JULIEN GRACQ A 100 ANS
Il n’aimait guère les anniversaires et les commémorations. Il n’aurait sans doute pas aimé qu’on célèbre le centenaire de sa naissance, ce 27 juillet*. Ca tombe bien, personne, ou presque, ne pensera à le faire. Les aficionados de cet auteur monumental, qui sont a priori respectueux de son éthique de l’effacement (celle de l’écrivain derrière son œuvre –seule habilitée à le représenter), seront contents. Car, célébrer Gracq c’est continuer de le lire. Et donner envie de le lire, à ceux qui ont la chance de ne pas connaître encore la prose somptueuse d’un des plus grands stylistes, romanciers et essayistes de la littérature de tous les temps. Faites passer.
*Il a disparu le 22 décembre 2007. Voici ce que je donnais à Libé juste après sa mort :
http://www.liberation.fr/tribune/010170942-mes-journees-chez-julien-gracq
Photo : Roland Allard / Vu.
J'ajoute, ce 27 juillet, une info que je viens de découvrir : voir le lien ci-dessous avec un blog (recommandable) qui annonce une série de festivités (théâtre, lectures...) à l'occasion de ce centenaire.
Il suffit de cliquer pour obtenir le programme. http://liratouva2.blogspot.com/2010/07/centenaire-de-julien-gracq-ne-le-27.html
Photo : avec Nora Mitrani (sa compagne autour des années 1958) et André-Pieyre de Mandiargues à Venise. Source : Presse-Océan.
Robert Pinget : « Il me semble que lorsqu'on est attiré par un écrivain, ce n'est pas sa biographie qui intéresse. Je m'étonne toujours qu'on aborde un écrivain avec des questions qui n'ont rien à voir, ou peu à voir, avec son œuvre. Je n'ai pas de vie autre que celle d'écrire. Mon existence est dans mes livres… »
Charles Dantzig : « Pourquoi le public lit-il des biographies d'écrivains ? Pour comprendre le mystère, sans doute, pour éviter de lire les livres peut-être. Curieuse paresse, curieuse modestie (...) Ce qu'on sait d'un écrivain cache ce qu'on en lit. »
A Jérôme Garcin, qui lui demandait pourquoi il ne publiait guère depuis des années, Julien Gracq eut cette réponse admirable : la vérité, c'est que je redoute le livre de trop.
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Par ailleurs, je me dois d'informer que, parmi les nombreux commentaires à cette note, il est également question de peinture (EkAT) et de poésie (René CHAR). Allez-y voir!
Commentaires
Heureuse de découvrir votre blog à l'occasion de ce souvenir! J'aime beaucoup votre article dans Libération: "Mes journées chez Julien Gracq" Je ne l'imaginais pas si bon vivant!
Oh, merci. C'était en effet un faux chétif, un faux ascète, mais il ne se forçait en rien, je crois. Et ne joua jamais aucun rôle autre que le sien. Seulement, sa vraie nature n'était pas entièrement en adéquation avec son apparence, son allure...
(Je me suis permis de faire un lien avec votre blog sans vous le demander).
C'est intéressant cette pensée de C. Dantzig : "Ce que l'on sait d'un écrivain cache ce qu'on n'en lit." C'est vrai pour l'écrivain mais aussi pour chacun d'entre nous. Il y a une telle part d'invisible en chacun et justement chez Gracq il y a ces effleurements de l'invisible. Nous sommes tellement modelables, de glaise, des terreux. Tout impressionne le tissu d'une vie : une lumière, une rencontre, un environnement, un deuil, un sentiment de joie... mais lui il se métamorphose à l'envers, il entre dans sa chrysalide d'écriture. Il y descend au plus profond, s'éloigne du paysage pour explorer ses pensées, son intimité de pensées. Je crois que c'était un taiseux, une sorte d'ermite, de somnambule qui aimait retrouver sa maison, ses murs, le silence et l'écriture. Je crois qu'il s'ennuyait, en attente d'un je ne sais quoi, un exilé...
(C'est dommage que Leo soit absent. Son éphéméride n'aurait pas laisser passer ce 27 juillet.) Et puis Gracq , ses livres, ça touche à ...l'éternité... d'un tombeau. ça enferme. Son écriture ressemble à la Loire lente et tellement imprévisible avec ses sables mouvants, aux encres crépusculaires si miroitantes de Manessier. Je connais mal son oeuvre. Des petits fragments flottant dans ma mémoire. Entre ses livres et moi comme une mousse, un labyrinthe de hautes fougères, une eau dormante. Quelque chose de funeste y plane et me fait frissonner. J'ai un peu peur de m'y perdre. Comme une forêt qui se refermerait sur le passé laissant une sorte de "Belle au bois dormant", captive d'un songe. ça s'effacerait. C'est cela, le présent s'effacerait.
