L'art du roman selon Kundera
L’actualité Kundera m’a poussé à reprendre L’art du roman (essai) plutôt qu’un de ses romans, car c’est un recueil de formules salutaires, et de bon sens, sur le sujet. Par un romancier qui avoue n’être attaché à rien sauf à l’héritage décrié de Cervantès.
Extraits :
Le romancier n’est ni historien ni prophète : il est explorateur de l’existence (p.59, en folio).
Si le roman doit vraiment disparaître, ce n’est pas qu’il soit au bout de ses forces mais c’est qu’il se trouve dans un monde qui n’est plus le sien (p.28).
Mais l’esprit de notre temps est fixé sur l’actualité qui est si expansive, si ample qu’elle repousse le passé de notre horizon et réduit le temps à la seule seconde présente. Inclus dans ce système, le roman n’est plus œuvre (chose destinée à durer, à joindre le passé et l’avenir) mais événement d’actualité comme d’autres événements, un geste sans lendemain (pp.30-31).
Le roman n’est pas une confession de l’auteur, mais une exploration de ce qu’est la vie humaine dans le piège qu’est devenu le monde (p.39).
Tous les romanciers n’écrivent, peut-être, qu’une sorte de thème (le premier roman) avec variations (p.159).
Je rêve d’un monde où les écrivains seraient obligés par la loi de garder secrète leur identité et d’employer des pseudonymes. Trois avantages : limitation radicale de la graphomanie ; diminution de l’agressivité dans la vie littéraire ; disparition de l’interprétation biographique d’une œuvre (p.169).
D’après une métaphore célèbre, le romancier démolit la maison de sa vie pour, avec les briques, construire une autre maison : celle de son roman (p.174).
Le romancier est celui qui, selon Flaubert, veut disparaître derrière son œuvre. Disparaître derrière son œuvre, cela veut dire renoncer au rôle d’homme public. Ce n’est pas facile aujourd’hui où tout ce qui est tant soit peu important doit passer par la scène insupportablement éclairée des mass media qui, contrairement à l’intention de Flaubert, font disparaître l’œuvre derrière l’image de son auteur (p.185-186).
Commentaires
Effectivement, ça donne envie de s'y (re)plonger. J'y trouve Gracq, dans son dernier extrait.
Tu as complètement raison : Gracq n'a jamais cessé de répéter la même chose à partir de 1950 (La littérature à l'estomac).
Quand je pense que certains font la fine bouche devant Kundera... d'ailleurs ça m'a servi à déserter certain(s) blog(s)...confiture & cochons...
confiture & cochons!.. Diable.