MonTirius, Vacqueyras
Une fois n'est pas coutume : l'été, je suis rosé et blanc et cet été davantage rosé que blanc. Mais là, il s'agit d'un rouge. D'un Vacqueyras. J'adore cette AOC (je fus d'ailleurs intronisé en son sein en 1996 ou 97), située au pied du Mont Ventoux et aux abords des Dentelles de Montmirail, là où l'on éprouve Pétrarque et où l'on entend la voix grave et puissante de René Char, rien qu'en foulant le sol aride, en recevant avec bonheur une gifle de mistral et en observant les vieux pieds, noirs et noueux, de syrah, de mourvèdre et de grenache. MonTirius (élaboré par Christine et Eric Sorel) est un vacqueyras rare, car élevé en agriculture biodynamique et 100% non boisé. Il est composé de 70% de grenache et de 30% de syrah, des vignes d'un demi-siècle qui plantent leurs racines dans un sol de garrigues (Garrigues est d'ailleurs le nom de la cuvée dégustée) argilo-calcaires et des poches de marnes argileuses bleues réputées difficiles à pénétrer. Le vin est bichonné, après une éraflage total, un léger foulage et une préfermentation à froid. Ses levures sont indigènes et son nez profond comme un tombeau baudelairien. Les fruits rouges et noirs (comme la robe de ce vin) se disputent vos narines et, en bouche, l'attaque est féline, vive et douce à la fois. J'y ai retrouvé la fraîcheur de la garrigue à l'aube et le sous-bois d'arrière-septembre, lorsque le cèpe parvient à nous faire oublier la grive. Un magret de canard l'escorta, hier soir. L'audacieux MonTirius releva avec superbe ma provocation en forme de poudre de piment d'Espelette, versée d'abondance. Pour voir. Et j'ai vu. Et bu. Ceci est un vin de plaisir et de partage. Un vin de copains. Franc, droit, il ne se la joue pas et c'est pour cela qu'on l'aime.
Commentaires
Bon je sais pas si c'est un tricheur vot pinard mais je sais que y a pas mal de filou à partir de Mâcon jusqu'à la mer. Si c'est le sud ouest je suis pas compétent, mais à voir comment nous la tricotez, je suis méfiant. Bourguignon donc. Je vous apprends donc ce que nous savons depuis les grecs dans ma famille à savoir qu'un vin n'est intéressant que par l'ivresse qu'il procure, et de ça vous causez pas lourd. franche et droite, pour une ivresse... vous manquez de copains?
Tout comme toi, l'été je suis définitivement rosé. Toujours est-il, que ton Vacqueyras, tu me donnes vraiment envie de le goûter. Tu parles toujours aussi bien des choses et des gens que tu aimes...
Merci Pierrot! Toi aussi, d'ailleurs...
A propos de rosé et blanc, l'été, j'ai oublié de dire que je suis également, en cette saison, (vêtu de) rouge et blanc, mais pour les ferias de Bayonne, de Dax et d'ailleurs!..
Précision : ce Vacqueyras, tu le trouveras chez Monoprix.
J'aime beaucoup ce billet. Loin des livres, des rumeurs de la rentrée. C'est un voyage du palais (goût) à la terre qui a donné force et patience à ces ceps. Car c'est long à attendre le premier raisin d'une vigne et c'est toujours un deuil quand elle meurt. Je ne crois pas que le plaisir du vin soit ivresse mais joie de lier une saveur à un travail humble et difficile : élever un vin.
Puis vient - comme vous l'évoquez- le temps de la fête ouvrir une telle bouteille avec des amis et sentir, non l'ivresse, mais une joie de partage.
J'aime aussi comme vous allez à la rencontre de cette terre que j'aime et de ces paysages. Pourquoi écrivez-vous "là où on éprouve Pétrarque" ? (A vrai dire ce n'est pas une réponse que j'attends mais que vous alliez plus profond dans l'échancrure de cette pensée).
Enfin, retrouver une "fraîcheur d'aube" dans un vin... là, est invité le solitaire bonheur de ces matins du monde.
Et l'odeur des vignes , la nuit, quand le raisin repose et que les guêpes dorment. Le travail de la rosée juste avant l'aube.
Mon grand père était vigneron en Provence... Ce texte m'émeut, terriblement.
C'est un vin, c'est plus qu'un vin, c'est une amitié avec le monde et c'est beau.
... Quand le raisin repose et que les guêpes dorment. Je ressens aussitôt le collant des baies sucrées et attaquées par des insectes au vol saoul.
SI votre grand-père était vigneron en Provence, j'ai tapé juste sans le savoir et je comprends que vous soyez si touchée, Christiane. A la vérité, j'écris régulièrement et depuis plus de vingt ans sur les vins, dans des magazines spécialisés ou généralistes. Mais il m'arrive ainsi de donner à boire à mon chien (mon blog) afin de varier, et de faire passer ses nourritures littéraires. Il doit y avoir une vingtaine de ces rations sur ce blog, à la rubrique "vins".