C'est très beau, ce que vous écrivez à propos de Gracq, Christiane. Et bien (res)senti. Les paysages, la Loire, les pensées, l'attente (thème central de son oeuvre romanesque)... Je ne pense cependant pas qu'il s'ennuyait, tant son cerveau fonctionnait à plein régime, mais doucement, à la manière des énormes machines qui ronronnent dans les flancs d'un cargo. Je comprends cette appréhension face à son oeuvre, bien que je ne l'ai pas vécue ainsi, au début (elle m'impressionnait tant que je redoutais de découvrir quelque chose de parfait qui me découragerait à jamais d'écrire. Puis, j'ai sauté le pas et j'ai commencé par "Un balcon en forêt", que je m'offris le jour de mes vingt ans. Le reste suivit à un rythme régulier -comme celui d'un coeur qui bat désormais pour une raison supplémentaire). Vous évoquez une peur, funeste, fantasmagorique et comme sortie d'un conte fantastique pour enfants. J'y vois les premières inspirations de Gracq, justement : le romantisme allemand, Poe, Verne, Lautréamont... (Il manque Lewis Carroll!). Cela produisit "Au château d'Argol", son premier livre (1938). Je ne saurais trop vous recommander de tenter de laisser vos peurs sur le bord du chemin et d'entrer sereinement dans le lac de son oeuvre. Au risque, mince, si mince, de devenir captive d'un songe qui engloutirait le passé, voire le présent.
Enfin, il était, j'en atteste, un homme d'une sensibilité extrême. Lorsque je lui rendais visite (une fois par an), j'avais parfois peur de le froisser par une question, d'être maladroit dans mes réponses aux siennes. Cet homme était, aussi, de cristal. Et je me souviens aussi que nos silences l'embarrassait, tandis que je les savourais comme des points d'orgue, ou bien comme l'image du sillage derrière une barque qui semble ne jamais vouloir se refermer totalement...
Vous m'en entrouvrez la porte et je vais tenter d'entrer...
Pour "l'ennui" c'est cet état d'attente de l'indicible. Quelque chose manque et sa gravitation nous aspire vers une immobilité un peu mélancolique. Comme un visiteur qui hésiterait à franchir un seuil sans savoir qu'il est attendu. Voilà ce que je comprends de l'écriture. Elle est le seuil et le lecteur toujours improbable mais désiré n'ose parfois pas franchir le seuil (comme moi avec les oeuvres de Gracq) alors l'auteur est triste, d'une tristesse incertaine car il sent ce lecteur qui s'approche et s'éloigne sans avoir osé entrer... même si son livre a été lu et acheté. Il écrit aussi pour celui qui n'a pas répondu à son invitation...
Je ne crois pas que l'auteur ressente cette tristesse (imaginaire) devant un lecteur, que vous évoquez. Il écrit d'abord pour lui, dans l'urgence, l'irrépressible besoin et c'est intime. Puis pour "l'autre", lorsque cela devient donc extime. Kafka écrivait pour ne pas mourir. Marc Lévy, je pense que pour c'est se faire un max de pognon. Les deux sont nommés auteurs, et c'est ce qui me tue...
Pensez-vous vraiment cela Leon ? L'écriture tente un lien justement avec un autre imaginaire car elle est parole. Se parle-t-on à soi tout seul sans devenir fou ? Je crois qu'elle remplace quelque chose qui n'a pas pu se dire qui ne peut pas se dire. Sans lecteur, elle meurt comme un manuscrit oublié dans une malle poussiéreuse perdue dans un grenier. Le manque fait écrire, peindre, composer de la musique ou l'interpréter. Il y a tant de solitude entre le Je et l'autre, tant de difficultés d'être.
Pourquoi ces écritures ont besoin d'être lues lues ? pourquoi écrivez-vous sur un blog si ce n'est pour être lu ? pourquoi écrire des commentaires sans destinataire ? Lévy ? qu'il vive à sa façon, peu m'importe. Kafka , comme j'aime avoir rencontré ses livres. Pour ne pas mourir, oui, pour ne pas mourir.
Et puis il y a autre chose que vous livrez ici, cette rage d'écrire pour soi. Là , je crois que c'est un combat avec les mots pour explorer ce qui n'a pas été dit de nous avec les mots. Cette jouissance de l'encre et de l'acte d'écrire, ce monde qui accepte de couler dans cette encre...
Mais le spectre est là comme pour Beckett : l'innommable... qui résiste et là encore attente d'un lecteur attendu : soi-même. Passer, traverser le miroir pour que le Je rencontre son inexploré. Ah, Léon, je parlerai bien des heures avec vous car vous êtes homme d'écriture et homme qui parle d'écriture !
Je crois que je me suis mal fait comprendre : à l'évidence, on produit (du texte, de la peinture, de la musique) pour être lu, vu, entendu. Sur ce blog, j'ai du écrire 100 fois déjà que je le faisais avant tout dans un esprit de partage. Oui, pour partager; faire passer. J'écris (des livres, des articles) pour cela : afin de transmettre de l'émotion ressentie, à l'autre. Et écrire "pour soi", au fond, est également animé par la même dynamique : si je transmets et que je le sais, cela me rend heureux et j'ai écrit pour moi aussi, soit pour éprouver -par surcroît (l'écriture étant déjà une jouissance)-, un plaisir en retour. Chère et mystérieuse Christiane, vous semblez vous aussi participer d'une création certaine, plastique, littéraire, que sais-je. Afin d'échanger sur la chose littéraire, et sur l'innommable cher à Beckett, il suffit d'envisager de se rencontrer!
