Sardegna a tavola
Mon restaurant italien préféré à Paris est Sarde. Et il m'écartèle. Sardegna a tavola (1, rue de Cotte dans le douzième) est un miracle de bonheurs gastronomiques. Des produits d'une fraîcheur et d'une qualité époustouflante, des cuissons parfaites, des associations audacieuses et réussies (*), une générosité rabelaisienne, une subtilité rare et une inventivité désarmante, des plats splendides, et inoubliables certains, tous inspirés d'une terre âpre et de ses rudesses paysannes reloaded, et aussi de la mer, de la nécessité du pêcheur -poétisée par celle qui attend son retour. Et enfin des vins excellents, issus notamment d'un cépage enchanteur, le cannonau (grenache sarde).
Tutto bene. Molto bene.
Ma...
Mais : les prix se sont envolés depuis deux ans et ils sont aujourd'hui en orbite : de 20 à 30€ le plat de pâtes, entrées jusqu'à 40€ (cèpes crus, mais bon), plats idem...
Mais, surtout, l'accueil et le service du boss sont devenus absolument exécrables, il n'y a pas d'autre mot. Tonino est aujourd'hui aussi imbuvable qu'un sale gros gosse gâté qui tape du pied en braillant quand ça lui chante ou qui fait la gueule et appuie à fond sur son air bougon mal dégrossi. Cela fut, il y a quelques jours, à la limite de l'inconvenance affichée comme un principe et de la grossièreté automatisée, à prendre ou à laisser car je t'emmerde. Et moi, ça, je n'aime pas du tout. Si certains Parisiens adorent se faire houspiller, qu'ils aillent là.
Néanmoins, c'est tellement bon que je parviens à fermer les yeux sur ces deux énormes barrières et à retourner dans ce resto depuis des années! C'est simple, je vais encore y réserver une table -là.
Allez comprendre...
(*) Dans Buca e mari (l'une des entrées "du jour" : le marché, presque aussi long que la carte, vaut à lui seul un poème d'amour et plusieurs repas) j'ai pu trouver entre autres : endives émincées, oignons confits, raisins secs macérés, pignons grillés, haricots verts croquants, fenouil al dente, artichaut confit, thon fumé, poutargue fondante, citron et huile d'olive!..
Photo de Anna Maria Maiolino (Fondation Tapies, Barcelone, 15/10/10 - 16/01/11), peintre et performeuse brésilienne d'origine italienne.
Commentaires
Cette photo me fait rêver même si le dicton est proche il y a là quelque chose de jamais vu. Des jolis pieds, une gracieuse démarche, un grand calme et ces oeufs , improbables dont pas un seul n'est cassé, abimé . On se croirait dans un rêve. Il n'y a que dans les rêves qu'une telle situation - si elle n'est pas une mise en scène - est possible. Cela fait partie des hasards , pour moi, un détournement d'intention, une sorte de poésie surréaliste. deux éléments qui ne devraient pas se retrouver ensemble et qui, l'étant, donnent à penser. Une grande étrangeté, un sens nouveau à décrypter, à inventer, comme de mettre le pied sur une terre inconnue : l'île aux oiseaux sans nids, l'île où un oisillon voit le jour, après avoir cassé sa coquille sans la présence du nid, de la mère, un oisillon perdu, anonyme, non reconnu, qui devra se débrouiller tout seul pour survivre, échapper au piétinement et à l'omelette, un monde... sans pitié !
Oui, je l'ai immédiatement aimé (je l'ai reçue par mail quelques heures plus tôt, de la part de la Fondation Tapiès, donc). C'est l'oeuvre d'une artiste -j'irais bien voir l'expo!, donc une mise en scène. J'adore depuis longtemps toute réflexion de travail artistique (pas seulement plastique, il peut s'agir de cuisine, de littérature, de performances bien sûr) sur les mots, en jouant avec, comme elle le fait ici (le dicton!). C'est en effet de rêve qu'il s'agit, de fragilité extrême, et ce pavé est là pour nous rappeler la dureté de la réalité du monde sur lequel on marche, parfois sur la tête, d'ailleurs, laquelle est fragile comme un oeuf. J'aime bien votre idée d'île aux oiseaux sans nids...