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  • Darroze, prénom Hélène

    Hélène est malade à l’automne, dans son restaurant de la rue d’Assas à Paris, ou au Connaught à Londres, dont elle dirige les cuisines une semaine sur deux (d’un mercredi à l’autre), car elle est loin des Landes et de leurs couleurs, de leurs parfums de sous-bois, de champignons, elle se sent loin des ambiances de palombière, où l’on rigole et ripaille avant tout. Ses Landes lui manquent plus que jamais à cette période de l’année, car elles la renvoient à son enfance, lorsqu’elle relevait les matoles à ortolans avec son père. Elle se souvient des sorties dans la vieille Peugeot blanche de son grand-père, pour aller cueillir les fraises des bois à Vielle-Soubiran, ou bien ramasser des asperges : « c’est l’odeur d’humidité, le journal mouillé sur lequel on les dépose, le « clac » quand on les cueille. » Hélène se rappelle des dimanches soir au restaurant familial de Villeneuve-de-Marsan, lorsque les chasseurs arrivaient avec des sangliers entiers qui la terrorisaient, et les producteurs qui passaient en semaine avec leurs cageots de cèpes et leur canards gras… (la suite du portrait d'Hélène Darroze, que j'ai donné à Maisons Sud-Ouest? -Au kiosque, té! ©L.M.)

  • Comme une poignée de mains

    Ce matin, lorsque j’ai ouvert les deux battants de la porte et que je suis sorti sur le seuil, un chevreuil a fui, le feu aux quatre pieds, en aboyant de surprise. À son passage, le givre qui avait recouvert d’un voile sucré les prairies alentour, crissa. Un soleil timide mais franc du rayon caressait le velours côtelé des vignes pelées, au-delà du fleuve et de la hêtraie…
    Les bûches qui ont dormi dehors sont congelées. Les braises les feront péter doucement, tandis que le café passera. Hier soir, ce sont des sarcelles qui sont passées en rasant l’étang voisin, alors que nous attaquions l’apéro dans le jardin, emmitouflés, avec un foie gras mi-cuit escorté d’un blanc de Cérons, pour changer. Puis, nous avons testé en famille une recette du bouquin d’Hélène, par envie de cèpes et de girolles. Il faut que j’appelle Catherine, tout à l’heure, pour qu’elle m’apporte quelques bocaux de cous farcis et l’irouléguy sans étiquette de son oncle. Un mail de Beñat vient de tomber : il confirme notre virée d’après-demain du côté d’Izotges, près de Riscle, pour saluer Gégé, et chiner un peu sur les marchés, car Beñat a besoin de décorer la grange qu’il a fini de retaper. Puis nous remonterons tranquillement vers l’île de Ré, juste pour les grandes marées, en faisant une halte à Bordeaux, histoire de remplir la malle de flacons. Sur la photo de l’an dernier, Pierrot et Manou, en waders, ont l’air de pingouins chez les scaphandriers, mais ils sont capables de ramasser des coques pour une équipe de rugby. Té, justement, le programme du Tournoi me tente avec Irlande-France, ou France-Galles… Mais j’aimerais mieux refaire le match Toulouse-Bayonne, avec des copains Toulousains et Bayonnais !.. Les autres pages du journal sont désespérantes : la crise mondiale grignote toujours plus de terrain et d’énergies. L’humour est en berne, la bonne humeur vagabonde, la croissance buissonnière et les profils, bas. La frilosité et le repli ne peuvent pas donner le change aux guerres et aux fléaux. Je plie le quotidien et le bazardes de dépit, dans le panier à petit bois et vieux papiers. Face au chaos, « Maisons Sud-Ouest » agira encore comme un rempart contre la déprime, un chasse-spleen inoxydable, une bouffée d’air pur, une poignée de mains. C’est une valeur sûre. ©L.M. (Edito de "Maisons Sud-Ouest" n°34, Hiver 2008/2009).

