Dixit Michel Serres
«Cette question du mariage gay m'intéresse en raison de la réponse qu'y apporte la hiérarchie ecclésiale. Depuis le 1er siècle après Jésus-Christ, le modèle familial, c'est celui de l'église, c'est la Sainte Famille.
Mais examinons la Sainte Famille. Dans la Sainte Famille, le père n'est pas le père : Joseph n'est pas le père de Jésus. Le fils n'est pas le fils : Jésus est le fils de Dieu, pas de Joseph. Joseph, lui, n'a jamais fait l'amour avec sa femme. Quant à la mère, elle est bien la mère mais elle est vierge. La Sainte Famille, c'est ce que Levi-Strauss appellerait la structure élémentaire de la parenté. Une structure qui rompt complètement avec la généalogie antique, basée jusque-là sur la filiation : on est juif par la mère. Il y a trois types de filiation : la filiation naturelle, la reconnaissance de paternité et l'adoption. Dans la Sainte Famille, on fait l'impasse tout à la fois sur la filiation naturelle et sur la reconnaissance pour ne garder que l'adoption.
L'église donc, depuis l'Evangile selon Saint-Luc, pose comme modèle de la famille une structure élémentaire fondée sur l'adoption : il ne s'agit plus d'enfanter mais de se choisir. à tel point que nous ne sommes parents, vous ne serez parents, père et mère, que si vous dites à votre enfant «je t'ai choisi», «je t'adopte car je t'aime», «c'est toi que j'ai voulu». Et réciproquement : l'enfant choisit aussi ses parents parce qu'il les aime.
De sorte que pour moi, la position de l'église sur ce sujet du mariage homosexuel est parfaitement mystérieuse : ce problème est réglé depuis près de 2 000 ans. Je conseille à toute la hiérarchie catholique de relire l'Evangile selon Saint-Luc. Ou de se convertir.»
Commentaires
Initialement, je ne suis pas un fervent supporter du mariage pour tous. J'avais pour tout dire comme une impression de singerie du sacro-saint modèle hétéro...
Et puis il y a eu toute la panoplie des réactions catholico-droitières, avec les dérives inhérentes à la mesquinerie ambiante...
Et puis tu arrives avec les mots de ce bon Mich Serres, et je me dis:
"Bon sang! mais c'est bien sûr! cela fait 2000 ans que l'on nous mascarade... Putaing! mais mariez-vous les homos!"
Mariez-vous puis divorcez, faites comme bon vous semble, et je crois sincérement que vous ne ferez ni pire ni meilleur que la soit disante normalité... Et puis de toutes les façons, la socièté n'en sera pas plus bouleversée que cela...
J'adore la manière délicate, ironique, avec laquelle Serres renvoie les cathos dans leurs 22... Salutaire. Ô combien salutaire. "Faites passer" ce message d'un philosophe aussi humble que percutant.
Bien d'accord avec toi Léon, bien d'accord...
J'attendais quelque jouissance littéraire de ce blog dont je venais de découvrir l'existence.C'est pour y trouver un prolongement du pitoyable twitt de Mme Michèle Delaunay il y a quelques semaines,avec certes plus d'allure dans l'expression,bien sûr!Ce qui est condamnable chez un ministre de la République et aurait dû lui valoir eun sévère rappel à l'ordre est certes admissible chez un journaliste "free lance" mais ce genre de pirouette(l'Eglise n' a jamais "promu" la Sainte Famille en "famille normale" ,bien sûr !)sert plutôtr à alimenter le "bashing " anti-catholique devenu réflexif dans la pseudo élite branchée qu'à faire avancer une question fort sérieuse.Et du coup,nous voilà revenus dans les discussion "mariage pour tous" au lieu d'échappées vers les hauteurs littéraires.Au nom du Ciel(ou de ce que vous voudrez) reprenez-vous,que diable !
Cher Gaudentius (de Brescia, de Rimini , de Novara ou de n'importe où -d'ailleurs), je maintiens bien sûr haut et fort. J'ignore ce que Michèle Delaunay vient faire ici et peu me chaut. Je sais seulement que mon anticléricalisme viscéral et à tendance touchy, voire irascible au premier degré ("l'Antéchrist" est ma Bible!), qui rejoint en cela et en tous points l'athéologie virulente d'un Michel Onfray, se trouve ici, par la voix d'un autre Michel, sanctifié, clarifié, conforté, rasséréné. Et que ça fait du bien. Un peu comme un bière sous les platanes, l'après-midi, par forte chaleur. J'adore. J'adore l'allusion de Serres aux théories fondamentales de Lévi-Strauss. J'adore son décortiquage simple et savant, logique et implacable sur une question qui a -depuis 2013 années- inhibé, sclérosé, névrosé, nécrosé, empêché des millions d'hommes et de femmes, qui a engendré la psychanalyse même. J'adore. Merci de votre salutaire intervention, car c'est de la confrontation, de l'opposition que naît le dialogue vrai. Et que les silex, en se frottant, produisent du feu. A suivre, donc.
PS : je préfère Bashung à n'importe quel bashing.
J'ai entendu il y a peu Michel Serres à la télé (sur un autre sujet) et j'avais oublié comme il était intelligent et agréable à écouter (j'allais écrire : à suivre). J'aime Michel Onfray et mon admiration est telle que je craque pour lui (même quand je ne suis pas d'accord avec ce qu'il dit). Je n'aime pas le mot bashing et 'fectivement, quand je l'entends, je pense à Bashung. J'aime bien les textes et les (légères) confrontations lues ici ce jour, c'est bon comme un verre de Pinot gris.
Réflexif, écrivais-je hier...et viscéral même* :c'est encore pire que ce que je pensais.Car à partir du viscéral,nulle discussion n'est possible mais bien la confrontation (qui est un breuvage mortel et ne rappelle aucun délicieux cépage !).En ce qui me concerne ,j'aime la conversation,parfois même la discussion mais pas la confrontation qui est fatale.Mon tempérament personnel et mon christianisme tranquille ne m 'orientent pas vers l'usage du lance-flamme, fût-il seulement verbal :on commence par là,toujours et on finit par du "bashing" ,mot que je déteste autant que vous mais qui contient en ses deux syllabes un peu de la triste réalité qu'il énonce.C'est de celle-ci qu'il faut se méfier plus que de la mauvaise musique que trainent parfois les mots.
Donc ,je ne "suivrai" pas dans un débat que j'ai ailleurs et autrement.Je préfère lire avec plaisir le bel hommage mérité rendu au journaliste et à l'écrivain très estimable qu'était Pierre Veilletet.
* et plus que surprenant de la part de celui qui aurait été 4 ans durant le correspondant aquitain du Pèlerin Magazine et chroniqueur à La Croix,s'il faut en croire , cher Monsieur (cher Léon, ce sera pour plus tard,je pense, quand nous nous connaitrons mieux)votre notice Wikipedia car il se trouve que vous en avez une !