Oui, Léon, c'est la recherche de toute une vie ! Ecrire , partager..; Ecrire, déchirer...
Peindre et donner... peindre et détruire...
Lire et rencontrer... lire et refuser la rencontre...
Rêver de ne plus avoir besoin d'écrire, seulement être comme l'écrit un très grand ami, Paul Edel, sur son blog "Près - loin"
Alors parfois j'essaie juste de vivre, de partager mais voilà que ça écrit à nouveau dans ma tête, voilà que mes livres aimés s'infiltrent comme une présence jalouse entre les autres et moi. je suis tellement captive de cette encre, de ce geste ! je m'en repose en dessinant et je ne dis pas à mes mains que ça continue d'écrire dans ma tête et soudain en plein milieu de l'esquisse voilà que les mots surgissent et tirent l'encre à eux ! je laisse faire. Après j'envoie très vite à un(e) ami(e), car ça brûle tout ça qui réveille des choses enfouies.
Ce que j'aime c'est fixer longtemps un paysage, un arbre, une bête jusqu'à devenir cela qui est face au regard. Et laisser monter cette jouissance du mot ou du trait qui apporte tant de bonheur ou son effacement.
Je crois que vous vous êtes bien fait comprendre mais c'est une parole de rebelle. Un choix vital, une violence et une douceur, presque une folie. Ah, c'est beau tout cela !
Oui, se rencontrer pour échanger sur tout cela de l'écriture mais ne pressons rien. Laissez encore cette suavité et cette surprise de l'écriture habiter nos écrans respectifs.
Dans ce monde souvent douloureux et absurde, au milieu de cette indifférence ou de ces passions, j'aime le flot de ces mots. Comme une herbe qui pousse malgré tout ce qui bâillonne la parole;
La recherche de toute une vie : oui. Rêver de se défaire du besoin de créer : non. Partager : toujours! Que "ça" continue d'écrire tandis que : le bonheur. Fixer longtemps un paysage : c'est l'essence de l'existence, un peu, non? La parole rebelle? -Un besoin, pas une nécessite et encore moins un devoir. La suavité, la surprise, valent mieux qu'une rencontre.
J'ai attendu (résisté) quinze années (d'échange épistolaire) avant d'entendre la voix de Julien Gracq.
"Dans ce monde souvent douloureux et absurde, au milieu de cette indifférence ou de ces passions, j'aime le flot de ces mots. Comme une herbe qui pousse malgré tout ce qui bâillonne la parole." Et là, je vous cite.
C'est bon , Leon, de trouver un ami pour qui les mots sont transparents !
J'ai vu des toiles profondes comme des étangs du pays de Mélusine sur votre blog. Juste au-dessus. Je leur trouve une parenté avec celles de Chérel. Lui, c'est le brou de noix, pas le bitume, qui endort les couleurs comme une luciole, la nuit. Mais comme pour Chérel j'ai besoin de les avoir face à face , en vrai, les contempler en bougeant, à peine et comprendre ce que la lumière éveille en elles. Ce peintre expose-t-il et où ?
Que dire après cet échange, j'ai peur d'être plat. Gracq m'a procuré et me procurera encore mes plus grands plaisirs de lecture : je savoure chaque mot et chaque phrase. J'en suis encore au début de la découverte de son œuvre, il me reste donc encore tellement d'émotion à ressentir ...
Heureux homme qui commence à cheminer dans l'oeuvre de Gracq...
Bravo pour vos lectures, sur votre blog.
=> Christiane : Votre remarque sur la parenté avec Chérel a touché EkAT, car elle aime sa peinture et que certains de ses amis avaient soulignée celle-ci.
Représentée par la galerie Figure (rue de Seine, Paris 6è) jusqu'à l'automne dernier, EkAT est "en transit" de galerie, actuellement. Deux peintures sont déjà visibles galerie Martine Moisan, passage Vivienne (Paris 2è) et l'essentiel de sa production se trouve, en stand-by, dans son atelier... Voir par ailleurs son site : www.ekat.fr . Celui-ci sera d'ailleurs actualisé prochainement.
Quelle promenade envoûtante. j'aime cet univers. Je suis contente de ne pas avoir reconnu une oeuvre de femme... C'est signe pour moi de la rencontre avec un travail puissant.
Maintenant que j'ai vu plusieurs oeuvres de ce peintre je comprends mieux son expérience de l'espace. Peinture miroitante, indistinction entre les plans. Toiles liquides, feuillues, pas de profondeur invitant au voyage mais rencontre avec des êtres indicibles. Vie obscure abritée par la terre et ses plantes. Toiles muettes.
J'aime ce silence. Je me tiens à distance de tous ces crépuscules et je les écoute comme un bruit d'eau sur les feuilles. C'est un travail patient et humble, très profond.
J'avais vu Cherl à la galerie Felli, rue vieille du temple (3è) et j'étais rester longtemps à les écouter...
J.M. Felli aimerait, me semble-t-il exposer EkAT...
ah, une belle rencontre !
