Métamorphoses de l'amour
Nicolas Grimaldi, dont j'allais écouter les cours sur Le désir et le temps à la Fac de Lettres de Bordeaux au tout début des années 80, donne à présent dans la jalousie (l'enfer proustien), Socrate (le sorcier) et parle admirablement, en philosophe sage, de l'amour. Bien que son dernier livre, Métamorphoses de l'amour (Grasset) contienne de nombreux lieux communs et vérités plates, il pose en réalité les questions simples (en illustrant son propos de manière oroginale : non pas avec des textes philosophiques, mais avec des extraits de romans de Simenon!). Qu'aime-t-on quand on aime? L'attente et ses ambivalences. L'intolérable solitude. L'existence transfigurée, sont quelques thèmes majeurs parmi d'autres que l'auteur aborde dans ce petit livre précieux.
Etre sexué, écrit Grimaldi, c'est porter en soi l'attente d'un autre. En nous faisant éprouver jusqu'à la douleur notre substantielle incomplétude, la sexualité nous fait sentir que nous avons notre identité dans l'altérité. Sentir qu'on a son centre hors de soi : en même temps que cela suffirait à définir l'attente, cela pourrait aussi définir la disposition amoureuse (p.88).
L'amour requiert une (...) mutuelle résiliation par laquelle chacun se rend plus attentif à l'autre qu'à lui-même. C'est le moment où chacun s'émerveille de l'autre et cherche à faire retentir en lui ce qu'il éveille en nous (p.121).
Car le propre de l'amour est de s'éprouver comme une nouvelle naissance. S'être trouvés, c'est comme avoir ressuscité de soi-même. Une nouvelle existence commence, en laquelle ne subsistera plus rien des lourdeurs et des trivialités de l'ancienne (p.147).
A la manière dont certaines oeuvres communiquent à notre vie un surcroît d'énergie et d'intensité, la personne que nous aimons transfigure l'existence par la lumière, la couleur, le tempo que son style y apporte (p.169).
L'amour serait donc le contraire du complexe de Pygmalion. Bien loin d'admirer dans la personne aimée ce double de nous-mêmes que nous en aurions fait, on s'émerveillerait qu'elle nous eût associé à la manière si poétique d'exister que nous appelons son style. Le merveilleux de ce que nous aurions été serait alors de l'avoir été pour elle (p.171).
Commentaires
Métamorphose: Changement de forme, de nature ou de structure si importante que l'être ou la chose qui en est l'objet n'est plus reconnaissable.
Serait-ce donc encore de l'amour...?
Non, selon cette définition-là, à l'évidence non. Mais cette définition ne semble pas correspondre au sujet, ou bien à l'acception du sujet par Grimaldi, lequel emploie de surcroît le pluriel : les métamorphoses, c'est différent de la métamorphose, cela peut vouloir dire les changements de forme, peut-être sans radicalité. Cela me semblerait déjà plus ouvert. Non?
Oui Léon,tu as certainement raison. Mais lorsque tu vois un papillon, tu ne te dis pas que c'est une chenille qui vole... L'amour ne transmute pas, il mûrit! Et même plusieurs fois...
Certes, pierrot. Cela est évident. Mais je me plais, lorsque l'amour, en mûrissant, me transforme, à ne pas oublier d'où je viens -la chrysalide dont je suis sorti, et je n'apprécie que davantage celle qui m'a donné des ailes (et fait cesser mon envie de papillonner...).
Bonsoir à tous,
Ce qui me touche ce sont les métaphores plus que les métamorphoses même si...
L'amour serait pour moi cette "facilité" inconsciente à projeter sur l'autre ce que nous détestons chez nous, à rechercher chez l'autre ce que nous n'avons pas le "courage" d'affirmer de nous avec "l'illusion" "la force" et la "volonté" d'être avec l'autre ce que nous aimerions pouvoir être seul (e).
Mais l'heureuse conclusion serait que nous avons besoin de l'autre pour nous révéler (quel que soit notre parcours à condition qu'il y ait sincérité et conscience de ce que nous sommes)
Et ce devait être bien d'écouter ces leçons-là… J'ajoute celui-là aux lectures à faire !