Tao
Le Vrai toujours
Est ce qui naît
d’entre nous
Et qui sans nous
ne serait pas.
Né d’entre nous
Selon le Souffle
du pur échange
Le Vrai toujours
Est ce qui tremble
Entre frayeur et appel
Entre regard et silence.
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Sur le tard, je n’aime que la quiétude.
Loin de mon esprit la vanité des échanges.
Dénué de ressources, il me reste la joie
De hanter encore ma forêt ancienne.
Wang Wei.
(en lisant François Cheng, écrivain et calligraphe chinois d'expression française).
Commentaires
Que c'est beau et fragile, Léon.
J'aime "Les bonheurs de l'aube". Morbidezza, le thé aux loups, le grand cerf, Encierro... empreintes...
Merci Christiane. (Empreintes?..). Au bonheur de vous lire encore.
"empreintes" : les vôtres dans votre écriture. J'ai offert "Pourquoi tu chasses ?" à un ami très concerné par cette question. J'attends ses impressions de lecteur....
et à propos de ce poème-esquisse, un petit fragment d'un très beau livre "Eloge de la fadeur - A partir de la pensée et de l'esthétique de la Chine" de François Julien. (biblio essais - Le livre de Poche - 4175).
"Comme la fadeur poétique, la fadeur en peinture baigne le paysage d'une certaine absence : les formes, en même temps qu'elles se manifestent, nous sont retirées, elles ouvrent sur un lointain qui les dépasse. Mais cette fadeur ne conduit pas à l'inconsistance :les arbres, au premier plan, expriment une intention intérieure.
(...)
La richesse de la fadeur réside dans la possibilité qu'elle nous offre de convertir le regard en conscience et d'approfondir sans fin : au lieu de satisfaire sur-le-champ nos goûts les plus superficiels, la peinture fade appelle l'intériorité à s'immerger toujours plus en elle. Et peinture et conscience évoluent de concert."
p.132/133
Un petit livre que j'aime, difficile à transmettre car le concept paradoxal attaché au titre "La fadeur" devient négatif en français.... J'aime beaucoup les intuitions de l'auteur.
Merci cette fois pour cette idée d'empreintes. Je suis de surcroît constamment préoccupé par celle de trace, si voisine.
Celle de fadeur, telle que précisée dans le texte que vous nous offrez, est plus étrange, et intéressante pour cela.
Bonsoir Léon,
j'ai écrit "empreintes" pour d'autres raisons encore. Je viens de finir la traversée des "bonheurs de l'aube" et je garde cette impression tenace d'êtres qui vous ont approché, flairé, étudié et qui se sont éloignés mystérieusement laissant l'empreinte d'une énigme. et une absence.
C'est un très beau livre qui m'a profondément imprégnée de tout cet indicible qui frôle vos mots et s'en va furtif et silencieux.
Quand à l'autre livre "Pourquoi tu chasses ?" je l'ai laissé entre les mains d'un grand ami et j'attends ses réactions. Le livre que l'on m'a offert "Eloge de la fadeur" répond à une intuition présente celle de l'invisibilité pour voyager en approche du vrai.
Bonne soirée
Votre intuition, cette notion d'invisibilité, d'approche de la vérité m'évoquent tour à tour la peinture extrême-orientale et les travaux de certains poètes aussi différents que Kenneth White et Edmond Jabès. C'est l'approche du vide parfait, du rien, du blanc. Ce que le haïku, à sa portée, tente également d'envisager. Non?
Et si une certaine forme de création n'était au fond que la recherche du "silence sonore" (Rafael Alberti / José Bergamin) ?
A vous lire.
La solitude sonore du torero...Le torero du réel...Nous sommes tous des toreros du réel...
Ou celle du toro puisque c'est la même...
Pour Christiane (& les autres)http://www.editions-verdier.fr/v3/oeuvre-solitudesonoretoreo.html
oh, là, là Leo vous êtes dans les montagnes ? Il y a de l'écho ici ! justement quand on parle de solitude sonore, c'est extraordinaire !
Pour vous deux, Léon et Leo, cette solitude du minotaure (Friedrich Dürrenmatt - Minotaure - Editions de Fallois / L'Age d'Homme).
"Elle croyait l'entendre haleter. La tête formidable, couverte d'une peau d'un terne brun clair, était celle d'un auroch,le front haut, large, envahi de poils laineux en broussaille, les cornes courtes et recourbées de telle sorte que leur pointe était au-dessus de la racine, les yeux rougeâtres semblaient plutôt petits par rapport au crâne : au fond de la saillie osseuse des orbites, ils étaient insondables. L'arête du mufle, massive, descendait doucement jusqu'aux naseaux fendus obliquement ; une longue langue d'un rouge tirant sur le bleu pendait de la gueule, et sous le menton, une barbe filandreuse poissée de bave. Tout cela aurait été supportable mais la transition du taureau à l'homme était insoutenable.(...)