Nous avions, EkAT et moi, discuté avec Felli de l'oeuvre de Chérel. Et de celle de David Maës, exposée alors dans sa galerie. C'était il y a un an et des poussières. J'ai d'ailleurs acheté ce jour-là un petit tableau de Laurent Hours, pour les 20 ans de ma fille (vous saurez tout!)... Ce que vous écrivez sur la peinture d'EkAT est infiniment touchant. Et non seulement beau, mais assez juste. Si ressenti. Je lui transmets aussitôt.
(Et c'est ainsi que Gracq est grand! Voyez où il nous conduit... Cela s'appelle cheminer, non?).
Cher Léon,
Traverser les galeries, les musées et me laisser happer par une toile est un de mes plus grands bonheurs. Le premier éblouissement ? J'avais 14 ans et je suis restée pétrifiée devant "Les raboteurs de parquet" de Caillebotte. Le groupe d'élèves et de profs était déjà loin et je me revois assise sur le parquet du Louvre accrochée, sidérée par cette lumière.
C'était le premier signe d'une fascination qui dure encore. Le plein d'un manque... Ces combats entre la couleur et le dessin. Ce temps qui s'arrête. Plus rien n'existe que le va-et-vient entre la toile et celui qui s'est arrêté devant elle. Cette joie incroyable devant l'harmonie, la beauté. Ce glissement des mots au silence, ce repos de l'âme. Oui , j'aimerais me trouver devant les toiles d'EkAT. et étrangement cela a à voir avec Gracq.
"Ce qui peut bondir des profondeurs de plus tapi et de plus nocturne était tourné vers moi dans ces prunelles.[...] leur humidité luisante et étale faisait songer à une valve de coquillage ouverte toute grande dans le noir -, simplement ils s'ouvraient là, flottant sur un étrange et blanc rocher lunaire aux rouleaux d'algues..."
(Le Rivage des Syrtes)
Cité par Hubert Haddad dans ce livre passionnant "Julien Gracq, la forme d'une vie" (Zulma) à la page 213
Gracq et EkAT, ou la fusion des talents... Quelle belle évocation vous faites là, chère Christiane. Je vous imagine d'ailleurs avec précision devant les raboteurs de Caillebotte. De tels chocs visuels -nous en avons tous (mon premier vrai, grand, se produisit devant "Chasseurs dans la neige", de Bruegel au Kunsthistorisches Museum de Vienne, un matin d'août 1982), sont comme l'éclair de Char : il dure ("L'éclair me dure"). Ce que vous dites des va et vient frappe également par votre justesse de flèche.
Il n'y a pas non plus de hasard : l'exemplaire du "Rivage" d'EkAT est fourbu par sa lecture. Elle "attaque" le "Balcon" la semaine prochaine; et Julien Gracq lui-même m'avait offert l'essai de Haddad, avec deux autres, car il en avait reçu plusieurs je crois.
Alors un peu de la poésie de René Char pour célébrer ces mots qui se rencontrent. A propos de Joseph Sima.
"Quelque part un mot souffre de tout son sens en nous. Nos phrases sont des cachots... On y vit bien, presque sans clarté. Le doute remonte l'amour comme un chaland le courant du fleuve. C'est un mal d'amont, une brusque invitation d'avril.
(...)
Je ne suis pas séparé. Je suis parmi..."
Ah, c'est bien beau toute cette amitié des mots !
Ne serait-ce pas extrait de cette précieuse plaquette (il faut d'ailleurs que je remette la main dessus) intitulée "Se rencontrer paysage avec Jospeh Sima" et publiée joliment à l'enseigne de Jean Hugues?..
Ah... "Etre parmi"! Thème éminemment charien.
Non, cher Léon, c'est dans mon Pléiade de René Char. Un encart réservé aux peintres (Un jour entier sans controverse) - et j'aime infiniment les créations de Joseph Sima.
S'y succèdent des textes évoquant Vieira Da Silva, Pierre Charbonnier, Szenes, Boyan, Wilfredo Lam, Zao Wou-Ki, Picasso, Cézanne, Braque...
Quelques pages où les mots rencontrent les couleurs et les formes.
Ah, avoir ce regard qu'il suggère :
"Le changement de regard ; comme une bergeronnette derrière le laboureur, de motte en motte, s'émerveillant de la terre joueuse nouvellement née qui s'offre à la nourrir parmi tant de frayeur."
(à propos de Vieira Da Silva).
Je trouve là, l'exacte mémoire de mon face à face avec des toiles aimées ou des sculptures.
Détail de bibliophile : la première édition était celle de Jean Hugues (catalogue d'une expo), le texte fut bien sûr repris en nrf Blanche, en Poésie/Gallimard (poche) puis en Pléiade. L'avantage de cette plaquette, c'est le frontispice de Sima !.. Les textes de l'immense Char sur ses peintres amis, qu'il appelait ses "alliés substantiels", valent tant de critiques d'art! Et ses échanges avec Braque, devenus des corps de recueils (comme "La bibliothèque et en feu", entre autres) -je cite de mémoire, étant loin de ma propre bibliothèque, laquelle ne brûle pas j'espère ! (à ce propos, Cocteau, interrogé chez lui sur ses milliers d'ouvrages, et à la question : "qu'emporteriez-vous de votre bibliothèque si elle prenait feu?", répondit : -Le feu...). Du Cocteau. Oui, ces échanges, donc, sont des chefs d'oeuvre de "dialogue" sur la poésie et de la peinture réunies.
