mon10mai
Je n'oublierai jamais cette soirée-là. Je devais me coucher tôt car le lendemain matin, je commencais les épreuves d'examen de fin d'études à Sciences-Po par la matière la plus importante : culture générale. Avec mes potes, nous étions devenus incollables sur le mitterrandisme car il apparaissait très probable que le sujet puisse tomber. A l'annonce du résultat de l'élection, la liesse s'empara du pays comme de mon studio d'étudiant. Nous avons aussitôt bu du rouge, du champagne, puis nous sommes partis dans ma vieille 4L pleine comme un oeuf avec Béné, ma soeur Muriel (je me souviens d'Hervé sur le toit et de je ne sais plus qui accroché au capot, peut-être Roudil) pour faire la fête à quelques centaines de mètres, Place de la Victoire, à Bordeaux (chacun sa Bastille). La nuit fut longue et belle. Le lendemain à 8h, le sujet de l'épreuve écrite fut les nouveaux pauvres. C'était aussi d'actualité... La suite? Mes années tonton, mes années actives, mes années d'homme. La marque de la plus importante tranche d'une vie. Une génération, pas une vénération. Mais une association quand même entre une France enfin à gauche et quinze ans de construction personnelle, intérieure et extérieure. Du coup, trente ans après, mon 10 mai 81 demeure le point de départ d'une existence dans le réel. Char dit : le poème est l'amour réalisé du désir demeuré désir. Je ne sais comment, mais il y avait un peu de ça, le lendemain...
Photo : le 11, au Panthéon.
Le lendemain, elle était souriante...
P.S. : J'ajoute qu'il est salutaire de relire l'édition du Monde de ce jour-là, offerte en fac-similé avec le journal daté du 12 mai (disponible dès cet après-midi). L'éditorial de Jacques Fauvet d'une part, et les analyses de Noël-Jean Bergeroux et d'André Laurens d'autre part, sont des modèles du genre.