  • Manger romain

    Le repas-type du Romain (sous la Rome antique)
    Les orgies étaient l’exception qui confirmait une règle de frugalité et l’apanage d’une minorité de riches. La diététique était déjà une préoccupation.
    L’image d’Epinal nous renvoie un Romain oisif, occupé à des orgies perpétuelles, allongé, entouré de victuailles et de courtisanes. Cette image fausse nous renseigne quand même sur les menus d’exception de l’aristocratie romaine : cochonnaille, jambons, boudins, volailles, gibier, mouton, bœuf, poissons et crustacés, fruits, légumes divers. Amphores de vins, en général doux, voire sucrés et lourds.
    Le quotidien est autre dans la Rome antique. La frugalité est de rigueur, soit que la pauvreté force le Romain, soit qu’un souci de santé l’y pousse volontairement. Notons que l’ivrognerie comme la gourmandise excessive étaient condamnées. Au temps d’Apicius, gourmet célèbre sous l’Empire, la cuisine mêle fréquemment le sucré et le salé. Elle est riche en herbes, épices locales ou importées d’Orient : poivre, cumin, ail, thym, oignon, origan, persil, rue, menthe, gingembre, câpres, pignons de pin, laurier, silphium (ombellifère) et garum.
    Le garum, sorte de nuoc-mâm, est une macération au sel, d’intestins de thons et de maquereaux. Très répandu, il est l’indispensable condiment de chaque repas, notamment du soir.
    Trois repas rythment la journée du Romain. Le jentaculum, ou petit-déjeuner, est fait de pain, galette, ail, biscuits secs et sucrés. Le prandium, ou déjeuner, est rapide, souvent pris simplement avec du pain, des fruits, quelques olives. Le soir, la cena est le repas le plus important. Légumes, fruits, poissons, viandes le composent. Le pain est souvent aromatisé avec du pavot, de l’anis, du céleri. Le boulanger, pistor, apparaît dès le II ème siècle av. J .C. Le patissier, pistor dulciarius, prépare la classique placenta, à base de pâte de farine, miel, semoule et fromage.
    Le raffinement de la cuisine poussait l’inventivité à l’extrême : un ragout de langues de flamants roses, symbole du luxe, n’était préparé, par des cuisiniers privés, que dans les grandes familles romaines. Il existait des écoles de cuisine. Parmi les plats principaux, courants, il y avait la patina, ou patella, une sorte de flan à base de légumes, poissons et œufs. Les ofellae sont à base de morceaux de viandes en brochettes. Le minutal est une fricassée de poisson ou de viande avec des fruits. Le vin était consommé additionné d’eau, voire d’eau de mer, de miel, d’aromates divers, afin d’alléger son aspect sirupeux.
    L’art culinaire avait ses coquetteries : il s’agissait de transformer, de masquer, ou de rendre méconnaissable les produits d’origine. Faire passer un quartier de porc pour une volaille en le « sculptant » littéralement, donner à des tétines de truie –plat recherché, l’apparence d’un poisson… Le Romain pratiquait le gavage des coqs, et des oies dont il mangeait déjà le foie gras.
    Les femmes n’assistaient pas aux repas, habituellement. Les courtisanes accompagnaient en revanche les hommes. Mères de famille, épouses, enfants se tenaient donc à l’écart et dînaient ensemble. Les hommes prenaient volontiers leurs repas sur des lits. Le triclinium désignait trois lits à trois places, en fer à cheval autour d’une table. Neuf convives, le nombre des Muses, était un maximum. Debout, esclaves, serveurs composaient l’aréopage d’une certaine aristocratie.

    Un repas sous César
    Rapporté par Macrobe, voici un menu exceptionnel.
    Hors-d’œuvre : coquillages, fruits de mer, grives sur asperges, poules bouillies, marrons à la sauce d’huîtres et de moules. Vin doux.
    Poissons de mer, becfigues, filets de sanglier, pâtés de volaille et de gibier. Tétines de truie, têtes de porcs, ragoûts de poisson, de canard, de lièvre.Volailles rôties.
    Les desserts, sans doute variés de ce repas, sont inconnus.

    Deux Apicius
    Le premier vécut de –25 à 37. Il élaborait des recettes fort complexes. Homme raffiné, il n’hésitait pas à faire de longs et périlleux voyages pour en rapporter des denrées qu’il jugeait nécessaires à son art culinaire.
    Le second Apicius vécut au tout début de notre ère. Il s’est contenté de reprendre nombre de recettes de son illustre homonyme. Son fameux Traité de gastronomie date du Vème siècle. Il renferme un autre traité, riche d’enseignements ethnographiques sur les moeurs culinaires, et donc sur les mœurs tout court des Romains!

    © L.M., versus no light... sta serra.

  • La voix vraie de Bashung

    Alain Bashung à l'Elysée-Montmartre, hier soir. Un concert émouvant, un air de dernière tournée, une musique réglée à la perfection, et puis la gestuelle lente, bouleversante de Bashung, sa voix pure, profonde, vraie, intacte. Mais le chapeau, la peau... Beau à pleurer.

    http://www.deezer.com/track/1111764

     

  • Connaissez-vous Robert Alexis?

    Non... C'est un auteur discret, Lyonnais, publié par José Corti (rien de commun est la devise de l'éditeur de Gracq et de Bachelard). "La robe " (son premier roman), reparaît en format de poche (Points), et c'est un bijou cette robe, un bijou de moins de quatre-vingt dix pages. Austérité, rigueur militaire, libertinage, beauté italienne voluptueuse (façon Bellucci), un air de "Senso", le livre, un air de Visconti aussi -lorsqu'il adapte le texte de Camilo Boito, mais avec une économie janséniste des mots en cadeau sec. Une sorte de roman d'amour constat, mais pas froid. Et c'est la magie de ce petit bouquin : en apparence rebutant comme un réveil de chambrée de caserne, il se révèle, au fil des pages, aussi doux et érotique qu'une grasse matinée très très amoureuse. Fascinant!

  • pampatagonie

    Il est des livres, brefs et coupants, dont on ne se sépare jamais, même si notre oublieuse mémoire les néglige. Ainsi de Chaves, d'Eduardo Mallea, dont mon regard, ce matin, a surpris le dos. J'ai tiré l'ouvrage du rayon et relu certains passages annotés en première lecture. La Patagonie, le silence, l'âpreté, l'aridité des regards, des sentiments, des paysages, des traits taciturnes, des yeux brûlés à force de rester ouverts, une bouche rigide, des cheveux charbon, Chaves (pas de prénom) est un léopard nocturne sans voracité ni proies en tête, qui regarde les choses. Personne ne voit en lui un poète écorché. Il entre dans son univers de silences, s'écarte, mais sait tant écouter les autres. Surgit une femme providentielle nommée Pure. L'amour. Sauvage et beau. Naît une fille. Donc, rien que du banal... Mais dans la langue sèche de Mallea, les petits riens deviennent de l'or en pépites brutes. "Ainsi, la ferveur succédant à la crainte, s'écoulèrent sept années pendant lesquelles la vie les effleura sans s'appesantir, comme un avion frôlant le sol au décollage." Impassibilité, gravité, mutisme, autisme? Chaves, c'est la forteresse du vide. Et ça remplit; fort.

    (éd. autrement).