Léon, je fais une pause avec les mots écrits. Envie de me balader dans Paris et de revoir Drôle de Drame de Carné.
Merci de votre accueil et pour toutes ces découvertes.
A plus tard !
Cela tombe bien, j'ai un magazine de 84 pages à boucler avant ce soir...
A bientôt donc.
Si vous avez terminé les 84 pages du magazine, pourriez vous me dire ce que signifie "Kally Vasco ?
J'espère que je ne vous ai pas blessé mais cela m'arrive , parfois, quand j'écris trop, ce besoin de silence.
Bonne soirée, Léon.
Quelqu'un me surnomma Cali, en avril 2005, à cause d'une prétendue ressemblance morale avec le fameux personnage (un poussin noir qui répète "c'est pô juste!", un truc de gamins), et Vasco c'est à cause de Basque (en Espagnol) et de V. de Gama. Un jour de juin de la même année, je devais signer un papier dans L'Express sous pseudo, et cet amalgame me vint : KallyVasco.
Blessé? Absolument pas.
Oui, je revois cet adorable Calimero. Quelle belle histoire !
Je vous cherchais un poème de Char. Je ne le trouve pas. Demain, alors. Bonne nuit pleine d'étoiles.
Voilà, cher ami, j'ai retrouvé !
Bien sûr c'est dans le livret "La bibliothèque est en feu..."
"Pourquoi "poème pulvérisé" ? Parce qu'au terme de son voyage vers le Pays, après l'obscurité pré-natale et la dureté terrestre, la finitude du poème est lumière, apport de l'être à la vie.
Le poète ne retient pas ce qu'il découvre ; l'ayant transcrit, le perd bientôt. En cela réside sa nouveauté, son infini et son péril."
C'était à propos de notre échange, ici même du 27.
Il écrit ailleurs (ce doit être dans Feuillets d'Hypnos) : "Le poète ne s'attarde pas à l'ornière des résultats."
Oui, exactement!
"Ne t'attarde pas à l'ornière des résultats" (2) et plus tard à cette mystérieuse pansée, je me suis souvent... attardée :
"Nous n'appartenons à personne sinon au point d'or de cette lampe inconnue de nous, inaccessible à nous, qui tient éveillés le courage et le silence."... et tant d'autres phrases énigmatiques qui laissent les choses béantes, insoumises.
Quand même, c'est joli "ne t'attarde pas"...
"Etre du bond", dit Char, aussi, je crois (de mémoire : c'est douloureux de se trouver loin de sa bibliothèque!), "pas de son épilogue", ou quelque chose avoisinant. C'est cela. Le point d'or, voire d'orgue, lumineux mais ténu, d'où la clarté, faible mais sa puissance réside dans cette ténuité, de "La veilleuse à la lampe" de Georges de La Tour (sur laquelle R.C. s'épancha aussi). Et, oui : ne t'attardes pas résonne comme une invitation courtoise et intelligente, pas comme un mot d'ordre : la morale de Char est, parfois, engageante, tandis qu'elle est souvent obligeante.
Peut-être ce point d'or est-il sa bibliothèque... peut-être est-il au-delà, comme une étoile qui ne serait pas une étoile, en vrai... Oui, il y a de la douceur dans les injonctions de Char mais c'était aussi un homme rude, violent, un géant. un homme à la "respiration agressive, frère des loups :
"Qu'est devenu le loup par ces temps d'abandon ? Il s'aligna sur l'homme quand il constata qu'il ne pouvait se plier à lui ; et la cage s'ouvrit la première devant l'espace de sa mort, au ras de ses pattes pressées."
Et dans recueil "Verdeur d'une soupçonnée" :
"A présent, j'ai quitté mon sort. Je me suis immergé. Au terme d'un si bas malheur, je rencontrai la face grêlée d'une étoile dans le canal, avant l'aube."
Parfois je pense à sa vie (et cela à partir de ses livres de feu) et j'entends ce poème qui est sa victoire :
"Il y a un homme à présent debout, un homme dans un champ de seigle pareil à un choeur mitraillé, un champ sauvé."
L'écriture de Char est pour moi un labour et j'en suis le sillon comme la bergeronnette...
Ce petit recueil posthume (Eloge d'une Soupçonnée), par trop négligé, fut écrit pour son dernier et jeune amour, Marie-Claude, avec laquelle il se maria fort tard. Il dit combien la verdeur -en effet-, de l'homme réveillé au soir de sa vie par l'amour, est insoupçonnable. Le poème "L'amante" est en cela lumineux et me rappelle, à la marge, la fameuse "Lettre à D." d'André Gorz. (J'ai déjà évoqué l'un comme l'autre sur ce blog, mais je ne sais plus à quelles dates).
