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Ma fille et le cpe

Lettre ouverte à ma fille
Ma chérie,
Nul ne souhaite la précarité de la jeunesse que le CPE induit. Ni l’épée de Damoclès que tient l’armée des employeurs. On ne peut pardonner le mépris de l’absence de consultation, en démocratie. Ni transiger avec les instigateurs du licenciement sans motif. Cependant, sur un point crucial, tu m’as éclairé, la veille de la grande manif. Comme je m’étonnais que tu n’y participes pas, tu m’exposas ton avis, que tu partages avec d’autres, dans ta classe de Première : tu ne veux pas du CPE, mais tu me dis qu’il propose peut-être aux jeunes de se donner à fond pour réussir. Qu’il est tout l’inverse d’une planque, d’une entrée directe dans un système confortable, façon fonction publique. Nombre de jeunes comme toi, armés d’une sensibilité de gauche, ont un fragment libéral courageux, qui vilipende le tout, tout de suite, le toujours plus d’avantages ; l’assistanat général. Ce goût, non pas du risque, mais de son acceptation raisonnée, te fait regarder l’avenir avec lucidité, cette « blessure la plus rapprochée du soleil » (René Char). Tu es déjà sans illusion sur le monde impitoyable qui t’attend. Il va s’agir de n’avoir pas froid aux yeux et de regarder le soleil en face. C’est pourquoi ton opinion sur le CPE s’appuie sur un sentiment sourd, sujet à caution, qui vient de la jungle : ceux qui auront le plus de « gnac » gagneront leur liberté. Je me donnerai à fond et « risquerai » de voir mes qualités et ma persévérance l’emporter. Sans porter atteinte aux autres : la jungle, oui, mais sans sa loi brutale. Les têtes brûlées, les mercenaires, mais aussi les poètes, les nomades, les philosophes comme Diogène et Socrate, ceux qui font de leur précarité une occasion de réfléchir sur soi-même, au-delà de la souffrance et de l’exclusion qu’elle génèrent, pensent ainsi. Alors oui, ma fille : apprends à compter d’abord sur toi-même, au lieu d’exiger de la société qu’elle te gave comme une oie. Contente-toi de peu et donne. Ton bonheur n’en sera que plus grand. Tu sais, je me souviens d’un sujet lumineux de culture générale à Sciences-Po : « La difficulté est créatrice ». L’imagination est fille de la crise, ma chérie. Elle n’aura jamais besoin d’antirides. Un peu comme Sharon Stone…

Léon MAZZELLA
Journaliste et écrivain (dernier livre paru : « Flamenca », roman, La Table ronde).

Cette tribune est parue dans Metro , le fameux gratuit, lundi dernier 27 mars.

Vous y trouverez aussi deux autres tribunes, consacrées à la grippe aviaire et au prochain lâcher d'ours, publiées la semaine précédente par Metro.


Commentaires

  • Bonjour,

    En tant que "jeune ancien" de la même école que vous, dont vous mentionnez les délicieux sujets de culture générale, je permets de réagir à la lettre que vous avez publiée dans Métro.

    Ce comprends la dimension affective de cette lettre, qui vous conduit à agrémenter votre réflexion de propos philosophiques et poétiques. Mais le sujet est trop grave pour que l'on se permette de manquer de rigueur : le CPE n'induit pas de la précarité. La précarité est un état de fait pour les jeunes (stages, CDD, intérim) qu'il se propose de réduire... mission pour laquelle il est totalement inadapté.

    Je partage entièrement votre rejet de la méthode villepin, absolument détestable.

    Enfin, cela ne doit pas nous pousser à cèder à la démagogie, à hurler avec les loups : en ces temps de réflexion sur le marché du travail, il convient de prendre ses distances avec les passions et de lire les prise de position des vrais économistes, qu'ils soient pour ou contre le CPE.

  • Oui. J'ai bien conscience du sérieux du sujet, sous mes airs "poétiques", n'ayez crainte. J'ai été seulement alerté par une réflexion d'ado qui me semblait trancher avec le discours monolithique ambiant. Je ne mélange pas tout : ni la précarité vécue, ni celle à venir, ni la conjoncturelle, ni la structurelle, ni la précarité de luxe avec la vraie, réelle, "comac"... Merci de votre réaction.

  • Papa manifeste, papa gueule, papa écoute, papa écrit. Les papas ne battent pas en retraite. D'aileurs, c'est quoi, au juste, la retraite? Cette notion m'interroge : retraite. Les vaches sont-elles retraites, le soir? Cela m'évoque aussi James Dean : "Je ferai un jeune et beau cadavre"... Il l'a fait. Quant au XIXème siècle, hommage à Philiipe Murray, qui vient de quitter ce monde, et qui nous a laissé un imposant "Le XIXème siècle à travers les âges". Et ça, c'est du maousscostaud. Faites passer...

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