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Moriarmé (Un balcon en forêt)

IMG_2225.JPGJe pose cette photo, que j'ai prise dans la forêt des Ardennes, à la faveur d'un reportage récent sur Rimbaud paru dans Le Nouvel Observateur (lire ici à la date du 8 avril 10 et à celle du 25 mars 10), car elle figure la Meuse en fer à cheval au village de Monthermé, et que c'est précisément ce paysage qui servit de décor à Julien Gracq pour planter celui de son roman Un balcon en forêt. Je me demande surtout comment j'ai pu oublier cela lorsque je me trouvais derrière l'objectif. Etait-ce à cause de Rimbaud? - Non, je pensais aussi aux premières pages du Balcon. Je m'étonne. Du coup, l'émotion monte en moi. Rimbaud, Gracq. La forêt profonde et ses sangliers sombres et furtifs. Me reviennent le souvenir de l'aspirant Grange -personnage principal du Balcon- embarqué dans la drôle de guerre, celui -central, comme souvent dans l'oeuvre de J.G.-, de l'attente (voir à ce sujet le film que Michel Mitrani tira du roman en 1979), et le personnage si sensuel de Mona, qui montait le long de lui (Grange) comme un petit espalier... Mais je reprends plutôt le somptueux poème en prose intitulé La sieste en Flandre hollandaise (dans Liberté grande), et je pense au premier colloque posthume sur Gracq qui vient de se tenir à Paris -soit aux discours certes profonds, intelligents et intéressants des intervenants, mais malheureusement empreints de scalpels et de carbone 14 littéraires. Au lieu de quoi, je choisis comme toujours de retourner au mot, à la poésie, à la sensation; soit à la marque de fabrique Gracq. Je lirai aussi les poèmes de Rose au coeur violet, de Nora Mitrani, qui fut sans doute (mais comment vraiment savoir? Et est-il nécessaire de le savoir?) le grand amour de Julien Gracq jusqu'à la mort de celle-ci en 1961. Et, dans la foulée je reprendrai Jünger (Sur les falaises de marbre) et Buzzati (Le désert des Tartares) -car quand me revient, régulièrement d'ailleurs, une bouffée de Gracq, autrement dit une fringale semblable à celle que l'on peut ressentir pour un jambon-beurre avec un demi demandés dans une urgence gourmande-, une sorte de boulimie pointe, qui me fait amasser plusieurs piles de livres autour de moi comme une sorte de nid vite construit, et dans lequel je puise à l'envi, rassuré. En picorant, en feuilletant, cherchant une annotation seulement, une page là, un truc ici, la jouissance commence à opérer. Cela s'appelle le plaisir de lire. Simplement. Il s'apparente à l'ivresse. Une ivresse douce et calme, silencieuse et toute intérieure. Une ivresse qui propulse, car le ou les voyages que l'on y fait sont les plus lointains et les plus précieux. Ils ressemblent à l'imaginaire de l'enfance que l'on devine dans le regard émerveillé d'un gamin au sortir de la lecture d'un conte faite par l'un de ses parents. Surtout s'il s'agit d'une  (énième) relecture, car comme l'enfant, nous aimons retourner à nos impressions premières que nous avons pris soin de consigner. Nous aimons passionnément reconnaître. Ces voyages-là ressemblent aussi au souvenir de nos rêves les plus enfouis, les plus éloignés, les plus ingénus  -les plus merveilleux en somme. Et je comprends d'autant mieux l'absence de virgule dans le titre d'un des essais les plus fameux de Gracq : En lisant en écrivant. Car les deux activités sont radicalement indissolubles, comme paraît inséparable un couple qui fait l'amour, en dépit de l'horizon de ses jouissances.

Commentaires

  • Bonsoir, à la sauvette je te remercie du passage sur le blog que tu sais ( rugby...)et te dis modestement ma joie de te relire t'écrire sur kally....l'existence est vraiment tissée de tout un tas de coïncidences...rien qu'un lacis de synchronicités en somme, puisque Gracq je picorais justement dedans cet après-midi...

  • Benoît : le hasard n'existe pas. Et c'est ainsi que Gracq est grand( (aurait dit Vialatte).

  • Ah Vialatte...Décidément...Je suis en pleine relecture ( C'est assez jouissif à chaque fois) des "fruits du Congo"...Non le hasard n'existe pas...

  • Tout est bon dans l'Alexandre, surtout Battling le ténébreux, Les fruits du Congo, La maison du joueur de flûte... Sans oublier ses centaines de chroniques données à La Montagne! Ce genre d'esprit manque. Je pense aussi, en écrivant cela, aux Calet, Henein, Forton, Gadenne, Guérin, Hyvernaud, Augiéras, Cailleux, Delteil et à tant d'autres! Bref, à une espèce de famille que nous avions baptisé, avec Pierre Veilletet dans les pages Lettres du Sud-Ouest Dimanche des années 1983 à 1987, "Les inconnus célèbres". C'était une rubrique pour les ressusciter. Un peu.
    Eh bé! Ca me rajeunit pas, çà, té!..

  • Et c'est ainsi que les célèbres inconnus sont grands

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