La douceur de Char me semble rare. Sa morale, depuis les premiers aphorismes (Hypnos), est effectivement si rude qu'elle est régulièrement contestée par des éclaireurs, lesquels mettent garde le lecteur militant de ne pas se laisser piéger par cela, car il peut en résulter un mimétisme qui singe au lieu de s'inspirer.
Pour faire un autre lien avec la peinture, je repense à ceci :
"L'art est une route qui finit en sentier, en tremplin, mais dans un champ à nous." (Avec Braque, peut-être, on s'était dit...).
Enfin, votre image du labour et de la bergeronnette, chère Christiane, est splendide.
Oui, Char a des intuitions remarquables pour traduire avec des mots ce qui est énigme de Miro :
"La ligne... C'est à l'orée de la conscience qu'elle affleure... La main déliée suit l'outil...le geste qui a déclenché la ligne...L'irruption de la ligne...pour qu'elle n'impose pas son bref sablier...La toile, la toile de sac rêche rôde autour de l'outil comme pour l'assaillir...Après vient la couleur et sa meute de loups...La couleur rend l'espace, l'étale en profondeur...La couleur qui prévoit l'espace à travers lequel elle s'unira à la ligne... La forme de Miro n'est que surgissement, rafale qui reflue pour rejaillir... nous voyons la source aux yeux grands ouverts..."Tout cela, pêle-mêle, dans les "Alliés substantiels".
Comme c'est bien senti, bien vu. Quand je lis ces lignes, je revis cette bataille entre signes dessinés et couleurs et le blanc de la toile ou de la feuille et ce geste en suspend qui se nourrit de désir et qui va fondre comme un rapace sur cette surface encore muette. Il faut aller tellement vite, aussi vite que la pensée. Le geste est toujours en retard sur l'impulsion qui porte en elle la solution de l'énigme. Parfois, après la ... bataille, un bonheur fugitif : elle est là, capturée et met au monde son langage.
Je crois qu'il en est de même avec les mots ou avec la glaise ou peut-être aussi la photographie.
Nous sommes entourés d'un monde à déchiffrer. A-t-il un sens ou lui donnons-nous un sens ?
Nous sommes entourés aussi d'un monde que nous voulons "rechiffrer", et défricher, enfin : modeler à travers le prisme de notre vision, vous ne pensez pas?
C'est étrange : je sors d'une librairie avec "Histoire de la ligne" de Brusatin! (je l'avais commandé pour ma fille)... Miro... Votre bataille... Seriez-vous peintre, dessinatrice, plasticienne comme on dit, Christiane?
Le parallèle avec l'écriture se trouve (encore) chez Char, à l'enseigne de Commune présence, à mes yeux l'un de ses poèmes les plus forts, lequel commence par ces mots :
"Tu es pressé d'écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie..."
(Je l'ai toujours sur moi, plié en 12 ou 16).
Oui, ce poème habite pour longtemps une fois découvert.
Oui- c'est le deuxième- j'aime peindre, dessiner, modeler, tailler . Autant de batailles et de joies, de ratages aussi (alors je lave à grand jets de térébenthine ou sous le robinet ou j'écris par-dessus ou je détruis).
J'ai eu le bonheur de tailler la pierre deux fois, une fois en Provence avant d'aller marcher dans l'abbaye de Sénanque, une fois par ici. A chaque fois la pierre se découvrait à l'oreille. Le bruit de l'outil et cette fixité qui fait suivre des yeux , le manque, ce vers quoi on va...
Ces dernières années surtout des carnets de croquis que j'ouvre n'importe où (métro, rue, banc, herbe, théâtre, expo...) et à chaque fois ce dilemme : dessin ou écriture ? Parfois les deux !
donc la ligne ? ma grande passion...
De Manlio Brusatin :
"La vie est une ligne. Tout est ligne. La ligne conjugue deux points. Le point est un instant, la ligne commence et finit deux instants. Seule une ligne génère le dessus et le dessous, la droite et la gauche, le dedans et le dehors, la séparation et l'union, et même peut-être l'avant et l'après..." (Histoire de la ligne - 2006)
Et puis les rides d'un visage :ah la beauté de ces sillons du temps...
Et puis internet. Ah, quelle privation, l'écriture manuscrite de l'ami ! Il y a tant dans chaque tracé...
Autrement dit, garder la ligne est une question d'hygiène mentale, esthétique, poétique, avant tout. Je partage l'idée des rides et celles de l'Internet. Avez-vous remarqué combien nos boîtes aux lettres ne contenaient plus que des documents administratifs et si peu de lettres manuscrites d'amis ou d'amant(e)s? Le genre épistolaire ne s'est pourtant jamais aussi bien porté -cet échange le démontre, mais il y a un monde entre la lettre et le mail, entre l'espoir et l'appel, entre le départ et Skype, mon stylo et un timbre et son Iphone, entre nostalgie et surréel.
Non, ça c'est dans le livre de Brusatin que vous citiez.
Mes lignes sont plus fantaisistes, plus secrètes, plus profondément vibrantes cachées dans le monde qui m'entoure. J'évoquais les rides, il y a aussi toutes ces lignes qui deviennent matière comme les nervures des feuilles, les craquelures des écorces qui, vues de près, sont tellement terrains d'aventures pour les insectes, les mousses, celle de l'horizon comme un mirage, celles d'un corps qui deviennent courbes mouvantes. Regardez les dessins de Giacometti, voilà des lignes que j'aime : un fouillis d'où naît la vie.
