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critique littéraire

  • En lisant...

    Quelques notules sur mes lectures récentes
     
    Les Classiques du Rugby
    Nul ne s’étonnera de ce que Denis Tillinac, Pdg de La Table ronde, auteur lui-même d’un inoubliable Rugby blues, lance une collection intitulée « Les Classiques du rugby », qui se propose de publier 15, ou plutôt XV titres d’ici le coup d’envoi de la Coupe du Monde, contre laquelle la collection entend s’appuyer. Six titres sont déjà sortis : ce sont tous de salutaires rééditions. Des classiques, comme Le Rugby c’est un monde, de Jean Lacouture, à l’érudition joyeuse, ou Les Contes du rugby, de Henri Garcia. Des souvenirs truculents : Qui veut jouer avec moi ?, au fort accent bayonnais, d’Adolphe Jauréguy. Les Ovaliques, de Georges Pastre, mélange de récits, de pastiches et d’histoires drôles. Sacrées bourriques ! Les gladiateurs du rugby (comprenez les avants : ceux qui déménagent les pianos, mais n’en jouent pas…), ne sont pas les mules que l’on croit. Paul Katz le prouve. Enfin, Légendes d’ovalie, de Benoît Campistrous et Jean Lapoujade, aux accents « Haedensiens ». Tous ces grands petits bouquins expriment le rugby comme façon de vivre et d’être au monde. Chacun répète que le rugby est un état d’âme, un mystère, un envoûtement. Suivront, notamment, Ironies ovales d’Antoine Blondin, L’esprit du jeu. L’âme des peuples, de Daniel Herrero et Mon beau rugby, de Paul Voivenel. Au total, une équipe de livres qui sentent tous le « grrrand sud », et ne manquent donc ni de force ni de caractère. Cette collection ne doit pas nous faire oublier le plus émouvant des livres « littéraires » parus en 2006 sur le sujet (à La Table ronde aussi) : les Mémoires de l’aîné des Boni : André Boniface : Nous étions si heureux…

    Exquis d’écrivains et nourritures canailles

    Une nouvelle collection, que dirige Chantal Pelletier chez Nil, se propose de faire passer à table des écrivains gourmands ou gourmets. Claude Pujade-Renaud, avec Sous les mets les mots, Chantal Pelletier : Voyages en gourmandise, et Martin Winckler : A ma bouche, ouvrent le bal. Ces diables de petits livres sont tantôt sensuels, tantôt drôles, toujours métissés de saveurs et de souvenirs d’enfance. Algérienne pour Winckler, Lyonnaise et Bressanne pour Pelletier, Méditerranéene et Béarnaise pour Pujade-Renaud. Voyages dans le monde des mots et le monde des saveurs des cinq continents, « exquis d’écrivains » mêle avec subtilité littérature et art culinaire. Une réussite.
    Autrement plus scientifique, le copieux essai sur les Nourritures canailles de Madeleine Ferrières, à qui l’on doit déjà une passionnante Histoire des peurs alimentaires (les deux au Seuil), nous raconte et nous explique, avec une érudition qui force le respect, la généalogie des racines de la cuisine française. Cette histoire des habitudes alimentaires se double d’un essai brillant qui démontre –entre autres choses-, que la cuisine dite bourgeoise, est en réalité la cuisine de pauvres. Etude de plats emblématiques à l’appui. Passionnant.

    Nur
    Avec Nur (Rouergue), Arnaud Rykner signe un bref texte d’amour brut. Un homme rencontre une jeune et très belle femme au cours d’un voyage d’affaires dans un pays oriental dévasté par la guerre. Sa peau à elle est aussi mate que la sienne est pâle. Elle est mariée, aime son mari, mais elle aime aussi aimer à fond cet homme surgi de nulle part. Le sexe les unit, la sensualité les avale. Il l’appelle Nur : « seulement », en Allemand. « Lumière », en Arabe. Et dit qu’ils vivent, l’espace que quelques jours à peine, un amour de roman, comme il n’en existe que dans les livres… L’absolu de cet impossible amour est chuchoté dans une langue simple et redoutablement efficace. Percutante. Roman écrit à la deuxième personne, roman miroir de l’immédiateté, par conséquent, Nur résonne comme toutes ces histoires qui, parce qu’elles ne mènent à rien, nous disent tant sur nous-même.


    La maison du retour
    Avec La Maison du retour (Nil), journal du retour de l’enfer de sa captivité au Liban, dans la paix d’une maison de la Haute-Lande dont il fit l’acquisition, Jean-Paul Kauffmann signe un livre grave et profond. En compagnie des oiseaux de nuit qui chahutent dans le grenier, de deux maçons qu’il surnomme Castor et Pollux, d’un vieil exemplaire trouvé aux « Tilleuls », cette maison qu’il fit retaper,  d’extraits des Bucoliques et des Géorgiques de Virgile, Kauffmann va réapprivoiser le monde en laissant la nature s’emparer doucement de ses cinq sens. Subtil, pudique et intime à la fois, ce livre dit aussi l’étonnement d’un homme qui semble « revenu de tout » et qui revient peu à peu à tout. Comme un chevreuil avance à découvert entre pins et fougères. En s’émerveillant d’un crapaud à la peau bleue sur la margelle, du discours de faux rustres sur le terreau de son airial. En écoutant Haydn en boucle, et en s’accommodant du silence minéral de ses nuits solitaires. Un grand Kauffmann, comme on le dit d’un grand margaux.

    Retour sur le Camus de Musso
    La vérité camusienne est culturelle : Camus n’échappera pas à cette « castillanerie » que désignait son maître Jean Grenier, un brin railleur. L’orgueil de Camus est peut-être d’avoir su qu’il inventait une littérature  des confins : entre la littérature de rupture et la littérature traditionnelle. Camus ? Un écrivain border-line. Un philosophe pour classe tous risques, qui se plaisait à dire, au faîte de sa fulgurante ascension : « J’ai toujours eu l’impression d’être en haute mer : menacé au cœur d’un bonheur royal »… (Camus ou la fatalité des natures, de Frédéric Musso, Gallimard/Essais, déjà évoqué dans une note d’octobre ou novembre dernier…).