Une Belle époque
Le quatrième roman de Christian Authier, Une Belle époque, (lire la note intitulée Province, publiée le 26 août), possède l’épaisseur, le corps tranquille et l’amplitude des livres de la maturité, comme on dit dans les feuilles littéraires. Authier sait construire un roman de 300 pages qui alterne le récit des péripéties politico-humanitaires, légères, d’une bande de potes, tous anciens de Sciences-Po Toulouse, dans les années quatre-vingt-dix, jusqu’aux élections de 95 (la machine politique, véreuse, et le clan Baudis en particulier, sont ici laminés en règle), la peinture ironique d'une droite qui essaya de devenir la plus sympa après avoir été la plus bête du monde, et une histoire d’amour avec une Clémence au charme envoûtant. Sans oublier de traiter au vitriol La Dépêche du Midi (à peine déguisée en Gazette) et le passé nauséabond de la famille qui possède encore le journal toulousain. Je serais d’ailleurs curieux de connaître les provisions pour procès de Stock, son éditeur. Authier détruit avec humour les suffisants, les parvenus de l'économie locale, les emperlousées des cocktails de préfecture, comme Muriel Barbéry a su le faire dans les cent premières pages de son élégant Hérisson. Authier y ajoute une distance qui est la marque des auteurs de fond. Ceux qui savent être sans concession, y compris avec eux-mêmes. Qui n'ont pas besoin de décrire le tragique des événements pour que nous le ressentions jusqu'à la moelle, avec le recours, simple à première vue, au verbe rare, à l’adjectif pudique, à la phrase courte et néanmoins souple : il faut parfois sacrifier à la tentation littéraire authentique, qui est de dire ces choses réputées indicibles que le lecteur a déjà vécues. La mélancolie d’Authier navigue au plus près du fil de l’eau lorsqu’il décrit Clémence, dont « la fraîcheur me ramenait vers ces contrées où l’impatience se marie à la langueur et à l’assurance qu’un soleil de printemps réchauffera toujours l’eau froide des grands âges ». Page 248, la jeune femme devient une déesse. L'image de la vérité, qui ne dure jamais. Rappelle que tout le reste n'est pas littérature. Authier, qui ne lâche son lecteur qu'à la dernière ligne, l'étreint avec la ceinture de l’émotion, par touches, à pas de loup, vers ce plaisir étrange que l’on dit textuel. Une réussite.
Commentaires
entendu, au milieu de cette rentrée encore un peu opaque, déjà lire une belle époque...mais ce n'est pas non plus une sorte de bucher des vanités à la française, dites... je vais relire votre critique..."ça" se rapproche plus d'une vie Française...que c'était grand "ça", tout comme "hommes entre eux"...vous devez déjà "être" sur son petit dernier...alors attendons...et donc en prévision de cette année folle, déjà une belle époque...
Yep... Je suis dans "Les accomodements raisonnables" et j'ai eu JP Dubois (son auteur) au téléphone, hier (je devais l'interviewer). Scoop : le mecton n'en a rien à foutre de vivre à Toulouse. Il n'a aucun attachement ni avec la ville, ni la région. "Je pourrais habiter Marseille, ce serait pareil", m'a-t-il déclaré. Le début de son livre est drôle, fin, emballant.
Merci de nous le faire découvrir avec ta sensibilité. Cela me donne envie de le lire. J'y vais de ce pas -ou presque- dès demain...
Voilà un beau compliment, Angélique : savoir que le partage s'effectue (rappel : le but premier de ce blog est de "donner à aimer", ça fait un peu chichiponpon, mais comment le dire autrement?!)...
chichiponpon...vraiment...connaissait pas cette expression très jolie...l'image qui sort du son...et Dubois donc, toujours lui, je le trouve un air et le style acide et tendre à la fois, du désabusement mais pas cynique sans ça, serait pas trop sensas', ce refus d'être trop air du temps, de quelques uns de ses grands frères américains ( pays qu'il connait comme sa poche du reste pour y avoir longtemps correspondu si je ne m'abuse). Il y a a de "ça" aussi, à mon humble avis , chez son "ami" Pascal Dessaint, ( en plus Fante chez ce dernier ) bien sur dans un genre plus noir...Sinon et si vous me permettez cette parenthèse rugbymane ( je vais rester à ma place cette année et comme ça, ne m'occupant plus des affaires d'autrui, gageons que les cochons seront mieux gardé...Dubois a tenu l'an dernier chronique dans l'Equipe mag durant la coupe du monde... de rugby s'entend où avec son sens du récit et du décalage il fit merveille et sourire à ses dépends, une force disait Pagnol, plus souvent qu'à son tour...Et enfin, après on y va promis, on a également pu lire dans attitude rugby, notamment un beau papier, brialnt, fin, érudit et tout, sur les All blacks ...et enfin, cette fois c'est la bonne, un autre papier pour attitioude, enluminant ce coup-ci le souvenir d'un soir de 14 juillet en route dans la voiture popa-momante pour l'embrasement de la cité de Carcassonne ( raison de plus pour l'ouvrir) en plus, décidément on se sent si bien dans vos parages qu'on a à peine à croiser dans les eaux d'un autre blogueur à part, un portrait brillantissime et d'une finesse de Guy Novès ( entraineur de l'équipe toulousaine...toujours de rugby bien sur, comme on se tient à ce qu'on s'est promis... et puis je ne sais plus...voilà assez squatté tout l'espace...sinon je tacherai de lire belle époque ( mais c'est la relecture de tous les matins du monde...alors) et j'y retrouverai sans doute ce qui vous a plu...
déjà désolé pour toutes ces grosses fautes de petite frappe...et oui alors ce qu'on voulait dire, vous m'aurez compris, c'est quen ce moment, on se relisait et relisait tous les matins du monde, non pas comme mon post pouvait le laisser entendre que belle époque et le roman de Quignard pouvaient se ressembler..." ça " n'a bien sur rien à voir ou bien...suerte.
ô TOULOUSE...
http://fr.youtube.com/watch?v=IhmIFwom3WI
Merci Leo pour ce film. Qu'il est mince, Nougayork, là-dessus! La vache, on dirait moi dans 15 jours... Ô!