"Tout en estimant qu'Anna devait rompre avec Vronsky, il était prêt, si tout le monde jugeait cette rupture impossible, à tolérer leur liaison, pourvu que les enfants demeurassent avec lui à l'abri des éclaboussures et qu'aucun bouleversement n'intervînt dans sa propre existence.
Cette solution, pour vilaine qu'elle fût, valait pourtant mieux qu'une rupture, qui, tout en vouant Anna à une position honteuse et sans issue, l'eût privé, lui, de tout ce qu'il aimait. Mais il sentait son impuissance dans cette lutte, il savait d'avance qu'on l'empêcherait d'agir sagemment pour l'obliger à faire le mal que tout le monde jugeait nécessaire." (p.467, Pléiade)
"Et cependant, dès qu'il fut hors de danger, Vronsky éprouva un esentiment de délivrance. Il s'était en quelque sorte lavé de sa honte et de son humiliation : désormais il pouvait penser avec calme à Alexis Alexandrovitch, reconnaître sa grandeur d'âme sans en être écrasé. Il pouvait en outre regarder les gens en face, et reprendre son existence habituelle, conformément aux principes qui la dirigeaient. Ce qu'il ne parvenait point, malgré tous ses efforts, à s'arracher du coeur, c'était le regret, voisin du désespoir, d'avoir perdu Anna pour toujours. Maintenant qu'il avait racheté sa faute envers Karénine, il était certes fermement résolu à ne pas se placer entre l'épouse repentante et son mari; mais pouvait-il échapper au souvenir d'instants de bonheur trop peu appréciés autrefois et dont le charme le poursuivait sans cesse?" (p.476, idem)
Ces deux extraits ne sont pas dans le dernier Christine Angot, dont le célébrissime extrait : "Ne te trompes pas de trou", fait la joie de la presse... littéraire, ces jours-ci (il s'agirait, sur 320 pages, de ses coucheries avec Doc Gyneco...).
Non, ces deux extraits, je viens de les piocher, en lisant, en écrivant, dans Anna Karénine, de Léon Tolstoï.
La classe...
Mais je ne ferais pas le grincheux : certes, ne perdons pas de temps avec les histoires de cul des Millet, Angot et conso(eu)rts. Voyons les derniers Sylvie Germain, Marie Nimier, Jean-Paul Dubois (reçu ce matin, feuilleté : ça a l'air fort!), Régis Jauffret, Olivier Rolin, Richard Ford, Thomas Pynchon, Christian Oster... Car il ne faut pas désespérer nos contemporains.