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Ode à Clément Faugier

Je retrouve ce texte hivernal tandis que je bois de l'eau glacée pour me rafraîchir et que je ne veux manger que des salades frâiches et des fruits mûrs...

 

AUX AFICIONADOS DE LA

CREME DE MARRONS

 

La gourmandise est faite de connivences inattendues et de correspondances inédites. Les amateurs de crème de marrons sont des passionnés : qu’un étranger évoque leur penchant dans un compartiment de train ou sur le zinc d’un bistrot et leur œil s’allume, leur sourire apparaît, leur regard devient lumineux, curieux ; ami. La conversation s’engagera inévitablement et quelque chose naîtra entre deux inconnus que rien ne liait jusque là. La crème de marrons possède cette magie de créer des liens entre aficionados silencieux, car un peu seuls avec leur gourmandise. Avouez que beaucoup n’aiment pas la crème de marrons et je me demande toujours pourquoi ils n’apprécient pas cette ineffable onctuosité, cette sensation infiniment sensuelle procurée par une incomparable consistance, ces saveurs d’automne, ce goût de nature (ardéchoise) brute, adouci par un sucré subtil et un vanillé indispensable…

J’aime la crème de marrons. À même le pot avec une cuiller, le matin  et le soir, ou bien avec du fromage frais. Mais elle est meilleure toute seule. La crème de marrons est la madeleine de ses aficionados : leur plaisir remonte à l’enfance. Souvent j’ai été tenté de lancer un appel aux gourmands de mon espèce pour créer un club d’amateurs de crème de marrons (qui existe sans doute déjà) et je confesse un plaisir formidable à en déguster en compagnie d’un ou d’une qui l’aime autant que moi. Par goût du partage simultané. Comme pour un grand sauternes. Mais cela est étrangement rare.

Les bonnes crèmes de marrons ne sont pas légion et celle de Clément Faugier –qui inventa la sienne en 1885 en utilisant astucieusement des bris de marrons glacés mêlés à la farine de châtaignes, du sirop de confisage, du sucre et de la vanille -, excellente, présente l’avantage d’être disponible à peu près partout, en boîtes de plusieurs tailles et même en tube ! Ah le tube de crème de marrons… Je ne connais pas de meilleur dentifrice. En montagne, c’est mon trompe-creux de huit ou neuf heures. 

J’ai noté un jour dans un carnet, pour définir le poids de l’ennui, que certains dimanches après-midi étaient aussi épais que de la crème de marrons. Mais avec elle, l’ennui désépaissit. Lorsque je prends une copieuse cuillerée de crème de marrons, j’ai l’impression de rouler une pelle à Clément Faugier. Bizarre. L.M.

 

 

 

 

Commentaires

  • Encore un goût partagé! Ahhhh oui, la crème de marrons... J'ai souvent pris la peine lorsque j'habitais la côte varoise de délaisser les plages surpeuplées et les odeurs de coco recomposées des crèmes solaires pour le calme de la campagne des environs de Collobrières et ses forêts de châtaigniers. Le pot de confiture empli de crème de marrons s'achète au cul des garages à des personnages discrets qui ont l'âge de leurs arbres ou pas loin. La crème se déguste à la cuillère, sans fioriture, fond dans la bouche en accrochant sur la langue une touche doucereuse et vanillée. Merci d'avoir ce souvenir sensuel et parfumé Léon!
    Rouler une pelle à l'ancêtre, je te le laisse, chacun sa bizarrerie.

  • La crème de marrons n'est pas ma madeleine, question de région, je suis Champenoise ; je l'ai d'ailleurs découverte fort tard : à la maison, il n'y en avait jamais. Et je l'évite, parce que je suis déjà bien assez amatrice de choses très nourrissantes. Mais si je suis amenée à partager un tête-à-tête, que dis-je, un langue-à-langue avec, je ne réponds plus de mes réactions papillaires, et du plaisir qui s'ensuit.

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