez lu, si peu même (sauf sur le "commerce" entre Hölderlin et Heidegger). Je vais me diriger vers son "Regarder, voir" dès-tout-de-suite : ah, Internet. Merci double (pour votre lecture et de ce conseil de lecture).

  • J'ajoute, chère Dominique Sewane, que le regard me préoccupe au point de lui avoir consacré un tout petit ouvrage (épuisé) : "Regards".
    J'ai trouvé un extrait du livre de Fédier (déjà commandé -hop!) sur la Toile : c'est bon dès les premiers mots...

  • Un autre, de François Fédier, un mince volume, joli à voir : "La voix de l'ami".
    Je vais rechercher votre livre sur internet et le commander.

  • Merci (pour "Les bonheurs de l'aube"). En attendant de recevoir "Regarder, voir", je viens d'acheter "L'art en liberté" (les cours de philosophie et quelques conférences de Fédier). Et en lisant des extraits de "Voix de l'ami" sur la Toile, je m'aperçois qu'il évoque notamment Montaigne et La Boétie : Miam...

  • C'est drôle, je viens juste de recevoir "l'art en liberté" de F. Fédier, commandé avant-hier.
    Comme quoi.

  • oui, comme quoi...

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