Le minotaure se leva. Il était formidable. Il comprit soudain qu'il y avait encore autre chose que des minotaures. Son monde venait de s'ouvrir à la dualité. Il vit, reflétés partout, les yeux, la bouche, la longue chevelure noire épandue sur les épaules, il vit la peau blanche, le cou, les seins, le ventre, le pubis, les cuisses, tout ce corps fluide et mouvant. Il se dirigea vers elle. Elle s'éloigna de lui, alors qu'ailleurs elle allait vers lui. Il la pourchassa à travers le labyrinthe, elle fuyait.(...)le tourbillon de leur course les séparait, ramenait, confondait l'un et l'autre et lorsque la jeune fille courut dans ses bras, lorsqu'il sentit soudain contre lui son corps, la chair chaude baignée de sueur, et non plus la dureté du verre comme jusqu'à maintenant, il comprit.(...)qu'il avait vécu jusqu'alors.(...) dans une prison de verre.(...) La jeune fille se déroba à son étreinte, il la laissa faire. Elle recula, ses grands yeux fixés sur lui, et lorsqu'il commença à danser, la jeune fille commença de danser, et leurs images dansaient aussi. Il dansa sa difformité, elle dansa sa beauté, il dansa sa joie de l'avoir trouvée, elle dansa sa peur d'avoir été trouvée, il dansa sa délivrance, et elle dansa son destin, il dansa son désir, et elle dansa sa curiosité, il dansa son approche, elle dansa sa dérobade, il dansa sa pénétration, elle dansa son enlacement. Ils dansaient et leurs images dansaient, et il ne sut pas qu'il prit la jeune fille, il ne pouvait pas savoir non plus qu'il la tua, dans son ignorance de la vie et de la mort.(...) et le mugissement était un cri monstrueux, un irréel cri cosmique, comme si rien n'existait que ce cri qui se mêla au cri de la jeune fille, et ensuite il resta étendu...et le corps blanc et nu de la jeune fille aux yeux noirs resta étendu.(...) Il la lécha de son énorme langue, le visage, les seins, la jeune fille restait immobile.(...) Il se baissa, la souleva, mugit plaintivement, l'éleva vers le ciel obscur..."
p. 70/71
Magnifique.
Je découvre ceci http://www.univ-brest.fr/HCTI/MENGARD1.pdf
Mille excuses pour cet écho involontaire, j'étais persuadé que le com n'était pas passé mais, c'est vrai, on peut le garder, comme l'a décidé Léon.
Cette analyse de Minotaure et du labyrinthe est exceptionnelle, ainsi que les illustrations que je ne connaissais pas. Je vais vous en faire écho sur votre blog, cher Leo.
Bifurcations. L'art de la bifurcation vaut bien celui du birlibirloque. Nous voici donc déviés, à peine, vers le Minotaure en général et celui de Dürrenmatt en particulier, via l'art du toreo selon l'un de ses plus subtils exégètes, José Bergamin.
Les chemins de traverse ne sont pas des chemins qui ne mènent nulle part.
Cheminons!
oui, cheminons Léon, car d'obscurité en obscurité nous avançons vers la lumière comme le papillon dans sa chrysalide.
Bon dimanche
Caminando...
J'aime à penser (avec Eugenio de Andrade, poète portugais contemporain) que "la démarche crée le chemin".
Bon lundi!
comme dans la première strophe de ce beau poème que vous avez mis en ligne. ça c'est un vrai chemin !
J'aime particulièrement cette phrase, que l'on attribue Salomon, et que j'ai d'ailleurs inscrite dans mon livre "Philosophie intime du Sud-Ouest" : "Il y a quatre choses que je ne sais pas : le chemin de l'aigle dans le ciel, le sentier du serpent sur le rocher, le chemin du navire en haute mer, le sentier du nom d'un homme dans le coeur d'une femme."
Oui, Léon, c'est très beau. Pour moi, tant de choses que je ne sais pas, même la vérité... Alors je fais comme lorsque je dessine : je n'efface pas l'erreur, je l'interroge ; elle donne force au chemin.
J'aime les esquisses. Dans leur fouillis de traits quelque chose naît proche de ce que l'on cherche...
C'est très vrai. Par superposition, l'erreur révèle un peu de vérité (celle-ci étant, heureusement, toujours à venir, toujours devant, dans la brume), elle est le terreau sur lequel poussent les fleurs et les ronces. Toute oeuvre n'est-elle pas un bouquet d'esquisses?
oui, Léon, mais j'ai vu que vous aviez mis de nouvelles pages en ligne. Je vais donc monter à l'étage du dessus et laisser la vérité se reposer !
Bonjour Léon,
Merci d'avoir partagé avec nous ce poème. Et que de profondeur dans ces commentaires : la recherche du "silence sonore", l'erreur révélatrice de vérité...
Merci de ton message, Marie-Josée. Et encore bravo pour la poésie permanent de ton (nouveau) blog, où l'on voit se lever une "pleine lune sur la plaine engrossée d'amour..."
Christiane, Avez-vous eu "un retour" de votre ami sur Pourquoi tu chasses?
Ah, j'ai retrouvé le commentaire contenant votre question !
Non, cher Léon, ce sera pour fin septembre quand je reverrai ces amis à mon retour dans l'île.
Mais je l'ai lu (un peu trop rapidement) avant de lui offrir et je sais sans aucun doute possible qu'il aura aimé ce livre. Je vous en dirai plus dans deux mois !
Rien ne presse.
Une île...
oui, une île... où j'aime aller de temps en temps...