Ecrire sur du vrai papier, mêler des dessins, des mots ça c'est une autre une fête. Ma boîte aux lettres est si pleine de mes amis. Ouvrir une lettre, en écrire une, se fabriquer des enveloppes avec du papier et de la colle car les "standard" sont trop petites ou trop grandes, quelle joie !
Et puis une lettre c'est pour un ami tout seul. Ici, bien que souvent je l'oublie, il y a tant d'inconnus qui partagent ces lectures. C'est sympa quand on évoque les livres, l'art mais ça demande une prudence permanente pour ne pas écrire ce qui n'a pas à être sur un écran du net. Par contre c'est un fabuleux réseau de communication. Regardez, de Paul Edel je suis arrivée chez Leo Nemo, puis de chez lui chez vous... et ainsi de suite.
Mais cette communication demande d'être toujours devant un écran et réduit les doigts à tapoter sur des touches alors tout le corps se contracte et s'ankylose, et l'écriture devient prisonnière du lieu de l'écran. Moi, j'aime surtout écrire ailleurs, ville, route, montagne, bord de rivière ou de mer, le soir à la chandelle, dans le métro.
Voilà ! tous ces mots nés de touches carrées de 1cm x 1cm ! Alors que les lettres dansent et tricotent l'encre, boucles, points, tirets et traits, pages délicieusement numérotées, ratures (ça seulement pour les amis) et des timbres à choisir à coller où on veut et puis ce moment de séparation où l'enveloppe glisse dans l'ouverture d'une boîte aux lettres, son cheminement, cette surprise d'en oublier les mots et de recevoir parfois une lettre en écho qui s'est accrochée à ce qui est devenu du passé. Ah, Léon, le charme de la correspondance, intact pour moi !
C'est vrai pour la ligne, le fouillis -je pense d'ailleurs à un portrait de Char par Giacometti, comme une pelote de fil à retordre, et aussi pour le surf sur la Toile : nous butinons, musardons, de blog en blog, nous picorons, laissons une trace ici, prélevons là,ne faisons que passer là-bas... C'est à la fois enrichissant, ludique et frustrant, tout ce virtuel. J'ai découvert -sur vos conseils- le blog de Paul Edel ce matin à la fraîche et je me demande si, davantage que sur d'autres blogs (mais je connais encore assez mal la blogosphère : je sors peu), les discussions animées, souvent brillantes, qui sont engagées à la suite d'une note sur un film, un livre ou un lieu, ne sont pas prétexte à étaler ses connaissances sans être totalement à l'écoute de l'autre. Je suis perplexe devant ce nouveau mode de communication. Et comme vous le soulignez : il ne faut jamais oublier qu'on s'adresse à tout le monde en s'adressant à quelqu'un...
D'où l'ineffable charme de la correspondance, la vraie. D'ailleurs, en tant que genre littéraire, elle m'est aussi précieuse que le journal intime (le vrai : Amiel, Renard, Torga, et beaucoup d'autres).
Le blog de Paul Edel... Il y aurait tant à dire... Le seul lieu où il se permet de laisser les mots venir avec un embrouillis fou des lettres. Un passionné de littérature, un "grand" critique littéraire qui a quitté il y a peu l'hebdomadaire où ses critiques étaient si justes. Un écrivain aussi, et pas des moindres... Là il utilise ce pseudo reposant.
Les commentaires...
Je crois que son blog est un jardin où des habitués se retrouvent à l'ombre de ses billets. Tantôt (mais il faut remonter les billets) la discussion prend, comme une mayonnaise sur le livre évoqué, tantôt les amis s'en détachent et entament une discussion passionnée sans lien avec le billet. On y rencontre des amis différents. M. Court et RAMIEL (RM) qui devisent sans fin sue Dieu et la littérature, sur les anciens. Honorine passionnée par le romantisme (musique et littérature) Yves le breton, à l'humour pétillant. Anonyme(ML, Melkisedech... et autres pseudos à la culture époustouflante et au très, mais alors, très mauvais caractère, Cecile, brillante et douce, Lavande la douce, aimant tant le théâtre, une nouvelle "françoise" très agressive, Annibal(Jacques Barozzi) coquin et grand baroudeur, Clopine, l'amie, trop rare mais qui alimente un blog personnel comme on écrit un journal avec une plume experte, et d'autres amis. Que cherche Paul ? Assurément pas la même chose que vous, ni celle de Léo. Je ne sais, écrire librement ses coups de coeur, ses colères en matière de littérature et se réjouir de la présence de ses amis sauf quand ils se disputent (pour de vrai)
Son vrai blog est antérieur à Janvier ... après c'est une lente et difficile résurrection... C'est un ami que j'aime beaucoup.
Je n'ai pas de blog, ne suis pas inscrite sur facebook et cela ne me manque pas.
