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Pilepocket

J'adore les folio à 2€ parce qu'ils ne ressemblent pas à des livres à 2 balles. Ils sont beaux comme les autres folio, juste un peu plus minces, encore que. Mais cette minceur leur va bien. J'aime leur côté After eight. Leur densité (l'éditeur privilégiant la nouvelle), donne du mentholé à la lecture. C'est le piment du genre short qui veut cela. J'aime offrir ces plaquettes à l'occasion, autrement dit en ciblant avec précision chaque titre pour chacun de mes destinataires. Un folio à 2€ est parfois composé d'extraits d'un autre folio ou, plus intéressant, il peut être extrait d'un volume de la Pléiade. Le catalogue de ces lectures apéritives et appétentes est splendide. Ces petits bouquins donnent faim. Ce sont de véritables appâts.

Parmi les dix nouveautés du mois, j'ai retenu Une drôle de traversée, d'Ernest Hemingway (dont on célèbrera le 2 juillet le cinquantième anniversaire de son double coup de carabine 458 Dumoulin -je crois- dans la calebasse), nouvelle extraite du précieux volume des Nouvelles complètes (Quarto) et qui donnera plus tard En avoir ou pas. Mais il ne s'agit pas de l'ébauche ou du brouillon du célèbre roman, mais d'une vraie nouvelle d'une bonne trempe. Le cadre : Cuba 1933. Les personnages : un contrebandier trafiquant qui carbure au rhum, un homme d'affaires véreux appelé Le Chinois, des clandestins, une sombre affaire qui tournera mal, ou plutôt qui chavirera au large de Key West... On adore et on entend la voix de Humphrey Bogart en lisant...

De Flaubert, il y a deux bijoux, qui préfigurent Madame Bovary : Un parfum à sentir ou Les Baladins, et Passion et vertu. Deux nouvelles aussi courtes que précieuses. Classées parmi les Oeuvres de jeunesse (en Pléiade), elles ont justement la fraîcheur d'un Flaubert déjà efficace comme un chat : c'est leste, ça rebondit toujours bien, c'est vif et câlin, mais gaffe!.. On n'oublie pas facilement la Marguerite du premier texte, ni la Mazza du second. Et même si ça sent le vaudeville de province, les charmes vénéneux de la passion aveuglante, la tentative de reconquête d'un amour, l'adultère basiquement libérateur, c'est Flaubert qui écrit : total respect à chaque page.

De Théophile Gautier, La cafetière, La morte amoureuse, et Le pied de momie sont trois récits fantastiques "en habit noir", où l'on voit notamment un homme rêver qu'il danse avec une femme qui se transforme en cafetière volante. Puis un prêtre, Romuald, qui tombe fou amoureux d'une certaine Clarimonde le jour de son ordination. La femme, d'une beauté paralysante, meurt, puis se réveille, déclare sa jalousie envers Dieu pour exprimer son amour au jeune prêtre, et retourne à la mort. Mais tout cela n'est-il que songe?.. Il y a enfin, dans le troisième récit, un homme qui, ayant acheté un pied de momie, plonge en songe dans l'Egypte pharaonique. Avec le sens puissant du conteur, Gautier nous emporte contre lui comme un ballon ovale et l'on se sent bien, là, serré, sanglé à son écriture comme un gamin happé par son premier Jules Verne.

De Lucrèce -qu'il est bon de le lire de temps à autre, voici L'esprit et l'âme se tiennent étroitement unis (..."et ne forment ensemble qu'une seule substance"), extrait du célèbre De la nature. Il nous rappelle, et c'est salutaire, que la crainte de la mort et le dégoût de la vie sont l'effet de l'ignorance, il rend hommage au divin Epicure, précise que l'esprit et l'âme sont une partie du corps, que l'âme et le corps sont solidaires l'un de l'autre et que l’âme, étant partie du corps, est mortelle comme tout autre organe. Cela se discute... Depuis des siècles.

Et de Carlos Fuentes, voici En bonne compagnie, suivi de La chatte de ma mère (extraits de En inquiétante compagnie), deux contes gothiques qui mettent en scène, le premier, les deux vieilles tantes acariâtres, Maria Serena et Maria Zenaida, célibataires aigries évidemment, du jeune Alejandro de la Guardia, et que l’on ne souhaiterait pas rencontrer dans la vie réelle, même le temps d'un thé forcément amer dans leur demeure sombre qui pue le renfermé. Nous retrouvons avec bonheur la langue drue et le ton claquant, cinglant même, du Fuentes de l'inoubliable Diane ou la chasseresse solitaire. Je n’ai pas lu le second conte.

 

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