grues cendrées, en V, dans le ciel bayonnais
Cinq novembre, Bayonne. Réveil au chant de centaines de grues cendrées qui passaient, bas, en V successifs, interminablement, au-dessus de la maison. La grue craque, comme le chameau blatère et comme je déblatère ici. Mieux vaut déblatérer que craquer, cet automne. Temps splendide. Ciel bleu pur. Température tiède. Clémente, comme on dit. Balade (braconnière) à Biarritz. Les Halles pour y faire provision de bons produits, la Chambre d’Amour, puis la Côte des Basques, pour reposer le regard et respirer à fond : l’Océan est méditerranéen, aujourd’hui, et la côte espagnole visible jusqu’à Santander. Lisse est l’adjectif qui qualifie le mieux cette journée d’une douceur extra/ordinaire. Les vagues, lentes, lascives, ont l’air douces aussi : sans sel. Elles sont poivrées de surfers en combinaisons, qui figurent des insectes élégants. Quelques volées de palombes passent au loin, vers La Rhune et le Jaizkibel (les Trois Couronnes). L'ardi gasna (le fromage de brebis paysan), de Chailla, est fantastique sur le Porto, les huîtres rituelles (quatre douzaines de Quiberon n°3 de l’ami Joël D(upuch)-), fidèles au rendez-vous de treize heures. Cèpes, cœurs de canards, queues de langoustes grillées, polenta, Vacqueyras blanc de 1999 à la robe sombre comme celle d’un sauternes, d’une vivacité, d’une nervosité, explosives. Puis Listrac de haute extraction en magnum pour suivre. Le meilleur ¡y mañana sera otro dia, no ! ¡Joder !... Il aura le meilleur jusqu'au bout. Et puis il y a des mots d’une autre douceur, celle que l’on décide contre toute météo, celle, dite des soins pailliatifs. Une expression redoutée qui se pose un jour comme une volée de sarcelles sur le blanc d’un étang au cœur de la nuit de novembre. (Je crois que la lune est pleine, ce soir, d'ailleurs...). Le premier oiseau se nomme morphine, le second valium. J’ai oublié, ou je n’ai pas voulu retenir, le nom des autres, au nombre de trois ou quatre. L’ordonnance est pliée dans la poche arrière du jeans. Demain… Mañana… L'ami Jean-Louis, le pharmacien du quartier (un pote de lycée) roupille à cette heure. Il la lira demain matin, tôt. De mauvais augure, bien entendu, ces piocs paillatifs. Quand la côte du col du Tourmalet devient trop abrupte, le cycliste passe le grand braquet. Et mouline plus à son aise. La science atteint des sommets dont je lui suis tellement reconnaissant, que je me porte volontaire -avec alegria-, pour aller planter un drapeau à sa place, là-haut sur la "Montagne magique". Au moment voulu. As later as possible, please! Et voilà qu’un mot italien, aussi tendre à l’oreille que funeste dans l'interprétation de sa traduction, me revient. Cogne à mon esprit. Le mot morbidezza. Il signifie douceur. Il sonne, d’évidence, comme la morbidité. Car la mort paraît douce, et de façon récurrente, à différentes étapes de l’existence. Et c’est toujours ça de pris,non? Sauf qu’il s’agit à présent (le repos ? -jamais…), de retrouver instamment le cd avec l’Ave Maria de Gounod "pour… la sortie de la messe". Bordel, où est-ce qu’il se planque, ce con de cd ! Ni dans la voiture, ni dans les range-cd, ni où !.. ¡Vaya con Dios, Gounod !