Un autre blog que j'aime infiniment celui de "Terres de femmes" d'Angèle Paoli, uniquement réservé à la poésie et à la littérature. Un bijou. Les commentaires y sont rares et c'est bien ainsi.
Mes promenades sont très réduites dur le net des blogs.
Le premier que j'ai découvert par un drôle de hasard c'est celui de Pierre Assouline. J'aime ses billets mais pas du tout les marées de commentaires où là, on est complètement et souvent en dehors du sujet. Une arrière-cour qu'aurait aimé explorer Freud ! Et au hasard quelques commentaires passionnants.
Oui, j'aime le portrait de Char par Giacometti. Et ce que vous en dîtes me plaît.
Voilà cher Léon.
Ce matin, j'ai déroulé votre blog. Quelle richesse. Des lectures à reprendre...
Oui, je vois : une vraie petite famille que l'on n'ose pas déranger, le blog de votre ami : il donne l'impression d'être un club, ou un salon où les échanges ping pong entre connaissances vont bon train. Mais où nul étranger ne peut entrer comme ça.
Merci pour le mien, modeste, mais qui donne à lire, depuis le temps! (4,5 ans déjà).
Le vôtre, est splendide. Vos livres aussi et
le blog de Paul est ouvert à tous les promeneurs depuis toujours...
D'accord, je prends note. Je tenterai de m'inviter en frappant à la porte et si je n'entends pas de bruit de conversation à l'intérieur.
Vous êtes drôle, Léon. J'aime les amis qui avancent en souriant...
Julien Gracq, un grand écrivain, et qui a, en plus, dit beaucoup de bien des bords du Léman, ce qui lui suscite la gratitude de tous les Savoyards (car il a dit du bien seulement de la côte française) : http://autourduleman.blogspot.com/2008/10/264-rmi-mogenet-julien-gracq-et-le-lman.html
A bientôt peut-être !
intéressant, votre rapprochement entre Ramuz (dont je relisais récemment "La grande peur..." et "Derborence" -et Gracq. A fouiller.
Oui, il y a peut-être la même volonté de créer un monde fabuleux à partir du réel transfiguré par le style qui épure et intériorise les choses. Gracq disait aimer Ramuz, je crois.
Possible...
J'ignore si JG aimait CFR
C'est Julien Gracq qui a écrit ceci : "Il me semblait que l’esprit de Ramuz, chassé par les lotissements faubouriens du front du lac vaudois, s’était replié sur ces tranquilles hameaux de rive qui, dans le choc plat et languissant des rames, vivotaient encore à petit bruit entre lac et forêt et où on pouvait toujours s’imaginer sans trop d’invraisemblance les barques de la Nouvelle Héloïse abordant sous les rochers de Meillerie." Cela à mon avis démontre qu'il aimait Ramuz. Cela d'autant plus que ces bords savoyards du Léman sont regardés par Gracq comme similaires à ses chers bords de Loire, dégageant le même charme : "Je trouvai - Evian et Thonon mis à part - des villages presque paysans, silencieux dès que le soir tombait et que mouraient les bruits de la grand-route, des maisons grises et vieilles, un peu délabrées, des guinguettes de pêcheurs à la ligne, et, le long des charmilles au bord du lac, l’odeur même de vase de la Loire par les soirs d’été" : l'odeur ici a quand même, je pense, une importance assez grande, dans le ressenti de l'écrivain.
Bonjour,
je me permets de vous indiquer une adresse où sont mises en scène 7 rencontres improbables qu'aurait pu faire Julien Gracq.
C'est ici:
http://www.gerard-bertrand.net/index_rencontres_gracq.html
(Ces "images" sont utilisables dans les conditions "Creative Commons" qui figurent sur mon site)
=> Rémi : en effet, ces extraits (« Carnets du grand chemin » ?) disent clairement les choses. Encore que je ne sois pas familier de la géographie de Ramuz. S’agissant de Gracq, on retrouve là, non pas une manie d’écrivain géographe musardant avec un regard suraigu, à bord de sa 2CV sur les routes de France et d’Europe, mais une tendance récurrente à comparer ce qu’il découvre avec le Pays de Loire, sa (p)référence...
=> Gérard Bertrand : bravo pour ces montages subtils, où l’idée, le collage, la mise en scène, l’humour, les associations, expriment avec profondeur et connaissance l’univers de Gracq.
Léon,
merci !
Grâce à vous une belle traversée : "Le Rivage des Syrtes". J'en porte encore ces images évanescentes, ce Tängri, ce géant illuminé où "ils se brûlent à cette lumière sortie de la mer", cette fugue enchantée vers l'île de Vezzano. Regard et vigilance de chasseur, d'éclaireur, de voyant.
Aldo qui doit se détacher de son illusion du moi obscur pour se trouver, libre et qui pourra enfin parler, beaucoup plus tard. J'aime la présence souple, rebelle et mystérieuse de Vanessa, son rapport à la mort. Fabrizio, comme une lointaine enfance.. C'est une langue en équilibre fragile. Les personnages hésitent, comme perdus, tout entiers modelés par ces paysages. Un monde en décadence. Les signes alarmants de la guerre toute proche. Ce livre c'est du Schubert !
Merci, Léon.